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Bahija Simou : Moulay Ahmed Alaoui fut un témoin d'étapes charnières de l’histoire du Maroc

À l’occasion du vingtième anniversaire de la disparition de Moulay Ahmed Alaoui, fondateur du Groupe Le Matin, Bahija Simou, directrice des Archives Royales, apporte son éclairage sur le parcours exceptionnel de cet grand homme qui a marqué à bien des égards l’histoire du Maroc avant et après l’indépendance.

Bahija Simou : Moulay Ahmed Alaoui fut un témoin d'étapes charnières de l’histoire du Maroc

Lauréat de l’école du nationalisme, le dévouement de feu Moulay Ahmed Alaoui à la Monarchie a été sans égal, affirme M. Simou, précisant qu’il «fut un témoin de son temps sur des étapes charnières de l’histoire contemporaine du Maroc». Plusieurs fois ministre, il a également côtoyé les Souverains du Maroc, surtout Feu Hassan II, duquel il était proche. Pour Mme Simou, «Moulay Ahmed Alaoui a tellement marqué son temps qu’il est entré dans la légende populaire».

 

Le Matin : Moulay Ahmed Alaoui était d’un patriotisme intransigeant et son dévouement à la Monarchie a été sans égal. Le 20e anniversaire de sa disparition est une occasion pour se remémorer sa pensée et mettre en avant ses idées et sa vision. En quelques mots, que retenez-vous du parcours de ce grand homme qui a marqué l’histoire contemporaine du Maroc ? 
Bahija Simou : Cerner le parcours de Moulay Ahmed Alaoui n’est pas chose aisée. Sa personnalité était à la fois simple et complexe. Veilleur de l’aube et œil de l’État, il fut au rang de ceux qui ont marqué l’histoire contemporaine de notre pays. Moulay Ahmed Alaoui fut un témoin de son temps sur des étapes charnières de l’histoire contemporaine du Maroc. Par ses relations étroites avec des responsables politiques et dans la fleur de l’âge, il fut déjà un jeune engagé à partir des années trente. Il exprima son opposition au Dahir berbère dans le journal «L’Action du Peuple». 
En France, de 1936 à 1956, il consacra deux décennies de sa vie au combat  anticolonial sur le territoire français. Tout au long de ces vingt années passées en France, il se consacra entièrement à la lutte politique et à la défense de la cause nationale marocaine auprès des personnalités politiques et médiatiques qu’il lui était donné d’approcher sur le territoire français. Il exprimait ses vues et ses revendications dans les colonnes des journaux «El Alam» et «L’Action du Peuple». 

Au cours de la période 1956 à 1998, marquée par le retour triomphal de Sa Majesté Mohammed V et par l’Indépendance du Maroc en 1956, il regagna dans la même année la mère patrie pour assumer la charge de plusieurs départements ministériels. Il contribuait ainsi à la restructuration de plusieurs domaines de compétence de l’État, tels que  l’information par la création du Groupe Maroc Soir-Le Matin du Sahara, le domaine du tourisme, l’industrie, l’artisanat et d’autres secteurs dans lesquels il s’engageait non sans hardiesse. Néanmoins, Moulay Ahmed Alaoui fut un homme pluridisciplinaire, acteur et passionné par l’histoire et le patrimoine de son pays. Très volubile, il se fit la mémoire vivante, malheureusement sans en laisser de relation. Il disparut en 2002. 

Moulay Ahmed Alaoui était un nationaliste de la première heure. Il fut ainsi coordinateur du bureau d’information du mouvement national à Paris. Il a milité pour le retour du Roi exilé, Feu S.M. Mohammed V, et pour l’indépendance du Maroc. Pourriez-vous nous en dire plus sur cette période de sa vie ? 
En 1936, Moulay Ahmed quitta le Maroc pour la France en vue de poursuivre des études de médecine à Montpellier. Il abandonna ses études pour s’installer ensuite à Paris et s’engagea pleinement dans le politique et le journalisme. Cette période fut une étape charnière dans sa vie. Dans ce sens, on lui attribuait cette fameuse phrase : «J’ai renoncé à la médecine pour soigner les maux de mon pays». Il n’y avait rien d’étrange dans ce changement radical, pour quelqu’un qui était déjà imprégné de nationalisme et dont la principale aspiration fut l’indépendance et la libération de son pays. De 1936 à 1956, année à laquelle le Maroc obtint son Indépendance, Moulay Ahmed Alaoui œuvrait pour la réalisation de ces nobles objectifs. Il se distingua ainsi par son dynamisme au sein de l’antenne du Parti de l’Istiqlal en France et en tant que correspondant de son organe de presse «El Alam». Fort d’une double culture française gréco-latine et arabo-islamique, il avait une grande facilité de communication, de création et de productivité. À ce titre, il tissa des liens étroits avec de nombreux représentants des élites françaises et maghrébines qu’il désirait sensibiliser à la question marocaine. 

