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Les bons ingrédients pour réussir la métropolisation au Maroc

En dépit d’un processus d’urbanisation continu, les territoires du Maroc peinent à enclencher une véritable dynamique économique. Le fait est que l’action territoriale des communes, conseils régionaux et provinciaux ne permet pas encore de faire des territoires de vrais bassins de vie et lieu de production de richesse et de création d’emplois. D’où la nécessité d’opter pour des politiques différenciées d’appui aux territoires en fonction des atouts et points faibles de chaque région, soulignent les participants à un webinaire organisé par l’Institut CDG sur le thème «Réussir la métropolisation».

Les bons ingrédients pour réussir la métropolisation au Maroc
Le modèle choisi par le Royaume est passé d’une logique de dynamique de tutelle à une logique d’appui et d’accompagnement des collectivités territoriales.

Le processus d’urbanisation au Maroc ne tourne pas encore à plein régime. Le fait est qu’en termes de dynamique économique, l’urbanisation ne produit pas la croissance économique suffisante comparée à d’autres pays à niveau de développement économique similaire au Royaume. Le constat est de Chaymae Belouali, spécialiste du développement urbain chez la Banque mondiale, qui intervenait lors d’un webinaire organisé par l’Institut CDG sur le thème «Réussir la métropolisation». Cette rencontre virtuelle a été l’occasion d’échanger autour des questions relatives aux moyens mis en œuvre pour gérer le développement des métropoles, tant en termes de gouvernance, de synergies entre les acteurs que de planification.

Elle a également abordé la question du devenir des périphéries notamment en termes d’actions et/ou de programmes qui visent à en faire de bons relais comme bassins de vie et lieux de production de richesse et de création d’emplois, à l’instar de ce que préconise le nouveau modèle de développement (NMD). Selon l’experte de l’Institution de Bretton Woods, si des pays similaires au Maroc ont enclenché une croissance parallèlement à leur processus d’urbanisation c’est qu’ils ont opté pour des politiques territoriales différenciées. Ce choix, poursuit-elle, est désormais confirmé dans le processus de régionalisation avancée et par le NMD qui inscrit l’action territoriale au cœur du processus de développement des territoires. En d’autres termes, les communes, les conseils régionaux et les autres acteurs territoriaux doivent jouer pleinement le rôle de véritables moteurs de développement de leurs périmètres territoriaux.

Passer d’une logique de conformité à une logique de performance

Pour Belouali, le modèle choisi par le Royaume aujourd’hui est passé d’une logique de dynamique de tutelle à une logique d’appui et d’accompagnement des collectivités territoriales. En clair, l’experte appelle à un renforcement des capacités de ces entités territoriales afin qu’elles puissent s’inscrire véritablement dans une dynamique de développement économique de leurs territoires respectifs. Le cadre d’appui à mettre en place doit, selon la responsable, être différencié en fonction de la taille et des capacités de chaque collectivité territoriale. Ce qui permettra de faire passer ces institutions d’une logique de conformité à une logique de performance. «D’ailleurs, c’est ce que nous essayons de faire au sein de la Banque Mondiale, en partenariat avec le département de l’Intérieur à travers le programme baptisé “Performance municipale”», rappelle Belouali. Aziz Iraki, enseignant-chercheur à l’Institut national d’aménagement et d’urbanisme (INAU), qui participait au débat, soulève, lui, une des problématiques qui entravent le développement territorial, à savoir «la forêt administrative».

La solution serait, selon lui, de créer une grande collectivité territoriale pour chaque métropole. Cette entité devrait donc reprendre l’ensemble de l’aire métropolitaine sur le plan administratif. Autre solution, selon le chercheur : la création des agences métropolitaines. Celles-ci dépendraient directement du chef du gouvernement et se chargeraient des différents programmes de développement des métropoles. Iraki suggère, par ailleurs, d’aller vers un système de «groupements des collectivités territoriales». Une option qui aurait, selon lui, la vertu d’unifier l’action de développement au sein de la métropole et, en même temps, au niveau des communes périphériques qui en dépendent. Dans cette configuration, l’État continuerait de jouer son rôle de contributeur au développement territorial, mais à travers des contrats-programmes et des conventions de partenariat avec les groupements des collectivités territoriales. D’après le chercheur, la solution des groupements des collectivités serait «mieux efficiente» que le principe de coopération intercommunale qui pose aujourd’hui un problème de leadership du fait que c’est le président du conseil de la métropole qui pilote une telle organisation avec un rôle moins important des communes périphériques.

