Les prémices du roman
Gilbert Sinoué découvre d'abord le Maroc en touriste. Une invitation à un club de lecture l’incitera à explorer le pays en profondeur. «En retournant à Paris, le sujet a commencé à me travailler. Ce sont souvent mes sujets qui viennent vers moi et c’était le cas aussi pour le Maroc. Je me suis très vite intéressé et documenté. Le Maroc est du pain béni pour tous les romanciers : il y a de la jalousie, de la diversité, des personnages extraordinaires comme Sayyida Al-Hurra et Moulay Ismaïl…
Je me disais que j’écrirais moins de 1.000 pages alors j’ai décidé de faire trois tomes. Le premier est “L'île du couchant” qui commence par Moulay Ismaïl, un des plus grands sultans du Maroc. Je me suis surtout intéressée à ses réalisations.»
Le roman historique : un moyen de rendre l’Histoire plus accessible«Dans un roman historique, l’histoire est un décor de pièce de théâtre avec des personnages qui ont bien existé. Il y a un décor de paysage, de temps, de lieu et d’époque qu’on ne peut pas toucher.
Le plaisir d’un romancier est d’introduire des personnages de fiction qui évoluent dans un décor immuable. Pour toucher un grand public et lui faire comprendre des choses compliquées, il vaut mieux trouver des moyens simples. C’est le rôle des personnages de chair qui tombent amoureux, se déchirent ou pas… et qui permettent de raconter l’Histoire de façon accessible. Il y a beaucoup de livres universitaires très bien documentés, rigoureux, mais je ne sais pas si le grand public a plaisir à les lire sans avoir un penchant pour l’histoire. Donc le roman permet d’accéder à des thèmes compliqués à travers des personnages.»
Contexte du roman«Le Maroc a toujours été une proie pour les puissances étrangères. Le livre commence quand Napoléon a commencé sa fameuse guerre d’Espagne tournée en catastrophe pour les Français. Il porte alors son regard sur le pays en face : le Maroc. Sa stratégie est de construire un pont entre le sud de l’Espagne et ce pays pour faire passer son armée et le conquérir. Il envoie d’abord un espion, le capitaine Burel, pour avoir des informations sur l’armée marocaine. Ce jeune officier de 36 ans voyagera à travers le Maroc sous prétexte d’une lettre pour le Sultan Moulay Slimane. Burel se livrera à une enquête sur le Maroc et prendra des notes sur les fortifications, défenses, potentiel militaire du pays… Le roman s’arrête au moment du protectorat en 1912.»
«Le Bec de canard» : le titre d’un complot«Lorsque la France décide d'accaparer le Maroc, elle rencontre deux obstacles majeurs : l’Angleterre et l’Allemagne. Elle s’est arrangée avec l’Espagne en lui cédant une partie du nord du Maroc, mais les Anglais et les Allemands ne voyaient pas ceci d’un bon œil. Les Français ont trouvé un accord avec les Anglais grâce à l’Entente cordiale. (La France reconnaît la position du Royaume-Uni en Égypte et elle lui reconnaît un droit d'agir librement là-bas, alors que le Royaume-Uni accorde à la France ce même droit au Maroc.)
Pour trouver une entente avec l’Allemagne, une réunion secrète s’est tenue à Berlin et la France a eu l’idée de lui offrir le Congo français (295.000 km²) en contrepartie d’une carte blanche pour imposer le protectorat au Maroc.
Afin de se protéger des protestations de l’opinion publique, la France demande à l’Allemagne de lui céder, en échange du Congo français, une petite région entre le Tchad et le Cameroun, qui a la forme d’un bec de canard. C’est un petit patelin de 80.000 km². D’où le choix du titre “Le bec de canard” qui est le titre d’un complot».
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Biographie de l’auteur
Gilbert Sinoué est à la fois écrivain et historien. Il est l'auteur de nombreux romans, essais et biographies, parmi lesquels «Le Livre de saphir» (Prix des Libraires 1996), «Les silences de Dieu» (Grand Prix de littérature policière 2003) et «Des jours et des nuits» (2001), qui a fait l'objet d'une série télévisée sur «France 3», avec Stefan Freiss et Caterina Murino. Sa fresque en trois volumes «Inch'Allah» (2010-2016) dépeint le Moyen-Orient des XXe et XXIe siècles, par l'intermédiaire de familles ballottées par les tourments de l'actualité. Son roman «Le bec de canard» est le deuxième tome d’une saga consacrée au Maghreb. Le premier est «L’île du couchant» où on découvre le personnage du Sultan Moulay Ismaïl sous un nouveau jour.