Bank Al-Maghrib (BAM) révise ses projections de croissance pour 2022 et 2023. À l’issue de son Conseil réuni le 22 mars, l’Institut d’émission, qui a maintenu inchangé son taux directeur à 1,5%, estime qu’eu égard aux conditions climatiques particulièrement défavorables, la campagne agricole devrait afficher une production céréalière autour de 25 millions de quintaux cette année, et ce après 103,2 millions en 2021. Ainsi, la valeur ajoutée agricole baisserait de 19,8%. Résultat, la croissance économique reviendrait à 0,7% en 2022 (contre les 2,9% projetés lors du Conseil tenu en décembre 2021), après un rebond qui aurait atteint les 7,3% en 2021. En 2023, sous l’hypothèse d’une récolte moyenne de 75 millions de quintaux, la valeur ajoutée agricole devrait monter de 17%, portant la croissance à 4,6% (contre 3,4% prévus par l’institution en décembre dernier). Quant aux activités non agricoles, BAM table sur leur consolidation graduelle, avec une progression de 3% de leur valeur ajoutée en 2022 et en 2023.
4,7% d'inflation cette année
Dans son analyse de l’environnement international, marqué notamment par la guerre en Ukraine, le Conseil de BAM souligne le niveau «extrêmement élevé» des incertitudes qui entourent les projections macroéconomiques élaborées par la Banque. Ces dernières font ressortir, en effet, une baisse sensible de la valeur ajoutée agricole ainsi qu’une certaine consolidation des activités non agricoles, favorisée par l’avancée notable de la campagne de vaccination, l’assouplissement des restrictions sanitaires, ainsi que le maintien du stimulus monétaire et des mesures de soutien sectorielles. Les prévisions de la Banque centrale tablent également sur une forte accélération de l’inflation cette année parallèlement à une relative résilience des équilibres extérieurs et des finances publiques. Concrètement, le Conseil a rappelé que l’inflation poursuit son accélération entamée en 2021, tirée par les pressions d’origine externes liées à la flambée des prix des produits énergétiques et alimentaires et la hausse de l’inflation chez les principaux partenaires économiques. Ainsi, après un taux de 1,4% en 2021, l’inflation devrait ressortir à 4,7% en 2022 avant de revenir à 1,9% en 2023. De même, sa composante sous-jacente augmenterait de 1,7% à 4,7% puis décélérerait à 2,6%.
Le déficit du compte courant s’enfoncerait à 5,5% du PIB
La flambée des cours des matières premières devra aggraver le déficit du compte courant cette année. Ce dernier se creuserait du coup à 5,5% du PIB en 2022 après 2,6% en 2021, avant de revenir à 3,7% en 2023. Dans ce tableau, les importations afficheraient une progression de 14,9% cette année, suite à l’alourdissement de la facture énergétique et l’augmentation des acquisitions des produits agricoles et alimentaires et des biens de consommation. En 2023, la hausse se limiterait à 1,1%, sous l’effet notamment de l’allègement prévu de la facture énergétique. En parallèle, les exportations devraient s’améliorer de 12,5% en 2022 et de 3,4% en 2023, tirées principalement par l’accroissement des ventes de la construction automobile et de celles des phosphates et dérivés en 2022. Tout en restant à des niveaux inférieurs à ceux d’avant-crise, les recettes de voyage connaîtraient une reprise graduelle, passant de 34,3 milliards de dirhams en 2021 à 47 milliards cette année et à 70,9 milliards l’année suivante. Les transferts des Marocains résidant à l'étranger (MRE) devraient, quant à eux, retrouver progressivement leur niveau d’avant-crise, à 79,3 milliards en 2022 et à 70,8 milliards en 2023, après un niveau jugé «exceptionnel» de 93,3 milliards en 2021. Concernant les investissements directs à l’étranger (IDE), leurs recettes avoisineraient l’équivalent de 3% du PIB en 2022 et 3,5% en 2023. Au total, et tenant compte notamment des financements extérieurs prévus du Trésor, les avoirs officiels de réserve se situeraient à 342,8 milliards de dirhams à fin 2022 et à 347,3 milliards à fin 2023, assurant ainsi une couverture autour de 6 mois et demi d’importations de biens et services.
Croissance modérée du crédit bancaire
Le crédit bancaire au secteur non financier devrait maintenir un rythme de croissance modéré autour de 4% cette année et en 2023. Côté finances publiques, en dépit de l’accroissement important des dépenses de compensation du gaz butane et du blé, BAM pronostique une quasi-stabilité du déficit budgétaire. Il devrait ainsi ressortir à 6,3% du PIB en 2022, à la faveur d’une mobilisation exceptionnelle des ressources à travers notamment les mécanismes de financement spécifiques et les recettes de monopoles. En 2023, il s’allégerait à 5,9% du PIB, résultat essentiellement de l’amélioration prévue des rentrées fiscales. S’agissant des conditions monétaires, la Banque centrale table sur une dépréciation du taux de change effectif réel de 1,3% en 2022 et en 2023, sous l’effet d’un niveau d’inflation domestique inférieur à celui des partenaires et concurrents commerciaux. Les taux débiteurs, eux, ont enregistré une augmentation de 9 points de base à 4,44% en moyenne au quatrième trimestre 2021, mais ressortent en recul de 16 points sur l’ensemble de l’année 2021 après le repli de 45 points observé en 2020. Pour sa part, le besoin de liquidité des banques s’est atténué à 69,9 milliards de dirhams en moyenne hebdomadaire au quatrième trimestre en lien avec la hausse des réserves de change, mais devrait s’accentuer à 75,1 milliards en 2022 et à 88,3 milliards à fin 2023, tiré par la progression de la fiduciaire.