Préfacé par Élisabeth Bauchet-Bouhlal, ce livre est parcouru d’écrits de personnalités qui ont connu et côtoyé le défunt Melelhi, dont le parcours artistique fut une véritable révolution dans le monde des arts plastiques au Maroc. Il s’agit de Abdeljalil Lahjomri, Reda Zaireg, Mostafa Nissaboury et Jean-Michel Bouhours. Cette exposition, que le public de Marrakech et ses visiteurs peuvent toujours admirer dans l’espace la Coupole du Palace Es Saadi, réunit des oeuvres de feu Melehi et d’autres créations de certains de ses collègues qui ont été à la base de la modernité picturale marocaine. C’est la concrétisation d’un souhait émis par le regretté avant son décès, en 2019. Celui d’être aux côtés des oeuvres de ses contemporains de l’école de Casablanca.
«L’exposition “Face à Melehi” est un hommage à l’un des pionniers du modernisme abstrait au Maroc, et le voeu de faire passer une émotion, la reconnaissance pour ce créateur de génie qui sut traduire la richesse culturelle de ce pays avec originalité et une puissance unique», précise Élisabeth Bauchet-Bouhlal, PDG d’Es Saadi Marrakech Resort. Hicham Daoudi, commissaire de l’exposition, avait, donc, la tâche de réaliser cet hommage en respectant le voeu de feu Mohamed Melehi.
Comment donner à voir l’oeuvre artistique et ses évolutions dans le temps tout en invitant à découvrir son impact ou sa singularité face à ses contemporains ? C’était la question à laquelle il devait répondre. «Dans ce contexte, j’ai voulu inventer un dialogue chronologique entre certaines recherches de Mohamed Melehi et celles de ses compagnons artistiques dans une séquence historique comprise entre 1958 et 2010», indique Daoudi. Et d’ajouter que cette exposition avec un dialogue entre plusieurs oeuvres d’artistes distinctes à travers les âges nous rappelle les contraintes et les délivrances que de grandes figures telles que Mohamed Melehi ont su dépasser pour inventer une modernité artistique marocaine, respectueuse d’une identité en mouvement après l’indépendance du Maroc.
De son côté, son ami Abdeljalil Lahjomri, secrétaire perpétuel de l’Académie du Royaume du Maroc, le considérait non seulement comme un peintre, mais un pédagogue et un idéologue. «Son combat artistique fut de démystifier l’aura qui entourait l’artiste, de clamer que ce n’était pas le peintre qui peignait, mais le peuple, que l’inspiration, comme don du ciel, était une aberration et que l’art était à la portée de tous. Et cela était le manifeste “Formes et Couleurs” qu’il signa avec Farid Belkahia et Mohamed Chebâa, l’étonnante et déroutante exposition de la place Jamaa El Fna à Marrakech en 1969, puis les revues “Souffles” et “Intégral” et, enfin, Assilah où l’art envahissait l’été de chaque année les murs de ses ruelles».
Cette entrée à la modernité entreprise par le noyau dur de Casablanca fut généreusement expliquée dans «Face à Mellehi» par l’écrivain Reda Zaireg qui a livré tout l’historique de ce travail de longue haleine, depuis l’indépendance jusqu’au décès de Mohamed Melehi qui était, selon Zaireg, l’animateur et l’infatigable étincelle du groupe de Casablanca, dont il fut l’un des instigateurs et le dernier membre fondateur encore en vie.
Mostafa Nissaboury, co-fondateur de la revue «Souffles», poète et critique d’art, a, par ailleurs, raconté dans ce même ouvrage sa relation avec Melehi, depuis 1966, date du lancement de la revue «Souffles», ainsi que les plus importants événements auxquels il a participé avec des créativités qui ont marqué sa carrière. «Melehi aura légué à notre imaginaire assoiffé de prodiges l’univers cosmique et éclatant de ses majestueux soleils recommencés, de ses flammes magnétiques entremêlées, de ses ondes vibrantes où frémit la promesse d’une beauté qu’il a pu contempler et qu’il nous restera toujours à découvrir», conclut Nissaboury.
Sans oublier le très profond témoignage de Jean-Michel Bouhours, conservateur et historien de l’art, qui a décortiqué et analysé le parcours de Melehi de tous les points de vue, dont celui spirituel. Car selon l’auteur, «puisque Melehi vient d’une tradition aniconique, au nom de la lutte religieuse contre l’idolâtrie… il est assurément sensible au processus de déconstruction de la tradition picturale occidentale auquel procède le courant matiériste informel…»