Fondateur du Groupe Maroc Soir, il a été de ce fait un des pionniers de la presse écrite au Maroc. Comment selon vous cette aventure éditoriale a contribué à jeter les bases d’une presse professionnelle au Maroc ? 
Moulay Ahmed a marqué l’histoire de la presse marocaine ou au moins une de ses étapes. Comme vous le savez, les médias au Maroc ont connu dans leur histoire trois étapes majeures : avant le protectorat, le premier hebdomadaire fut un organe anglophone paru à partir de 1877, sous le titre de «Maghreb Al-Aqsa». Pendant le protectorat français et à partir de 1920, le Maroc vit la parution d’une presse française quasi exclusivement destinée aux étrangers, telle que «L’Écho du Maroc» et «La Vigie marocaine», suivies par la création du groupe de presse MAS, du nom de son propriétaire Pierre Mas. Apparurent également d’autres quotidiens, «Le Petit Marocain» et «L’Écho du Maroc». 
À leur tour, et après 1930, date de la promulgation du Dahir berbère, les nationalistes marocains ont éprouvé le besoin et la nécessité d’avoir leurs propres moyens de communication. C’est ainsi qu’à partir de 1933, on vit apparaître «L’Action du Peuple» fondé par Mohamed Hassan Ouazzani, «Al-Salam» et «El Hayat» publiés par Torres et Mohammed Bennouna et le Journal «Al Alam» en 1946 par le Parti de l’Istiqlal. Conscient de l’impact du quatrième pouvoir qu’est la presse, Moulay Ahmed Alaoui a écrit déjà étudiant à Paris dans ces médias pour exprimer ses aspirations anticoloniales et défendre la cause nationale. Après l’Indépendance, Moulay Ahmed Alaoui a fondé deux quotidiens, «Maroc Soir» et «Le Matin» qui dès leur naissance ont marqué le paysage médiatique marocain.

Maîtrisant  tous les sujets d’actualité, Moulay Ahmed Alaoui rédigeait, commentait et interprétait les articles  avec audace et professionnalisme. Fort de son parcours qui fit de lui un acteur incontournable dans l’histoire du Maroc contemporain, il fut un observateur pertinent et un interprète sans faille. Son œuvre éditoriale traduisait fidèlement et constituait un miroir fidèle de sa pensée reflétant l’image de toutes les initiatives de son temps, conçues et réalisées par Sa Majesté Mohammed V et par Sa Majesté Hassan II. Ses éditoriaux traduisaient clairement la vision politique, économique et sociale de S.M. Hassan II, à tel point que leur parution était vivement attendues par les responsables politiques et les chancelleries étrangères. 

Fasciné par l’histoire du Maroc et jaloux de l’identité nationale, Moulay Ahmed Alaoui expliquait le présent par des références au passé, il comprenait déjà que l’histoire est une clef de la mémoire qui aide à comprendre le passé, éclairer le présent et prévoir l’avenir. De ce fait, l’événement dans ses écrits n’était pas isolé, il tirait son sens de sa dimension historique et de la profondeur de l’identité. Il fut un journaliste professionnel qui adoptait toujours une attitude positive, responsable et engagée. Ce sont ces valeurs qu’il a su véhiculer pour les générations de journalistes marocains à venir. 

Plusieurs fois ministre, il a également occupé des postes clés et côtoyé les Souverains du Maroc, surtout Feu S.M. Hassan II, duquel il était proche. Moulay Ahmed Alaoui était de ce fait très respecté. Dans quelle mesure a-t-il influencé la vie politique au Maroc depuis l’indépendance jusqu’à sa mort ? 
Moulay Ahmed Alaoui a été nommé 11 fois ministre et a occupé plusieurs postes dans des domaines différents, tels que l’information, le tourisme, l’artisanat, l’industrie et les mines. Il n’a jamais été absent de la vie politique marocaine pendant près d’un demi-siècle d’indépendance du Maroc. De par son tempérament, il menait des actions d’éclat. Audacieux et agitateur, il pouvait prendre la parole n’importe où, sans la moindre autorisation. Conscient de l’importance des réseaux, il a su tisser des relations influentes avec des notables, des responsables politiques, des diplomates, des journalistes… en Afrique, en Europe et dans le monde arabe. L’homme d’oralité qu’il était savait à chaque fois convaincre son auditoire. Lauréat de l’école du nationalisme et omniprésent dans les gouvernements marocains, Moulay Ahmed Alaoui a tellement marqué son temps qu’il est entré dans la légende populaire. 

 

 

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