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Croissance économique : Ce que recommande la Banque mondiale pour doubler le PIB par habitant d’ici 2035

Si le Royaume veut doubler son PIB par habitant d’ici 2035, comme envisagé par son nouveau modèle de développement, il n’a pas d’autres choix que de fixer un agenda de réformes «fort et transversal». Ce dernier devra ainsi se traduire par une amélioration sensible des contributions de la productivité, du travail et de la formation de capital humain à la croissance économique. Les épisodes de forte croissance à l’international suggèrent que la transformation structurelle et la réallocation des facteurs de production, ainsi que le développement d’activités secondaires ou tertiaires à haute productivité en plus de l’amélioration de la mobilité des facteurs seront des éléments clés pour la réussite de cet objectif. Les recommandations de la Banque mondiale.

Croissance économique : Ce que recommande la Banque mondiale pour doubler le PIB par habitant d’ici 2035

Afin de s’engager sur une trajectoire de croissance compatible avec les ambitions du nouveau modèle de développement (NMD), le Royaume doit essentiellement fixer un agenda de réformes «fort» et «transversal». La recommandation est de la Banque mondiale (BM) consignée dans son rapport de suivi de la situation économique du pays, dévoilé lors d’un webinaire, le 12 janvier. Dans le détail, l’Institution de Bretton Woods estime que les épisodes de croissance accélérée comme ceux envisagés par le NMD sont rares, mais non sans précédent dans l’économie mondiale.

Pour y parvenir, le Maroc devra surmonter sa dépendance excessive envers l’accumulation du capital comme principale source de croissance. En effet, explique Javier Diaz Cassou, économiste principal de la Banque mondiale pour le Maroc, diverses simulations suggèrent que, pour doubler son PIB par habitant d’ici 2035, le Royaume n’aura d’autres choix que d’augmenter considérablement les contributions de la productivité, du travail et de la formation de capital humain à la croissance économique. Cela ne sera possible que si le NMD se traduit par des réformes structurelles soutenues et à multiples facettes.

L’analyste estime que les épisodes de forte croissance à l’international suggèrent que la transformation structurelle et la réallocation des facteurs de production, ainsi que le développement d’activités secondaires ou tertiaires à haute productivité, en plus de l’amélioration de la mobilité des facteurs seront des éléments clés de la réussite de cet objectif. Gagner en compétitivité internationale sera également essentiel, selon la BM, tandis que mettre l’accent sur les coûts de production pourrait s’avérer insuffisant. En effet, plusieurs expériences à l’international soulignent l'importance de rehausser les normes du travail et de renforcer le capital humain tout, en adoptant des pratiques durables, à faible émission de carbone, afin de pouvoir participer plus efficacement à l’économie mondiale du savoir.

Croissance : les faibles dividendes de l’investissement public

Pour les analystes de la BM, compte tenu de la récession de 2020 (-6,3%) due à la pandémie de la Covid-19 et aux épisodes de sécheresse, il est peu probable que le Royaume retrouve son niveau de PIB par habitant pré-pandémie avant cette année 2022. Cela impliquerait que l’objectif du NMD soit atteint sur une période de 13 ans seulement (2022–2035). Et si la croissance démographique continue de ralentir modérément, l’économie nationale devra enregistrer un taux de croissance annuel moyen de 6,8% à partir de 2022 pour atteindre cet objectif (NDLR, la Banque Mondiale pronostique un taux de croissance de 3,2% en 2022 pour le Maroc). Soit un taux nettement supérieur aux performances historiques du Maroc.

La question qui se pose, selon Diaz, est alors de savoir si ces objectifs sont réalisables et quelles politiques publiques apporteraient les plus grands dividendes de croissance. L’économiste rappelle que l’accumulation de capital a constitué le principal moteur de la croissance économique du Maroc, contrastant avec une faible contribution du capital humain et de la productivité. Concrètement, entre 2001 et 2019, la croissance de la formation brute de capital fixe (+2,1 points de pourcentage par an) a expliqué plus de 50% de la croissance du PIB, reflétant l’effort massif de modernisation des infrastructures du pays grâce à l’investissement public. Sauf que les dividendes de cet investissement ont été nettement inférieurs à ceux d’autres pays ayant fourni des efforts d’investissement comparables.

