Malgré une année agricole qui devrait être en récession de 6% en 2022 et des mesures de soutien coûteuses, le redressement économique global du Maroc devra se poursuivre cette année. Les pertes devraient être compensées sous l’effet espéré du redressement du tourisme et des exportations. C’est ce que vient d’affirmer Olivier Le Cabellec, économiste au Crédit Agricole France, à l’occasion d’une nouvelle analyse réalisée par le groupe bancaire. Cette étude rappelle que le Maroc fait face cette année à la pire sécheresse depuis trente ans. Depuis le début de l’hiver 2021-2022, le déficit pluviométrique a atteint 64% dans un pays où plus de 15% du PIB sont issus de l’agriculture : un secteur qui emploie 38% de la population active.
«C’est évidemment une mauvaise nouvelle économique qui aura des conséquences multiples, et pas seulement sur la croissance du PIB en 2022», estiment les experts du groupe. L’impact des plus ou moins fortes précipitations sur le PIB agricole et le PIB global est d’ailleurs assez mécanique. Pour chaque variation de 10% du PIB agricole, l’impact à la hausse ou à la baisse peut être estimé à environ 1,5% de croissance du PIB global. «En 2022, la croissance du PIB pourrait donc s’élever à 3,5%, au lieu de 3,9% prévu initialement», détaillent-ils. Au cours des vingt dernières années, est-il rappelé, le PIB agricole est entré huit fois en récession, en raison des sécheresses. La hausse de la fréquence des sécheresses, d’une tous les dix ans à une tous les deux ans en moyenne depuis 2010, est selon les experts l’une des conséquences du réchauffement climatique.
«Le PIB agricole est aussi moins résistant, lorsque plusieurs années de sécheresse se suivent et que les barrages de rétention et les réservoirs d’eau, peu alimentés, ne servent plus d’amortisseurs lors des années sèches. C’est le cas en 2022», indique le groupe français. Déjà, suite au déficit pluviométrique, le PIB agricole s’était contracté de 4,6% en 2019 et de 6,9% en 2020, avant de se redresser très fortement de 17% en 2021. Toujours est-il que l’agriculture consomme 85% de l’eau disponible au Maroc. Cette année, l’impact sur la balance commerciale devra se matérialiser aussi par une hausse des importations de produits alimentaires et notamment de céréales, dans un contexte de hausse des prix. «De plus, le Maroc importe 13% de ses céréales d’Ukraine et 4% de Russie (année 2020) et pourrait être obligé de trouver des fournisseurs alternatifs en cas de rupture des approvisionnements», est-il souligné dans l’étude. Néanmoins, le redressement espéré des recettes touristiques devrait plus que compenser la hausse du déficit commercial des biens qui pourrait toutefois dépasser les 20 milliards d’euros cette année, selon les estimations du groupe bancaire. Autre conséquence immédiate, l’inflation des produits alimentaires qui a progressé à 4,4% en décembre dernier et à 4,3% en janvier.
C’est la plus forte hausse depuis quatre ans. Selon l’analyse du groupe bancaire français, la hausse des prix pourrait perdurer de nombreux mois au Maroc, alimentée en partie par la hausse des coûts de transport qui se répercute sur le prix des aliments importés. «Les produits alimentaires sont pondérés à hauteur de 33% dans l’indice des prix et ceux du transport à 13% (et ils sont en hausse de 6% depuis un an). Une inflation assez proche de 2% en 2022 est donc possible. C’est un niveau global qui reste toutefois très contenu dans le contexte actuel», est-il précisé. Pour les économistes de Crédit Agricole France, la chute des productions agricoles et des revenus des agriculteurs est déjà bien anticipée par l’État marocain qui a mis en place cette année des mécanismes de soutien afin d’atténuer l’impact social sur le secteur (une enveloppe financière globale de 10 milliards de dirhams, soit plus de 900 millions d’euros, a été mobilisée sur Hautes Instructions du Souverain). Au-delà du maintien du pouvoir d’achat, il s’agit aussi pour le gouvernement de freiner l’exode rural qui alimente le chômage dans les villes. Enfin, concluent les experts français, une hausse éventuelle des subventions sur les produits de première nécessité pourrait aussi peser un peu cette année sur les Finances publiques.