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Conseil de paix et de sécurité de l’UA : Voici les enjeux et défis à relever par le Maroc

Élu lors du 35e Sommet de l’Union africaine (UA) en février 2022 comme membre du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’UA pour la période 2022-2025, le Maroc assure la présidence de cette instance décisionnelle durant ce mois d’octobre 2022. Une présidence marocaine du CPS-UA qui s’inscrit dans le cadre de l’engagement du Maroc pour une Afrique pacifique, stable et prospère et constitue une consécration des efforts de la diplomatie du Royaume au niveau du continent africain, de la sécurité et de la stabilité en Afrique. Quels sont les enjeux et défis à relever par le Maroc durant cette présidence ? En voici la lecture faite au «Matin» par les universitaires Mohammed Zakaria Abouddahab et Azzedine Hanoune.

Conseil de paix et de sécurité de l’UA :  Voici les enjeux et défis à relever par le Maroc

Le Maroc assure, depuis le 1er octobre de cette année, la présidence du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (CPS-UA) pour une période d’un mois. «En fait, c’est son second mandat après celui de 2018-2020. Il a été élu en février 2022 par la Conférence des Chefs d’État et de gouvernement, cette fois-ci pour un mandat de trois ans pour représenter, avec un autre pays, l’Afrique du Nord»,  indique le professeur de relations internationales à l’Université Mohammed V de Rabat, Mohammed Zakaria Abouddahab. Le ministère des Affaires étrangères avait bien précisé que durant ce mandat, «il y aura plusieurs questions fondamentales qui auront la priorité, notamment en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, et également il y a des questions en rapport avec les changements climatiques, la résilience, le développement, etc. L’agenda sera extrêmement chargé», souligne M. Abouddahab, précisant que «bien entendu,  il ne faut pas apprécier la contribution du Maroc uniquement par rapport à la présidence de ce Conseil, mais également l’inscrire dans la durée, c’est-à-dire les trois années, en plus du capital engrangé durant les deux années passées au sein de cette instance».

Évidemment, poursuit-il, l’approche reposera sur une démarche holistique et multidimensionnelle et des réunions sont prévues tant au niveau ministériel qu’au niveau des ambassadeurs et des experts. Et de noter que l’approche adoptée au sein du CPS est une approche de coordination, d’abord avec les organes appartenant à l’UA (secrétariat de l’UA, Conférence des Chefs d’État et de gouvernement,  le Comité des représentants permanents, le Comité exécutif, etc.), et au niveau multilatéral, notamment avec le Conseil de sécurité. «Nous pouvons dire qu’aujourd’hui, il est vrai que le continent est confronté à de nombreux problèmes, par exemple la situation au Sahel, le terrorisme, le banditisme, mais aussi des phénomènes globaux comme le changement climatique, l’insécurité alimentaire, et puis la déstabilisation dont ont fait l’objet plusieurs régimes, notamment en Afrique subsaharienne, et là on peut citer l’exemple récent du Burkina Faso, du Tchad qui est un grand pays sahélien et qui se trouve actuellement en transition, les problèmes qui se posent par rapport au Mali et aussi par rapport à la Guinée (Conakry)», relève M. Abouddahab, qui estime que «de manière générale, le Maroc aura un agenda extrêmement chargé».

Stabilité, prospérité et paix

Selon le professeur Abouddahab, «seront au centre des préoccupations du Maroc et ce qu’il faut relever par rapport aux leviers que le Royaume pourrait activer, ce sont plutôt des leviers d’action et des leviers, je dirais, par lesquels on va essayer de remonter à la source des problèmes. C’est une approche «étiologique», comme on dit, qui ne se contente pas de chercher uniquement des solutions de replâtrage, mais d’aller au-delà dans une approche intégrée en termes de coordination».
En ce qui concerne les défis qui attendent le Maroc durant cette présidence, M. Abouddahab est d’avis que «bien entendu il y aura plusieurs défis» : le Maroc, affirme-t-il, «ne travaille pas seul. Il doit coopérer avec les autres éléments constitutifs de ce Conseil de paix et de sécurité». «Du moins, il faut prêter attention à des pays qui pèsent sur l’échiquier régional», ajoute le professeur, qui fait observer que «ce ne sera pas facile également quand on sait que le Maroc n’a pas que des amis ou des alliés au sein de l’UA, mais il aura certainement à faire face à des oppositions et on sait que le grand défis, c’est d’abord la neutralisation de toute action négative en provenance de l’Algérie ou des séparatistes, voire aussi d’autres pays qui risqueraient de s’aligner sur de telles positions.

