Une majorité gouvernementale imperturbable et unie face aux impondérables de la politique, telle est l’image que les trois chefs la composant se sont efforcés de véhiculer lors de la conférence de presse tenue mardi dernier à Rabat au siège du parti du Rassemblement national des indépendants (RNI) en début de soirée. C’est du moins ce que disaient les trois responsables dans leurs déclarations face aux représentants des médias. Car le langage de leurs corps, leurs gestuelles ainsi que les traits de leurs visages dénotaient de la complexité de la conjoncture et de l’absence de marge de manœuvre.
Alors que les journalistes s’attendaient à des annonces ou des initiatives visant à contrer la flambée des prix et à préserver le pouvoir d’achat des citoyens, Aziz Akhannouch, président du RNI et Chef du gouvernement, Abdellatif Ouahbi, secrétaire général du PAM, et Nizar Baraka, secrétaire général du Parti de l’Istiqlal, se sont contentés de rappeler les causes à l’origine de cette conjoncture difficile. Le Chef du gouvernement a difficilement tenté de convaincre en énumérant les efforts de l’Etat pour juguler la hausse des prix. «La majorité gouvernementale est consciente des attentes des citoyens et œuvre pour y répondre et pour honorer ses engagements et ses obligations à leur égard, notamment en matière de préservation du pouvoir d’achat. Je tiens à rappeler que le programme gouvernemental qui a été élaboré et présenté donne la priorité au volet social. Mais il ne faut pas oublier que le Royaume traverse une conjoncture difficile. Outre la hausse des prix du pétrole à cause du conflit russo-ukrainien, il y a la sécheresse et les conséquences de la pandémie de la Covid. Tout cela exerce une forte pression sur le budget de l’État», a souligné M. Akhannouch.
Très critiqué à l’égard du manque de communication de l’Exécutif, M. Akhannouch a affirmé que la majorité gouvernementale s’efforce d’informer le citoyen au moment opportun des programmes mis en œuvre pour améliorer ses conditions de vie. Abdellatif Ouahbi, secrétaire général du PAM, a choisi quant à lui de justifier l’incapacité du gouvernement à contrôler la hausse des prix par les politiques adoptées par les gouvernements précédents. «Ce gouvernement est en train de payer le prix des politiques et des choix adoptés depuis 10 ans et qu’il s’évertue à corriger», a-t-il déclaré. Pis encore, il n’a pas hésité à afficher son désarroi face à une conjoncture visiblement de plus en plus difficile à maîtriser. «Nous sommes tous victimes de cette pression due aux facteurs exogènes relatifs à la volatilité des prix sur le marché international et à la pandémie, mais nous tenons à rassurer les Marocains que ce gouvernement reste à l’écoute de leurs attentes et prête l’oreille à leurs revendications», note-t-il.
De son côté, le secrétaire général de l’Istiqlal, Nizar Baraka, a quasiment répété la même litanie. Adoptant les mêmes propos qu’Abdellatif Ouahbi, M. Baraka a déclaré que le gouvernement paye aujourd’hui le prix d’un lourd héritage légué par l’ancien Exécutif et que la majorité tente de «corriger» à travers la mise en place de politiques rectificatives. Universitaire et spécialiste des sciences politiques, Ahmed El Bouz trouve normal ce genre de justification venant de deux formations politiques (PI et PAM) qui étaient dans l’opposition lors de la législature précédente. «Je considère qu’il est de bonne guerre que les deux chefs du PI et du PAM critiquent le gouvernement précédent. Mais cela ne les exonère pas pour autant de leur responsabilité de trouver des solutions à la situation actuelle».
Selon beaucoup d’observateurs, cette sortie médiatique de la majorité gouvernementale aurait pu être l’occasion de s’adresser aux Marocains de manière responsable et qui respecte leur intelligence. Car se cacher derrière la conjoncture internationale ou l’ancien gouvernement, ce n’est pas le genre d’attitude susceptible de calmer les esprits et de redonner confiance aux ménages. Les citoyens s’attendaient à des mesures concrètes et à des initiatives pratiques à même d’alléger le fardeau de la hausse des prix qui obère leurs maigres bourses.