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Ferid Belhaj : La Banque mondiale prépare un fort appui à la transition climatique du Maroc

La Banque mondiale a accordé un financement record de 1,83 milliard de dollars au Maroc durant l’année fiscale 2022, close en juin dernier. Pour Ferid Belhaj, ce fort appui financier vient répondre aux priorités du pays, liées essentiellement aux chocs sanitaires et climatiques. Il est également motivé par le fait que le Royaume se dote d’atouts stratégiques importants et se distingue par rapport à d’autres pays de la région MENA, notamment son cadre macroéconomique favorable, sa stabilité économique et politique ainsi que son engagement à mener des chantiers de réformes structurantes pour une plus forte inclusion sociale. La Banque mondiale s’engage à poursuivre son soutien au Maroc dans ses chantiers prioritaires. Elle s’apprête, en particulier, à publier une étude majeure intitulée «Climat et Développement», qui fait ressortir un certain nombre de priorités à même de positionner le pays dans une trajectoire de développement résilient au changement climatique.

Ferid Belhaj : La Banque mondiale prépare un fort appui à la transition climatique du Maroc
Ferid Belhaj, vice-président pour la région Moyen-Orient/Afrique du Nord (MENA)

Le Matin : Vous avez effectué une visite de travail au Maroc les 12 et 13 septembre 2022. C’est la seconde en moins d’un an. Quels en sont les objectifs ?

Ferid Belhaj : C’est toujours un plaisir de venir au Maroc et de rencontrer nos partenaires, avec qui nous avons, à chacune de mes visites, des échanges aussi riches que constructifs. Durant ces deux jours, l’objectif principal était de pouvoir discuter avec nos partenaires gouvernementaux de notre soutien financier et technique aux priorités du Maroc. Dans un contexte mondial et national marqué par de multiples chocs climatiques, il était important de pouvoir échanger autour des défis et opportunités que le changement climatique pose au Maroc. Ces discussions ont eu lieu avec le gouvernement, mais aussi avec certains de nos partenaires de la société civile. Ces discussions s’inscrivent également dans le double cadre de la préparation du rapport «Climat et développement» et des prochaines Assemblées annuelles du Groupe de la Banque mondiale et du Fonds Monétaire International, qui se tiendront en octobre 2023 à Marrakech.

Cette visite a été l’occasion de m’entretenir avec la ministre de l’Économie et des finances, Nadia Fettah Alaoui, le ministre délégué auprès du ministre de l'Économie et des finances, chargé du Budget, Fouzi Lekjaâ, la ministre de la Transition énergétique et du développement durable, Leila Benali, le ministre de l’Équipement et de l’eau, Nizar Baraka, et le ministre de la Santé et de la protection sociale, Khalid Aït Taleb, et ce dans la continuité de nos relations de confiance, et afin de renouveler l’engagement de la Banque mondiale envers le Royaume. J’ai également pu m’entretenir avec Abdellatif Zaghnoun, nouveau directeur général de l’Agence nationale de gestion stratégique des participations de l’État (APE) au sujet du rôle de l’État dans l’économie, notamment à travers la réforme des établissements et entreprises publics (EEP), des réformes clés menées par l’APE et de la manière dont la Banque mondiale pourrait soutenir ces efforts. Enfin, nous avons signé un accord de prêt d’un montant de 250 millions de dollars au bénéfice du projet de développement du nord-est du Maroc, dont l’objectif est de faciliter une plus grande intégration régionale et de stimuler la croissance et l’emploi pour les jeunes de la région.

Ces trois dernières années, le Maroc est le pays qui a bénéficié le plus de vos financements dans la région MENA. La Banque mondiale a même approuvé durant l’année fiscale 2022, close le mois de juin dernier, un financement record de 1,83 milliard de dollars en faveur du Royaume. Qu’est-ce qui explique cette forte mobilisation de votre institution en faveur de notre pays ?

La dernière année fiscale (allant du premier juillet 2021 au 30 juin 2022) a effectivement enregistré un appui financier important d’un montant de 1,83 milliard de dollars américains. Cette mobilisation vient répondre aux priorités du Maroc, liées à la fois aux chocs relatifs à la crise Covid-19 et à celles liées à la résilience aux chocs sanitaires et climatiques. Cet appui vient aussi dans un contexte mondial et régional compliqué avec le triple choc de la crise sanitaire, de l’impact de la guerre en Ukraine et du changement climatique qui se manifestent notamment par le problème de la sécheresse et du stress hydrique. Ce fort appui financier s’explique également par le fait que le Maroc se dote d’atouts stratégiques importants et se distingue par rapport à d’autres pays de la région MENA, que ce soit en raison de son cadre macroéconomique favorable, de sa stabilité économique et politique, de sa capacité institutionnelle ou encore de l’engagement du gouvernement à mener des chantiers de réformes structurantes pour une plus forte inclusion sociale.

