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Géopolitique et gouvernance : conversation sans fard avec Gabriel Banon

La présentation de l’ouvrage «Géopolitique et gouvernance : gérer le monde de demain» (éditions Sochepress), dans le cadre des Rencontres culturelles organisées par le «Book Club Le Matin» à l’occasion du Salon international de l’édition et du livre 2022, a été un moment phare où se sont rencontrées deux références de la science politique et de la géopolitique au Maroc : le professeur de droit et politologue Mustapha Sehimi, en tant qu’interviewer, et l’auteur du livre, l’ingénieur de formation ayant eu des responsabilités au plus haut sommet de l’État français, qui était très lié au président américain Gérald Ford, ancien conseiller de Yasser Arafat et qui a également ses entrées au Kremlin, Gabriel Banon, en tant qu’invité d’honneur. Ce rendez-vous, premier d’une série de sept rencontres, a été l’occasion d’un échange riche et gratifiant qui a éclairé le public sur plusieurs sujets d’actualité : le rôle de la géopolitique, avec cet exemple du conflit en Ukraine, les mouvances islamistes comme facteur de la géopolitique mondiale et le poids de l’Afrique dans les équilibres géopolitiques.

Sur le rôle de la géopolitique 

Bien lancé par l’introduction aussi pertinente que concise de Mustapha Sehimi, M. Banon a commencé par expliquer le rôle de la géopolitique en tant qu’instrument récent à la disposition des analystes politiques pour prévoir (sans prophétiser) et essayer d’éviter, grâce à la gouvernance, des événements à venir, le cas de la crise de l’Ukraine comme exemple. À ce propos, M. Banon a considéré que cette crise était bien prévisible et donc évitable, étant donné la sensibilité de l’Ukraine pour la Russie, mais aussi les accords de gentlemen agreement passés lors de la réunification de l’Allemagne entre l’OTAN et la Russie et qui n’ont pas été respectés par la partie occidentale, alors que les Russes ont bien tenu et honoré leurs engagements en acceptant le démantèlement du Pacte de Varsovie. Et pour aggraver encore la situation, toujors selon M. Banon, les Américains (en application du testament politique de Zbigniew BrzeziÅ„ski) refusèrent l’entrée de la Russie dans l’Union européenne, de même que la demande du Président Poutine d’intégrer l’OTAN. Ceci a précipité la Russie dans les bras de la Chine, à l’opposé de ce que vient de préconiser Henry Kissinger au Forum de Davos en appelant à rechercher une paix durable avec la Russie et d’éviter à tout prix de l’«humilier». Et M. Sehimi vient apporter une indication que d’aucuns dans le monde citent au sujet de la Russie qui est de la comparer à d’autres pays «moyens» comme l’Espagne ou l’Italie, etc. M. Banon réfute catégoriquement ces propos qui ne sont basés que sur le seul critère du PIB annuel, ce qui est une aberration totale. En effet, la Russie est autrement plus puissante grâce à de nombreux atouts que les autres pays n’ont pas :

• Un territoire très vaste. La Russie est le plus grand pays du monde en termes de superficie. 

• Des ressources naturelles immenses : gaz et pétrole. 

• Une production agricole très importante. 

• Une puissance militaire et scientifique. 

• Une balance commerciale excédentaire et un taux d’endettement nul. 

Donc, du point de vue géopolitique, la Russie est un pays de premier rang qu’il faut considérer comme tel. 

La mouvance islamiste comme facteur géopolitique 

En réponse à Mustapha Sehimi qui a orienté le débat vers le rôle de la «mouvance islamiste» et son «importance dans la réalité géopolitique mondiale», M. Banon rappelle le début de l’expansion des Arabes et des musulmans audelà de «Poitiers». Puis leur déclin qui a duré plusieurs siècles pour arriver à leur timide réveil que l’on constate aujourd’hui, mais qui est «exploité par la chose la plus facile qu’est la religion». Ce qui pose problème pour Gabriel Banon est l’exploitation qui est faite de la religion pour les ambitions des Hommes de tous bords. 

L’Afrique a-t-elle gagné en valorisation stratégique ? 

Par sa question sur l’Afrique, M. Sehimi offre à M. Banon d’une manière fluide et intelligente l’opportunité de brosser un tableau juste et réaliste sur la situation géopolitique de ce continent. D’abord, les lacunes, les faiblesses : le despotisme et l’incompétence, aux yeux de M. Banon, de certains dirigeants, la corruption endémique, l’absence de démocratie dans nombre de pays, etc. Mais surtout la fuite des énergies vitales : les jeunes qui partent faire des études à l’étranger et qui ne reviennent pas pour participer au développement de leurs pays riches et avec beaucoup de potentiel de progrès. Par ailleurs, il y a les menaces externes qui planent sur ce continent. Les puissance étrangères qui n’ont qu’un rêve : mettre la main sur les richesses et l’avenir de l’Afrique. La meilleure issue ? Le modèle de coopération marocain basé sur des relations gagnant-gagnant et des bénéfices partagés dans le cadre de relations Sud-Sud saines et équilibrées. Une vraie chance avec la puissance régionale qu’est devenue le Maroc. De cette manière, l’Afrique est en mesure de relayer la puissance chinoise à l’avenir.

Gouvernance et géopolitique

Enfin, et en excellent interviewer, M. Sehimi, dans le souci de tirer le maximum de profit de son entretien avec M. Banon, permet à celui-ci de conclure en revenant au thème principal : est-ce que dans la géopolitique, la gouvernance est possible et faisable ? Ce sur quoi M. Banon explique que la géopolitique est un instrument mis au service de la gouvernance. «On gouverne un pays dans l’intérêt de sa population». Et d’ajouter que des éléments viennent «perturber» cet état de fait qui sont l’intelligence artificielle et le climat. Et pour conclure, M. Banon affirme que la vraie puissance dans le monde d’aujourd’hui n’est autre que la démographie. «Tout est écrit dans la Bible, qu’est-ce qu’a dit Dieu ? Croissez et multipliez !» Les pays en déclin sont les pays qui ont un problème démographique, où la population vieillit et diminue (Japon, Allemagne, etc). Et pour revenir au tout début de l’entretien, M. Banon souligne encore une fois que «la géopolitique permet d’anticiper et de préparer la transition de la meilleure manière possible».

Le conseil de Gabriel Banon au tissu économique marocain

Lors de la séance de questions-réponses avec le public, M. Banon s’est adressé à la bourgeoisie marocaine, qui détient la clé de l’emploi, en lui prodiguant un conseil bien précis : encourager les jeunes Marocains qui ont terminé leurs études supérieures à l’étranger à revenir s’installer dans leur pays. À cet égard, M. Banon exprime son souhait de voir les responsables penser aux jeunes Marocains qui doivent trouver les mêmes opportunités en termes de rémunération et de plan de carrière que leur offrent certains pays étrangers pour qu’ils puissent revenir s’installer au Maroc à la fin de leurs études et participer au développement de leur pays. Et M. Banon de poursuivre en invitant les hommes d’affaires et la bourgeoisie marocaine à changer de comportement et à penser à l’intérêt général en aidant le gouvernement à améliorer la réalité de l’emploi au Maroc et à créer des projets viables et rentables.    

 

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