Menu
Search
Jeudi 25 Avril 2024
S'abonner
close
Jeudi 25 Avril 2024
Menu
Search
Accueil next Culture

DJ Yasmean : la force tranquille de la scène électronique marocaine

Du haut de ses 28 ans, Yasmine S’haki, alias Yasmean, est l'une des porte-étendards de la scène électronique marocaine. À la manière d’Obélix, elle est tombée dans la marmite de la musique alors qu'elle était encore dans le ventre de sa mère à bouger aux rythmes des tubes de Jamiroquai. Mélomane jusqu'au bout des ongles, elle fait de l’underground son terrain de jeux pour nous livrer des sets pluriels qui font sa signature unique, ce qui l’a amenée à être la première Marocaine à être programmée à Boiler Room, à l’occasion du festival Atlas Electronic de Marrakech. Après avoir fait vibrer la scène de l’Oasis Festival en 2015 puis en 2019, DJ Yasmean a réitéré l’expérience à l’occasion du nouveau concept festif Into The Wild qui s’est tenu à Dakhla, les 23 et 24 septembre 2022. «Le Matin» a rencontré «le caméléon» de la scène underground marocaine à cette occasion.

DJ Yasmean : la force tranquille de la scène électronique marocaine

Le Matin : Devenir DJ était un rêve d’enfant pour vous ?
Yasmean
: La musique a toujours fait partie de ma vie, même quand j’étais dans le ventre de ma mère et que je donnais des coups en rythme sur la musique de Jamiroquai. Plus jeune, j’avais pour passion de faire des playlists et de télécharger mes titres préférés. La musique était omniprésente à la maison, puisque ma mère, à son tour, collectionnait les cassettes et mon père fut DJ durant sa jeunesse en France. À l’âge de 19 ans, l’envie de partager ma passion, au-delà de mon cercle intime, a commencé à se faire ressentir et je me sentais capable de le faire. En 2013, j’ai mixé pour la première fois au festival «Nuits Sonores», à l’occasion de son édition spéciale délocalisée à Tanger. Je suis sélective quant aux propositions que je peux recevoir, je veux continuer à faire ce que j’aime et rester en accord avec moi même. Je suis autodidacte, on m’a appris les bases au début, j’étais bien entourée. Une fois dans le bain, on tâte, on réussi puis on se rate des fois, mais une fois les bases acquises, les choses se font naturellement. La technicité n’est pas tout pour moi, mais elle reste importante, car on n'a pas envie de faire mal aux oreilles du public par exemple. Il m’a fallu plusieurs années pour affiner ma technique, mais aussi ma culture musicale que je continue à alimenter. Quant à mon univers musical, je ne peux pas le définir, il est pluriel, car il dépend de mon humeur, du lieu où je me trouve et du public que j’ai en face de moi.

Quelles ont été les difficultés rencontrées à vos débuts ?

J’ai commencé à 19 ans dans un milieu qui est assez masculin et assez restreint en termes d'opportunités, mais je ne me suis jamais estimée victime dans ce contexte. Depuis que j’ai commencé à mixer, les personnes que j’ai pu croiser ont été très bienveillantes avec moi. Les femmes se font rares dans le milieu, ce qui fait que je ne passais pas inaperçue, entre ceux qui apportent leur soutien et ceux qui font preuve de maladresse. Les embûches ou préjugés auxquels j’ai pu faire face ne m’ont jamais découragée, je fais mon chemin en gardant en tête mes objectifs, et mon amour pour la musique prend le dessus sur tout ce qui pourrait parasiter ma motivation. Il faut être forte et avancer en se nourrissant uniquement des bonnes énergies autour !

Comment peut-on décrire au mieux votre univers musical ?

Je suis une sorte de caméléon. Plusieurs inspirations cohabitent dans mon univers, mais je reste très underground. Pour moi, il est important d’aller au-delà du mainstream et de faire en sorte de toujours me challenger à trouver des sonorités et des artistes qui n’ont toujours pas été explorés jusqu’à présent. J’aime faire écouter aux gens des musiques auxquelles ils ne sont pas familiers et de voir leurs réactions. Prenons l’exemple du genre Jungle qui est un style de musique électronique, apparu dans les années 1990 en Angleterre et que j’ai pu découvrir à travers des jeux vidéo quand j’étais plus jeune. J’ai toujours trouvé ces sonorités exceptionnelles et j’avais envie de le faire découvrir à travers certains de mes sons. Je suis personnellement multi-facettes, et mon univers musical est à mon image, je suis une personne intuitive et je puise pas mal dans mon passé qui nourrit mes sets, les fondations de mes inspirations et mes goûts y sont ancrés.

Le DJing est souvent pratiqué par des autodidactes qui se perfectionnent au fur et à mesure. Y-a-t-il quelque chose d'inné dans ce métier ?

Ce qui est inné est cette sensibilité que l’on peut avoir, cette curiosité, j’ai toujours été intriguée par ce qui se passait autour de moi, notamment la musique omniprésente depuis mon enfance. C’est cette sensibilité chez moi qui a fait que cette histoire d’amour dure depuis toujours. On ne naît pas DJ, on le devient, mais le fait d’être réceptif à la musique est quelque chose d’inné, c’est dans les veines.

Pensez-vous que la scène électronique marocaine a sa place dans les plus grands festivals du monde ?

Absolument ! Je m’en rends compte lorsque je croise des gens venus de l’étranger. En échangeant avec eux, ils se disent conquis par la scène marocaine. Le potentiel est là, on a tout à donner et tout à prouver. Nous avons encore du chemin à faire, car la crise de la Covid nous a coupé l’herbe sous le pied pile au moment de l’apogée de la scène nationale, entre festivals et showcases. Après cette pause imposée, nous reprenons, petit à petit, pour renforcer notre position de référence en matière de musique électro en Afrique du Nord. J’estime qu’il faut briller dans son pays avant de rayonner à l’international, le rap et la trap marocaine qui rencontrent un grand succès en sont de parfaits exemples.

Quels conseils pouvez-vous donner aux femmes qui veulent devenir DJ ?

Juste faites-le, osez ! Il ne faut pas se minimiser et se laisser décourager pour une raison ou une autre. Il faut se lancer pour l’amour de la musique, de la scène et du partage. Soyez courageuses tout en faisant attention à vous protéger des mauvaises énergies et à bien vous entourer. Je suis heureuse d’avoir été jusqu'au bout de mon rêve et je tiens à le poursuivre jusqu’au bout. Il ne faut pas hésiter à demander conseil aux personnes expérimentées qui peuvent vous rassurer ou vous guider. Ma porte est grande ouverte et je suis prête à répondre à toutes les questions si ça peut aider de jeunes femmes à se lancer et à réaliser leur rêve.

Lisez nos e-Papers