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Recherche académique sur l'histoire du Maroc : l'avis de Daniel Rivet

Historien français du Maroc, Daniel Rivet revient dans cet entretien accordé au «Matin» sur les raisons de son intérêt pour le Royaume, l'Institut d'études de l'Islam et des sociétés du monde musulman, dont il a été directeur, le personnage du général Édouard Méric et ses appréciations quant au projet de création d'une Maison de l'Histoire du Maroc.

Recherche académique sur l'histoire du Maroc : l'avis de Daniel Rivet
Daniel Rivet.

Le Matin : Vos travaux sur le Maroc à l'époque du protectorat font autorité. Quand et comment avez-vous commencé à vous intéresser à notre pays qui vous en sait gré, ainsi qu'en témoigne la haute distinction que Sa Majesté le Roi Mohammed VI vous a décernée ?

Daniel Rivet
: Ce fut l’expérience de la coopération – d’abord comme volontaire pour le service national (VSN), puis à titre civil – qui fut le déclic de mon intérêt pour le Maroc, comme ce fut le cas pour mes collègues et amis Daniel Nordman et Bernard Rosenberger, eux aussi historiens français du Maroc. Je fus assistant en histoire à la Faculté des lettres et sciences humaines de Rabat de 1967 à 1970 : un moment fondateur dans mon existence. J’avais 25 ans à mon arrivée et je n’avais jamais quitté la France.

Vous avez enseigné à l'Université Paris I-Panthéon Sorbonne et avez été directeur de l'Institut d'études de l'Islam et des sociétés du monde musulman (IISMM). Voudriez-vous nous dire quelques mots sur la vocation de cet Institut ?

L’IISMM fut fondé en 1999 à Paris dans l’orbite de l’EHESS (École des hautes études en sciences sociales) par le ministère de l’Éducation nationale avec pour double mission de :
1. Mieux faire connaître auprès du public cultivé l’islam en tant que croyance religieuse et l’Islam en tant que civilisation.
2. Coordonner la recherche scientifique portant sur les sociétés du monde musulman actuel, en particulier en déplaçant le curseur à l’est du monde ottoman et turc (Iran, mondes indien et malais), là où les savoirs acquis par les chercheurs français avaient souffert d’une anémie certaine, du fait de l’orientalisme ancien longtemps centré sur l’Islam dans les mondes arabo-musulman et subsaharien en Afrique, du fait du poids de la colonisation et du prestige de l’Orient antique et sémitique.
La première directrice de l’IISMM fut Lucette Valensi, directrice d’études à l’EHESS. Je lui succédai en 2002 avec pour codirecteur Hamit Bozarslan (EHESS), spécialiste en sociologie politique du Moyen-Orient.

Le programme du colloque qu'organise l'Institut Royal pour la recherche sur l'histoire du Maroc (IRRHM) indique que votre communication porte sur le général Édouard Méric. En quoi réside la singularité de ce personnage auquel vous avez d'ailleurs consacré un ouvrage ?

Édouard Méric (1901-1973) fut successivement un officier des Affaires indigènes de 1927 à 1941 dans le grand Sud marocain, marqué par l’empreinte de Lyautey, puis un homme de guerre avec le deuxième GTM (groupement de tabors marocains) promu compagnon de l’ordre de la Libération en 1944 et en Indochine de 1946 à 1950. C’est là qu’il acquiert la conviction que la décolonisation est inéluctable et qu’il relève de la France de la préparer. En Tunisie en 1954-1955, il applique la politique d’autonomie interne voulue par Pierre Mendès-France. Au Maroc en 1955-1956, il suit les directives d’Edgar Faure et Alain Savary et il est un artisan imaginatif et courageux de la transmission de l’appareil du pouvoir colonial (il est à Rabat le dernier directeur de l’Intérieur du protectorat). À cet égard, il soulève l’opposition acharnée des «prépondérants» (colons disposant de tous les pouvoirs sur place) et des officiers de l’Armée d’Afrique, qui finissent par obtenir son limogeage. À ce titre, il est le seul officier supérieur de l’armée française avec le général de la Bollardière à avoir eu sa carrière brisée durant la décolonisation pour avoir été un anticolonial résolu. Il fut au cours de ces épisodes l’ami de Mohammed Masmoudi et Ahmed ben Salah et l’interlocuteur privilégié d’Abderrahmane Youssoufi et Mehdi Ben Barka.

L'Académie du Royaume et l'IRRHM vous avaient invité avant la suspension des liaisons aériennes avec l'Europe à intervenir dans un panel dédié au projet de création d'une Maison de l'histoire du Maroc. Voudriez-vous faire part à nos lecteurs de vos appréciations sur ce projet et sur l'ouvrage ayant réuni les Actes du colloque international qui lui a été consacré ?

J’ai lu attentivement ce livre préparatoire à la création d’une Maison de l’Histoire au Maroc et je l’ai trouvé de bout en bout très informé, attentif aux courants historiographiques qui renouvellent l’écriture de l’histoire au début du XXIe siècle. J’ai en particulier apprécié les très bons développements consacrés aux minorités, berbère et juive, et aux femmes, de même que la lecture stimulante opérée du nationalisme arabe au milieu du XXe et l’analyse, très neuve, consacrée à la nouvelle définition d’un patrimoine non plus de sauvegarde d’un espace sanctuarisé, mais élargie à la pratique des gens (contes, chants, manières d’être er de se vêtir). Mais j’ai lu en surplomb la partie en arabe, faute de maîtriser suffisamment la langue, ce qui obère mon jugement porté sur cet ouvrage important, qui constitue un jalon dans la connaissance historique du Maroc.

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