Allez-vous continuer à maximiser l’enveloppe de financement ? Et pour quels chantiers prioritaires ?

L’enveloppe de financement est conjointement établie avec le gouvernement du Maroc, et en étroite collaboration avec les départements sectoriels et institutions publiques concernés. Elle est conçue de manière à répondre aux besoins de financement des chantiers prioritaires identifiés et menés par le gouvernement. En plus du soutien financier, la Banque mondiale appuie le gouvernement par le biais d’études analytiques et d’assistances techniques pour aider à la conception et la mise en œuvre des politiques publiques, renforcer les capacités et informer les stratégies ou les opérations de développement importantes pour le pays. Ces études permettent également d’analyser un secteur déterminé ou une problématique que le gouvernement et la Banque mondiale jugent importants.
La Banque mondiale est engagée pour continuer à appuyer le gouvernement pour relever les défis de développement prioritaires, en particulier dans le domaine social, notamment avec les réformes du système de la santé et de la protection sociale ou de l’éducation, dans l’appui à la résilience face aux changements climatiques, également dans le soutien au développement du secteur privé, que ce soit pour l’appui aux petites et moyennes entreprises ou au cadre de l’environnement des affaires.

Le financement climatique figure désormais parmi les priorités du partenariat Banque mondiale-Maroc. D’ailleurs, vous venez de réaliser un Rapport sur le «Climat et Développement» au Maroc. Quelles en sont les principales conclusions ?

Effectivement, nous avons conduit une étude approfondie intitulée «Climat et Développement» dont nous avons partagé les résultats principaux avec le gouvernement, lors de ma visite au Maroc. Cette étude majeure a pour objectif de mieux comprendre la complexité des interactions entre les phénomènes de changement climatique au Maroc et la trajectoire de développement, que ce soit en termes de risques, mais aussi d’opportunités. Le rapport est en cours de finalisation et devrait être publié très prochainement. Il est organisé autour de trois piliers, identifiés comme les thématiques qui représentent les points d’intersection entre changement climatique et développement pour le Royaume : 1. La rareté de l’eau et la sécheresse, 2. La vulnérabilité aux inondations qui sont de plus en plus fréquentes au Maroc, et 3. La décarbonation de l’économie, qui revêt une importance particulière pour le pays, compte tenu des développements géopolitiques actuels et des prix de l’énergie.

Comment comptez-vous alors accompagner le Maroc à relever les défis relatifs au climat et au développement durable ?

La Banque mondiale travaille main dans la main avec le gouvernement marocain pour aborder les questions liées au changement climatique. En plus de l’appui analytique et technique précédemment mentionné, nous soutenons le Maroc à travers différents programmes qui prennent en considération les priorités du pays en termes d’adaptation et de résilience aux changements climatiques. À titre d’exemple, le projet de soutien à la stratégie de développement de l’économie bleue, ou encore le programme d’appui pour une agriculture résiliente et durable au Maroc qui ont été approuvés durant la précédente année fiscale.
Par ailleurs, le rapport «Climat et Développement» fait ressortir un certain nombre de priorités à même de positionner le Maroc dans une trajectoire de développement résiliente au changement climatique et peu émettrice de gaz à effet de serre. Nous sommes maintenant engagés à accompagner le Royaume dans la mise en œuvre d’un certain nombre de recommandations qui ressortent de ce rapport, tant au travers de nouvelles opérations de financement que par le biais de divers travaux analytiques. En particulier, nous avons initié la préparation de nouvelles opérations pour appuyer la transition climatique du Maroc.

À la lumière de la conjoncture actuelle nationale et internationale, des défis de la croissance et de l’inflation, quelle est votre analyse de la situation économique actuelle du Maroc et ses perspectives ?

Avec un taux de croissance de 7,9% en 2021, la reprise de l’économie marocaine après la pandémie de la Covid-19 a été plus forte que celle de la plupart des pays de la région MENA. Cependant, le Maroc traverse à nouveau une série de chocs défavorables, liés notamment à la sécheresse et aux conséquences de la guerre en Ukraine, ce qui cause un ralentissement significatif de l’activité économique, mais aussi l’apparition d'importantes pressions inflationnistes après une longue phase de stabilité des prix. Cette situation – que connaissent la plupart des pays du monde – pose un dilemme pour les autorités, car le resserrement des politiques macroéconomiques qui contribuerait à maîtriser l'inflation pourrait aussi aggraver la décélération de l'économie. Cependant, le Maroc dispose de plusieurs atouts qui lui permettront de relever ces défis, que ce soit la crédibilité de ses institutions de politique macroéconomique ou le niveau d’ambition des politiques structurelles lancées ces dernières années. Tout cela devrait donner les moyens à l’économie marocaine de revenir à une croissance plus robuste, une fois les effets des chocs actuels dissipés, et de passer d’une croissance prévue à 1,3% en 2022 à 4,3% en 2023, selon nos projections.

Entretien réalisé par Moncef Ben Hayoun

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