Finalement, ce n’est pas l’investissement, comme initialement prévu, mais la consommation privée qui sera le principal moteur de la croissance du Maroc en 2022. C’est ce qui ressort de la dernière étude de Fitch Solutions consacrée aux perspectives économiques du Royaume. Le cabinet d’analyse et de recherche économique table sur une croissance de 1,5% pour le Maroc cette année, suite à une accélération de l'activité économique au deuxième trimestre. «Après une croissance modérée de 0,3% en glissement annuel au premier trimestre, en raison d'une contraction significative de la production agricole résultant d'une grave sécheresse, l'activité économique a repris à 2% au deuxième trimestre.
Nous prévoyons ainsi que le PIB réel augmentera de 1,8% en rythme annuel au second semestre après une moyenne de 1,1% durant la première moitié de l’année. Nous pensons désormais que la consommation privée sera le principal moteur de la croissance en 2022, devant la consommation publique après la contraction de l’activité d'investissement au premier semestre», estime le spécialiste international du risque de crédit et de macro intelligence.
Selon ses nouvelles projections, la consommation privée contribuera à hauteur de 1,4 point de pourcentage à l’augmentation du produit intérieur brut (PIB) cette année, devant la consommation publique (1,2 pp). En revanche, la contribution de l'investissement sera négative de 0,3 pp ainsi que celles des exportations nettes (-0,9 pp).Consommation privée : une hausse dépassant les attentes au 2e trimestre 2022
«La consommation privée a augmenté de 3,1% en glissement annuel au deuxième trimestre contre 1,1% le premier, dépassant nos attentes. Cela survient malgré une inflation élevée, qui a atteint un sommet de 8% en août 2022, dans un contexte d'affaiblissement du dirham et de prix mondiaux élevés des matières premières, avec de la confiance des consommateurs à son plus bas niveau historique», détaillent les experts de Fitch Solutions. Ces derniers pensent que les fortes dépenses des ménages sont principalement dues aux efforts du gouvernement pour atténuer la hausse des prix et aux transferts des Marocains résidant à l'étranger (MRE) qui ont augmenté de 11,3% au cours des huit premiers mois de 2022, malgré un environnement macroéconomique difficile. «Nous prévoyons que les envois de fonds importants et les efforts d'atténuation de l'inflation du gouvernement continueront de soutenir la consommation privée au second semestre 2022, ce qui nous amène à réviser à la hausse nos prévisions de contribution de la consommation privée à la croissance du PIB de 0,9 pp à 1,4 pp», expliquent-ils. Néanmoins, cette contribution est inférieure à la moyenne quinquennale pré-Covid-19 de 1,7 pp, en raison des pressions inflationnistes qui réduisent la capacité des dépenses des ménages.
Par ailleurs, la politique budgétaire expansionniste soutiendra la croissance de la consommation publique. Celle-ci s’est déjà accélérée de 6,7% au deuxième trimestre, contre 5,4% au premier trimestre. «Les autorités marocaines ont redoublé d'efforts pour atténuer les effets négatifs de la contraction de la production agricole et de la guerre en Ukraine. Elles ont mobilisé des subventions pour les secteurs de l'agriculture et des transports. Nous avons ainsi révisé notre prévision concernant la contribution de la consommation publique à la croissance de 0,8 pp à 1,2 pp, légèrement supérieure à 1,1 pp en 2021», indique Fitch Solutions.
L'environnement mondial pèse sur le sentiment des investisseurs
Cependant, «à notre grande surprise, l'investissement s'est contracté de 2,4% en glissement annuel au deuxième trimestre après une timide croissance de 0,7% au premier trimestre, entraînant une contraction de 1% de l'investissement au premier semestre. Nous pensons que cela est dû à un environnement macroéconomique mondial difficile qui a pesé sur le sentiment des investisseurs», expliquent-ils.
Au second semestre, Fitch Solutions estime que cette contraction s'inversera en raison d'une reprise des investissements publics, qui ont augmenté de 19,5% en glissement annuel en août 2022 sur une base semestrielle. Une forte augmentation des investissements directs étrangers nets, qui ont augmenté de 67,3% en glissement annuel au cours des huit premiers mois de 2022, contribuera également à une activité d'investissement plus forte au second semestre. «Ainsi, nous prévoyons désormais que les investissements contribueront négativement de -0,3 pp à la croissance de 2022, contre +1,4 pp auparavant», est-il indiqué.Fortes recettes touristiques attendues
Pour ce qui est du commerce extérieur, la reprise de l'activité touristique devra réduire la contribution négative des exportations nettes à la croissance. Selon Fitch, les données du deuxième trimestre ont révélé que les exportations ont augmenté de 36,4% en glissement annuel en termes réels, dépassant la croissance des importations (+28,7%). Cela survient après une solide reprise de l'activité touristique, les recettes touristiques nominales ayant augmenté de 179,1% en juillet 2022, soutenant la croissance des exportations. «Nous pensons que de fortes recettes touristiques s'ajouteront à une solide performance de l'industrie automobile, les exportations d'automobiles augmentant de 29,3% au cours des huit premiers mois de l'année. En conséquence, nous avons révisé à la hausse nos prévisions pour la contribution des exportations nettes au PIB de -1,6 pp à -0,9 pp», poursuit l’étude.
Pour 2023, Fitch Solutions table sur rebond de la croissance à 2,8% à mesure que la production agricole se redressera grâce à des conditions météorologiques plus favorables. La consommation privée restera le principal moteur de l'activité économique en 2023, d’autant plus que la décélération de l'inflation (à 3,7%, contre 6,4% en 2022) soutiendra le pouvoir d'achat des ménages.
«Nous pensons également que le resserrement monétaire pèsera sur l'activité économique, car nous prévoyons que Bank Al-Maghrib augmentera les taux d'intérêt de 100 points de base au second semestre (soit une nouvelle hausse 50 points de base le portant à 2,50% à la fin de l'année). De même, un fort ralentissement de la croissance dans la zone euro, premier partenaire d'exportation du Maroc, sera un vent contraire pour l’activité économique du pays. Au total, la croissance économique du pays sera légèrement inférieure à la moyenne quinquennale pré-Covid-19 de 2,9%», conclut l’étude>> Lire aussi : Maroc : Le FMI prévoit une croissance économique de 0,8% en 2022 et de 3,1% en 2023