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Mardi 19 Mars 2024
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Casablanca vue par Driss Ksikes : un laboratoire du chaos

​Nés d’une volonté du Groupe «Le Matin» de promouvoir la lecture et la culture, les rendez-vous du «Book Club Le Matin» ont repris jeudi dernier pour une nouvelle saison. Et pour cette première, le «Book Club» a invité le journaliste et auteur de plusieurs ouvrages Driss Ksikes, venu présenter son nouveau roman «Textures du chaos», une lecture profonde et interrogative sur la ville de Casablanca, entre fiction, critique sociale et dystopie. Et pour faire de cette rencontre une plateforme d’échanges pour la littérature, ce débat a été modéré par Mouna Hachim, chercheuse et femme de lettres.

«Textures du chaos», ouvrage de 287 pages, se répartit en six temps, pour s’immiscer dans les pensées d’un enseignant d’histoire-géographie qui, depuis sa retraite, s’assoit chaque jour dans le grand parc de la ville de Casablanca sur le même banc, le cinquième à partir de l’entrée centrale, pour relire, comme dans un rituel, le même roman, celui des «Villes invisibles» d’Italo Calvino. «Il s’agit de cet enseignant dans ce parc que viennent voir des gens de la ville une fois qu’ils ont senti que leurs repères dans la ville ont bougé et qu’il y a quelque chose d’incompréhensible et d’irrationnel qui s’y passe. À travers les images rapportées par ces personnes, cet enseignant reconstitue les fils entremêlés de ce chaos», explique Driss Ksikes au micro du «Matin». Loin de narrer Casablanca au premier degré, Driss Ksikes avoue avoir utilisé la méthode de «City novels» pour décrire la métropole de façon tout à fait métaphorique, par un ballet de paysages et de relations, de failles et de tiraillements du Maroc contemporain. «C’est très difficile de raconter une ville. Ce qui m’a intéressé c’est de travailler sur Casablanca à partir de la métaphore afin d’épouser la structure de la ville pour mieux en parler. La métaphore ici c’est le laboratoire du chaos», poursuitil. Pour l’auteur, «Casablanca a toujours été un laboratoire de l’art déco, modèle de Californie ou de bidonvilles».



Un roman «aux trois seigneurs», une fiction sociale
Dans ce roman «il y a trois seigneurs», affirme Driss Ksikes, toujours dans l’optique de décortiquer la complexité de la ville de Casablanca. Il s’agit du seigneur des arts, du seigneur des armes et du seigneur des terres. En mettant l’accent sur le seigneur des arts, l’auteur «explique un artiste en faisant de lui un laboratoire du chaos», représentant une image symbolique qui va servir de métaphore et «sous-tendre tous ces fils pour essayer de s’approcher de cette vérité souterraine de la ville». Pour Driss Ksikes, ce roman est aussi l’occasion de braquer les projecteurs sur une fiction sociale, «une ouverture sur la fragmentation de la réalité et les effets de destruction de la modernité, du marché et du capital des êtres». Concernant l’enjeu de la fiction dans cette construction métaphorique, le romancier estime qu’il s’agit d’un «collage» entre l’ancienne ville et la nouvelle. 

«Passé introuvable et futur incertain»
Dans ce roman, le passé joue un rôle prédominant à travers des thématiques telles que l’arabisation, le nationalisme au mobile souterrain ou encore l’histoire de 81, expliquant dans un sens le présent. En effet, les 20 et 21 juin 1981, Casablanca a connu un des épisodes noirs des années de plomb. Des émeutes sanglantes éclatent un peu partout dans la ville en protestation contre une hausse soudaine et exagérée des prix des denrées de première nécessité. Selon Driss Ksikes, «L’histoire de 81 est importante dans le roman, une année qui a complètement changé la donne à Casablanca», poussant à une reconfiguration administrative ou encore urbanistique, poursuit-il. Ce passé, souligne l’auteur, «aide à mieux voir, comprendre et ressentir le présent», en cohérence avec les personnages et les situations. En choisissant Casablanca, en tant que personnage central, l’auteur voulait déclarer, de manière libre et contrastée, son amour pour cette ville, tout en révélant le chaos qui l’entoure. «La réalité dans laquelle nous sommes aujourd’hui est une réalité qui a en même temps de la surveillance et en même temps de l’agence», souligne-t-il, concluant que son roman est avant tout une interprétation personnelle pour le lecteur. 

Bio Express
Écrivain et dramaturge, Driss Ksikes est directeur d’Economia, centre de recherches de HEM. Il est à l’initiative de plusieurs projets mettant l’art, la culture et le débat au cœur de la cité, il est co-fondateur des Rencontres d’Averroès à Rabat, du Collectif du vivre ensemble ou encore de la Chaire Fatéma Mernissi. Il est membre du comité scientifique du Codesria, principale structure d’appui de la recherche en sciences sociales en Afrique. Ses publications englobent le théâtre, la fiction et l’essai, en plus d’articles académiques sur la littérature, les médias et la culture.



 

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