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Recherche académique sur l'histoire du Maroc : l'avis de Bahija Simou

Historienne émérite, Bahija Simou nous parle dans cet entretien de la Direction des Archives Royales (DAR) qu'elle dirige, fait le point sur la production historique marocaine et revient sur les perspectives de collaboration entre la DAR et l'Institut Royal pour la recherche sur l'histoire du Maroc.

Recherche académique sur l'histoire du Maroc : l'avis de Bahija Simou

Le Matin : L’écriture de l’histoire se fonde dans une large mesure sur des archives officielles. Voudriez-vous présenter à nos lecteurs la Direction des Archives Royales et sa contribution à la recherche sur l’histoire de notre pays ?

Bahija Simou : En vous remerciant de nous avoir accordée cette interview, nous ne pouvons qu’acter cette relation fusionnelle entre les archives, l’histoire et la mémoire d’un pays. Les archives sont les porteurs de signaux de la mémoire, elles constituent même une mémoire vivante. Aucun pays ne peut exister sans mémoire historique et aucune histoire ne peut être écrite sans documents et archives. Ce fait met en valeur l’importance capitale de la conservation des archives. En réponse à cette vocation et à notre cause nationale, la Direction des Archives Royales a vu le jour en 1975.
Notre rôle se résume dans les quatre «C» des verbes collecter, conserver, classer et communiquer auxquels s’ajoute la numérisation. Ce travail est effectué dans le respect des normes archivistiques internationales qui facilitent tant la conservation des documents que le travail des chercheurs qui nous sollicitent. D’autre part et dans le domaine de la communication, la Direction des Archives Royales édite la série «Al Wataïq» (الوثائÙ‚), recueil périodique de documents historiques ainsi que des ouvrages thématiques.
L’un de nos ouvrages publié en 2011 est intitulé «La Béïâ, un pacte permanent entre le Roi et le peuple». Un autre, réparti en trois tomes et publié en 2012, s’intitule «Le Sahara marocain à travers les Archives Royales». L’année 2015 a connu la parution de deux tomes de l’ouvrage sur «Le Maroc et la France, une relation multiséculaire», complété en 2016 par un troisième tome : «Le Maroc et la France : le parcours vers l'indépendance, 1912-1956». En 2018, la DAR a publié un autre livre intitulé «L’ Andalousie : histoire et civilisation» en 2 tomes.
En outre, la Direction des Archives Royales a organisé plusieurs expositions : «Sites éternels de Bâmiyân à Palmyre» le 14 décembre 2018. «Splendeurs de l’écriture au Maroc, manuscrits rares et inédits», organisée à l’Institut du monde arabe en 2017. «Le Maroc à travers les âges», organisée au Musée de l’Ordre de la Libération en 2016. «Le Maroc médiéval, un empire de l’Afrique à l’Espagne», organisée au Louvre à l’automne 2014 et au Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain de Rabat au printemps 2015. La DAR a contribué à l’élaboration de documentaires d’histoire, tel que «Moulay Ismaïl : le Roi soleil des mille et une nuits» dans le cadre de l’émission «Secrets d'histoire».

Quelle évaluation faites-vous de la production historique marocaine ?

L’histoire nous éclaire toujours sur notre devenir. Elle nous ouvre ainsi la voie à une meilleure compréhension du présent et permet même d’envisager l’avenir. Vu cette importance, les historiens marocains ont produit plusieurs études historiques. Néanmoins, cette production s’est focalisée en majeur partie sur l’histoire contemporaine et sur la période précoloniale, d’autres ont évoqué les relations internationales. Il me parait nécessaire que les historiens puissent s’orienter vers d’autres horizons, à savoir :
• L’histoire sociale qui nous permet de rencontrer des communautés humaines qui nous ont légué leur génie et leur expérience sociétale. L’histoire sociale est le meilleur gage pour témoigner de notre authenticité et de nos valeurs. Elle nous apprend avant tout le respect et l’humilité envers ceux qui nous ont précédés, car sans le regard que nous jetons sur leur vécu, nous serions déracinés, déboussolés, sans repères identitaires. L’histoire sociale nous apprend aussi à relativiser tant de choses, ce qui génère davantage de tolérance, de compréhension et d’acceptation de l’autre. Elle nous permet de comprendre la nation dans ses profondeurs aussi bien que dans ses évolutions.
• Dans le même sens, nous déplorons l’absence ou en tout cas la production assez limitée dans les domaines de l’histoire du temps présent ou de l’histoire immédiate.
Je crois que la connaissance de notre histoire est une lacune à combler, et mon souhait le plus ardent est de voir les efforts déployés actuellement pour la mémoire marocaine ne pas négliger cet aspect. La jeunesse marocaine a tout lieu d’être fière de l’histoire de son pays qui a participé à l’écriture de l’histoire du monde arabo-musulman, voire du monde entier, mais il faudrait rapprocher cette génération de sa propre histoire.
Tout l’enjeu aujourd'hui est de rapprocher la connaissance historique des citoyens et de s'inscrire dans la démocratisation du savoir. Les choses vont vite, très vite même. Il faut certes sensibiliser les jeunes à l’importance de leur histoire, car celle-ci est un héritage commun, qui porte leurs racines et les valeurs de leurs ancêtres. Aussi, le monde virtuel doit-il être perçu et utilisé comme une précieuse opportunité pour véhiculer les messages, les idées et les connaissances que nous pensons – dans un consensus national – être les meilleurs pour l’avenir de nos générations. Il est nécessaire de trouver des formes adaptées de communication pour la transmission de cet héritage de génération en génération, c’est-à-dire des moyens attractifs, tels que des supports multimédias, la diffusion de films à caractère historique, l’organisation de festivals autour de personnalités historiques, avec des expositions, des pièces de théâtre, des soirées musicales… À titre d’exemple, l’expérience de pays qui popularisent leur histoire sous forme de bande dessinée est toujours bonne à prendre.

Vous intervenez dans le premier panel du colloque international qu’organise l’Institut Royal pour la recherche sur l’histoire du Maroc avec une communication sur «Les institutions de l’État marocain à travers les Archives Royales». Quel genre de collaboration scientifique pourrait s’établir entre la Direction dont vous avez la responsabilité et l’IRRHM ?

La Direction des Archives Royales entretient depuis des années des relations de collaboration avec diverses institutions nationales et internationales, mais elle se voit aujourd’hui très motivée pour nouer des relations de coopération et d’échanges avec l’IRRHM. À travers la présentation des projets d’avenir par son directeur le professeur Mohamed Kenbib, nous avons pu constater que nous partageons les même affinités et les mêmes aspirations, et que nous pouvons cheminer ensemble dans la réalisation de plusieurs projets.

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