Mais, au-delà, souligne-t-il, «il faut s’inscrire dans le long terme. Le Maroc étant un membre à part entière de l’UA, son action ne se limitera pas à ce mois-ci, ni à trois ans, mais s’inscrit dans le long terme et c’est là le vrai défi qui consiste à penser les choses en termes stratégiques, ce qui demandera certainement de l’énergie et de la mobilisation de la part du Maroc et de toute sa représentation au sein de cette institution (UA)». «Aujourd’hui, nous savons que le Maroc a une grande expérience en matière de gestion des grands défis (tels que le changement climatique, la sécurité alimentaire, la lutte contre les pandémies, la lutte contre le terrorisme...) et il est certain qu’il partagera son expérience avec d’autres pays qui en ont besoin», conclut M. Abouddahab.

Pour sa part, le professeur en droit public à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université Ibn Tofaïl, Azzedine Hanoune, rappelle également que «ce n’est pas la première fois que le Maroc occupe la présidence de cette instance pour un mois». Un mois, dit-il,  «n’est certes pas une période assez longue pour marquer de son empreinte le travail de cette institution. Néanmoins, l’apport du Maroc est en cours de concrétisation. C’est un processus qui pourrait s’avérer long, mais il devrait suivre un rythme soutenu». «Il est clair que le principal enjeu du Maroc en tant qu’acteur majeur sur la scène panafricaine est d’imprégner le travail de cette instance par sa dynamique diplomatique. Le CPS ne devrait plus rester figé, tourné vers le passé. Une réorientation des priorités s’impose», affirme le professeur en droit public, soulignant que «tout d’abord, le Maroc pourrait contribuer à une prise de conscience de l’existence d’un nouveau paradigme d’action». Et d’expliquer qu’«un nouveau monde se dessine avec ses propres défis et risques. Le travail du CPS devrait se baser sur la notion de risque qui a l’avantage de mettre en lumière l’origine de toutes les formes d’instabilité et de conflit».

Le risque est avant tout climatique

La sécheresse, les pénuries de toute sorte, notamment de l’eau, la sécurité alimentaire qui sévit dans certaines zones du continent, sont autant d’axes d’action prioritaires sur lesquels il faudrait se concentrer et à travers lesquels le Maroc a démontré un certain volontarisme». Les événements annoncés dans le cadre de cette présidence vont dans le sens de cette réorientation, note M. Hanoune, pour qui «il est nécessaire d’avoir une vision globale qui devrait arriver à faire la jonction entre les différents défis, les risques auxquels font face les États africains font partie d’un tout selon un schéma bien déterminé. Le réchauffement climatique a une incidence sur les ressources hydrauliques, sur la sécurité alimentaire et ainsi sur la viabilité même des États».

L’affaiblissement des États, relève le professeur Hanoune, «aura forcément un impact sur leur autonomie et même leur souveraineté. Certaines puissances étrangères seraient bien tentées de transformer l’Afrique en une base arrière de leurs prétentions aux dépens de l’intérêt des Africains», ajoutant que «la radicalisation est un autre élément qui pourrait accélérer ces tendances». La diplomatie marocaine devrait, d’après le professeur en droit public, amener le CPS à dépasser les logiques «égoïstes» liées à des calculs très étroits en adhérant à une stratégie foncièrement multilatérale. 

<< Lire aussi : Le Maroc assure la présidence du Conseil de Paix et de Sécurité de l'UA à partir du 1er octobre

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