Par exemple, alors qu’en moyenne la formation brute de capital fixe a représenté 29,2% du PIB marocain entre 2000 et 2017, contre 27,6% du PIB au Vietnam, la croissance du PIB de ce dernier a atteint 6,2% en moyenne durant cette période, contre 4,3% au Maroc. Malgré la transition démographique en cours, la croissance du capital humain explique seulement 23% de la croissance (+1,1 pp par an). Motif : un taux d’inactivité élevé, en particulier chez les femmes et les jeunes. De même, la productivité totale des facteurs (PTF), principal déterminant du niveau de revenu des pays à long terme, est responsable de 26% de la croissance totale (+ 1,1 pp par an), et sa contribution a progressivement diminué au fil du temps. Des lacunes apparaissent dans les domaines du capital humain, dans la performance du marché du travail et dans l’adoption des technologies de l’information et de la communication (TIC).

Pour identifier ces écarts, l’analyse de la BM compare la performance du Royaume avec celle de cinq pays dont le PIB par habitant est actuellement deux fois plus élevé qu'au Maroc (à ± 10%) (l’Albanie, la Bosnie, le Brésil, la Colombie et la Macédoine du Nord). La notation du Maroc sur les indicateurs du Rapport sur la compétitivité mondiale du Forum économique mondial révèle un panorama contrasté. Des avantages comparatifs apparaissent en ce qui concerne la qualité institutionnelle, le développement du système financier, la stabilité macroéconomique, le dynamisme des entreprises et la capacité d’innovation. En revanche, le Maroc est nettement en retard sur les indicateurs de capital humain, à la fois en termes de compétences et de santé, de performance du marché du travail et d’accès et d’utilisation des TIC.

Les bonnes pistes pour une croissance solide

Si les taux de croissance du stock de capital et de la productivité totale des facteurs (PTF) convergeaient vers les taux moyens des pays du groupe de comparaison, la croissance s’accélérerait considérablement sans que le Maroc parvienne toutefois à doubler son PIB par habitant. Dans ce scénario, analyse la BM, le stock de capital augmente à un taux annuel de 6,9% et la croissance de la PTF atteint en moyenne 2,1% en combinant des mesures de soutien à l’investissement privé et des politiques d’amélioration de la productivité. Ces politiques pourraient inclure, selon Diaz, un soutien à l’innovation, l’accélération de la numérisation, la réforme des entreprises publiques et l’introduction de la contestabilité pour réduire l’informalité ou pour éliminer les frictions qui entravent la réallocation des facteurs de production entre les entreprises et entre les secteurs. Ensemble, ces mesures porteraient donc la croissance du PIB à 6% par an et augmenteraient le PIB par habitant de 82% en 13 ans.

Dans un autre scénario, si le stock de capital et la PTF devaient converger et que la participation des femmes au marché du travail (PFMT) atteignait l’objectif du NMD, le Maroc réaliserait son objectif de doublement du PIB par habitant en 13 ans. Dans ce scénario, le taux global de participation au marché du travail augmente en moyenne de 1,5 point de pourcentage au cours des 13 prochaines années et celui des femmes passe de 22 aujourd’hui à 45% en 2035. Le stock de capital augmente à un taux annuel de 6,9% et la croissance de la PTF atteint en moyenne 2,1%. Dans ce scénario, le PIB augmente de 7,3% par an et le PIB par habitant croît de près de 110% d’ici 2035. Pour la BM, ces chiffres laissent supposer que des politiques réussies d’augmentation de la participation des femmes au marché du travail pourraient non seulement réduire les disparités de genre, autonomiser les femmes et améliorer leur bien-être, mais devenir également un important moteur de croissance.

Si, de surcroît, l’accumulation de capital humain devait s’accélérer, le Royaume dépasserait même l’objectif du NMD. Dans cette simulation, le rythme d’allongement de la durée de scolarité s’accélère, ce qui pourrait se produire si les autorités réussissent à faciliter la transition de l’éducation à la vie active, particulièrement difficile aujourd’hui au Maroc bien que les jeunes aient en moyenne un meilleur profil éducatif que leurs aînés. Dans ce scénario, la croissance du PIB augmente de 7,7% par an et se traduit par une augmentation de 120% du revenu par habitant, dépassant l’objectif du NMD. Ce résultat montre l’ampleur potentielle de l’impact d’un effort de réforme multidimensionnel, s’il parvenait simultanément à augmenter l’investissement privé, à stimuler la productivité, à favoriser l’inclusion des femmes et des jeunes sur le marché du travail, et à améliorer le stock moyen de capital humain par travailleur.

 

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