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La fiscalité et les statuts de BAM, deux chantiers urgents pour le gouvernement (Mohammed Benmoussa)

Afin de mettre en œuvre l’Orientation Royale consistant à faire de l’investissement privé la composante majoritaire dans la structure de l’investissement national à l’horizon 2026, des réformes structurelles s’imposent. Des réformes qui, selon l’analyste économique et vice-président de l’association DAMIR, Mohammed Benmoussa, devront porter notamment et sans plus attendre sur la fiscalité et les statuts de Bank Al-Maghrib.

La fiscalité et les statuts de BAM, deux chantiers urgents pour le gouvernement (Mohammed Benmoussa)
Mohammed Benmoussa

Le dernier discours de Sa Majesté le Roi Mohammed VI à l’occasion de l’ouverture de la première session de la deuxième année législative de la 11e législature a porté sur deux grandes priorités nationales : la problématique du stress hydrique et celle relative au renforcement de l’investissement privé. Pour l’analyste économique Mohammed Benmoussa, le discours du Souverain est un discours de recentrage de l’action du gouvernement, notamment en matière de promotion de l’essor de l’investissement privé. 

En effet, M. Benmoussa, qui a la dent dure contre le gouvernement, dont les marges de manœuvre, selon lui,  «sont étroites, voire quasi inexistantes, et consistent simplement à creuser le déficit, à alourdir l’endettement, à distribuer des aides et des subventions directes à certains secteurs et à recourir à des techniques budgétaires farfelues, dites de “financement innovant”», souligne que pour atteindre l’objectif chiffré annoncé par le Souverain de 550 milliards de dirhams additionnels d’investissement privé et d’un demi-million d’emplois nets à l’horizon 2026, le gouvernement doit «revoir sa feuille de route et son programme pour la période 2022-2026». 

«Les réformes annoncées dans le programme gouvernemental sont en total déconnexion avec les réformes disruptives proposées par le nouveau modèle de développement (NMD) et si nous restons sur la même feuille de route, je crains que cet objectif ne soit pas atteignable par cet Exécutif», dixit l’analyste économique. Pour parvenir à inverser cette structure de l’investissement national dominée actuellement par l’investissement public, et faire en sorte que l’investissement privé soit majoritaire avec un peu plus de 50% d’ici 2026 et des deux tiers d’ici 2035, comme le recommande le NMD, M. Benmoussa affirme que des réformes de structure s’imposent portant sur le changement des statuts de Bank Al-Maghrib (BAM), la fiscalité, la déconstruction de l’économie de la rente, la suppression de toutes les barrières à l’entrée des secteurs économiques (comme c’est la cas dans l’industrie financière, l’industrie du ciment, l’industrie des télécommunications, l’industrie des hydrocarbures, etc.), la justice et le droit des affaires, de même qu’il faut opérer une déconcentration réelle des pouvoirs des administrations centrales vers les administrations déconcentrées. 

Élargir la mission de Bank Al-Maghrib 

En livrant sa recette pour réussir à mobiliser 550 milliards de dirhams additionnels d’investissement privé d’ici 2026, l’invité de Rachid Hallaouy fait la part belle à BAM. Les statuts de cette institution, dont la mission consiste aujourd’hui à contrôler l’inflation et le niveau des prix, devront évoluer vers ce que l’on appelle «un mandat dual», à l’instar des grandes Banques centrales (Fed, Bank of England, Bank of Japan, etc.), souligne M. Benmoussa. Ceci implique, explique-t-il, que la Banque centrale doit avoir une double mission : au lieu de la seule mission qui lui incombe, en vertu de ses statuts, qui est la maîtrise de l’inflation et pour laquelle le wali de BAM reste figé sur cette position «orthodoxe et dépassée» en déphasage avec les besoins de l’économie nationale, aujourd’hui un changement s’impose donc (comme c’est d’ailleurs recommandé par le NMD) pour assurer  aussi la stabilité de l’activité économique et de l’emploi. Et de préciser qu’«il faut qu’il y ait une coordination entre la politique monétaire et macro et microprudentielle de la Banque centrale avec la politique économique du gouvernement (politiques budgétaire, fiscale, de change et commerciale)».

BAM pourra aussi contribuer à la réforme du secteur bancaire via des circulaires visant à renforcer la concurrence et d’ouvrir l’entrée dans le secteur par exemple à la Fintec ou le Mobile Banking. Et de conclure que la Charte de l’investissement qui jettera les bases d’un cadre favorable à l’investissement ne suffira pas à elle seule à faire décoller l’investissement privé sans lois ad hoc et spécifiques pour mettre en œuvre l’ensemble des réformes nécessaires, dont une relative à la relation financière entre l’État et les institutions et entreprises publiques, notamment les EEP à vocation marchande qui font perdre environ 36 milliards de dirhams chaque année au Trésor public.  
 
Réformer sans plus tarder la fiscalité

L’autre réforme ayant retenu une grande partie de l’analyse de M. Benmoussa est celle relative à la fiscalité, à laquelle le gouvernement doit s’atteler sans plus tarder. «La réforme fiscale a été réaffirmée lors des troisièmes Assises de la fiscalité qui ont eu lieu en mai 2019 et a été confirmée, complétée et approfondie dans les recommandations du NMD. Mais que constatons-nous aujourd’hui ?» note-t-il. «Nous constatons d’abord que l’ancien gouvernement sous l’égide de Saad Eddine El Othmani a gâché l’opportunité de la loi-cadre sur la réforme fiscale puisque cette loi, présentée par l’ancien ministre de l’Économie et des finances, Mohamed Benchaâboun, a été votée dans les derniers jours du mandat de ce gouvernement en l’espace de quelques jours et quand vous l’analysez, vous trouvez toute une série de lacunes et de failles qui ont fini par vider toute cette réforme fiscale de son contenu». 

Quant au gouvernement Aziz Akhannouch, poursuit-il, sa première loi de Finances ne comportait aucune mesure relative à la réforme fiscale et avec une volonté politique, cette réforme pourra être implémentée dans le cadre des trois prochains PLF. Et d’insister : «Il faut mettre la réforme fiscale sur les rails tout de suite. Cette réforme permettra à l’État de disposer des ressources budgétaires nécessaires pour développer une politique de redistribution des revenus et une politique d’orientation des comportements des agents économiques vers les secteurs d’avenir». «Nous avons une marge de progression de nos recettes fiscales d’au moins 6 points de PIB par an (le taux de pression fiscale au Maroc est de 20,5% par rapport à celui de l’Europe qui est à 27% avec un système fiscal quasiment similaire), ce qui signifie que nous avons un potentiel d’augmentation des recettes fiscales de l’ordre de 70 à 80 milliards de dirhams par an», explique encore 
M. Benmoussa. 

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