Rappelons que le Maroc a entrepris plusieurs réformes ayant pour ambition d’asseoir les bases d’un développement territorial «équilibré», traduisant sur le terrain le choix de la régionalisation avancée, à travers le processus de décentralisation et de déconcentration. Selon le NMD, ces réformes ont permis d’insuffler un élan supplémentaire à la dynamique des territoires, mais n’ont pas réussi à corriger les disparités territoriales dans la mesure où la richesse nationale demeure portée par un nombre réduit de régions.
En effet, trois régions sur douze comptent pour près de 60% du PIB en 2018 et 8 régions sur 12 ont un PIB nominal par habitant inférieur à la moyenne nationale. Pour les experts de la Commission spéciale du NMD, les écarts de richesse entre régions et à l’intérieur de chaque région reflètent, en grande partie, les disparités en termes de dotations de capital humain et de ressources naturelles. Ces écarts sont aggravés par une répartition inégale des infrastructures économiques et sociales, et par la difficulté à attirer ou à garder les compétences et les talents dont elles ont besoin. Ils reflètent également une faible capacité à exploiter au mieux les potentiels des territoires, en lien avec des retards et des résistances à la territorialisation des politiques économiques et au transfert vers les régions des compétences relatives aux services publics.

Modèle de développement des provinces du Sud, une source d’inspiration

L’expérience des provinces du Sud, qui ont été les premiers territoires à bénéficier d’un modèle de développement spécifique, montre que la mobilisation du potentiel des territoires est possible. Les efforts jusque-là déployés par les pouvoirs publics ont permis d’inscrire ces provinces sur un sentier de développement prometteur, comme en témoigne leur dynamique de convergence accélérée vers les cibles des Objectifs de développement durable (ODD) à l’horizon 2030, comparativement à d’autres régions du Royaume. Dans son rapport, la Commission prône un renouveau de la gouvernance des territoires, notamment en faveur d’une complémentarité État-Régions, du développement d’écosystèmes économiques intégrés, de l’aménagement de l’espace et des lieux de vie et de la préservation des ressources naturelles. Pour favoriser l’émergence de territoires prospères, résilients et durables, le NMD préconise cinq choix stratégiques. Il s’agit de faire émerger un «Maroc des Régions» prospère et dynamique en accélérant le processus de régionalisation avancée avec une déconcentration «effective» et une levée des «réticences» qui la retardent.

Aux yeux de la Commission, la déconcentration doit être synonyme de subsidiarité, de modularité, d’inter-ministérialité, de proximité, et d’animation mobilisatrice des énergies dans les territoires. Pour cela, les schémas directeurs de déconcentration doivent être mis en œuvre de manière plus «volontariste», en procédant à de véritables transferts de pouvoirs et de moyens, et pas uniquement à des délégations de signature. Ce transfert de pouvoir appelle au renforcement du rôle des walis en matière de coordination des services extérieurs de l’État, pour en faire de véritables partenaires de la région élue, et ce, conformément à l’esprit du nouveau concept d’autorité, défini par le Souverain dans son discours du 12 octobre 1999 et aux dispositions de la Constitution confiant aux walis la coordination et le bon fonctionnement des services déconcentrés.

Les échelons territoriaux à réorganiser

L’autre recommandation du NMD, une réorganisation innovante des échelons territoriaux en favorisant leur articulation. Cette approche mettrait le citoyen au centre des politiques publiques et permettrait une desserte plus efficiente des services publics, jusqu’au plus petit douar. La troisième recommandation du NMD consisterait à favoriser un aménagement intégré des territoires avec une amélioration de l’habitat et du cadre de vie, en plus d’un renforcement de la connectivité et la mobilité. La préservation des ressources naturelles des régions et le renforcement de la résilience des territoires au changement climatique sont la cinquième recommandation du NMD qui considère qu'il est nécessaire de renforcer la gouvernance des ressources naturelles, en veillant à la cohérence des interventions des acteurs dans le déploiement opérationnel de la Stratégie nationale de développement durable (SNDD) et en rendant effectifs les mécanismes d’évaluation des impacts environnementaux des programmes d’investissement en tant que critère incontournable pour leur choix. Le secteur public devra y adhérer pleinement en vertu du «Pacte de l’exemplarité de l’Administration» en matière de durabilité, élaboré en 2019. Enfin, le NMD suggère de préserver les ressources en eau à travers une meilleure valorisation de la ressource et une gestion plus rigoureuse de sa rareté pour les générations actuelles et futures.

 

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