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Les inégalités sur le marché du travail décryptées par Éric Verdier, chercheur au CNRS

Dans cette interview, Éric Verdier, directeur de recherche émérite au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), jette la lumière sur les objectifs, les principaux résultats et les leçons tirées des cinq études qui ont été réalisées récemment par une équipe du CIDE (Consortium international de développement en éducation) dans le cadre d’un partenariat de l'Agence Millennium Challenge Account-Morocco (MCA-Morocco) avec l’Observatoire national du développement humain (ONDH) et le département de la Formation professionnelle (DFP). Ces études ont été menées au titre de la composante «Appui à l’amélioration du dispositif d’observation du marché du travail» déployée au titre de l’activité «Emploi» relevant du programme de coopération «Compact II», conclu entre le gouvernement du Royaume du Maroc et le gouvernement des États-Unis, représenté par Millennium Challenge Corporation (MCC).

Les inégalités sur le marché du travail décryptées par Éric Verdier, chercheur au CNRS

Le Matin : Les diagnostics du système d'information sur le marché du travail au Maroc révèlent que l’une de ses faiblesses majeures consiste en ce que la grande majorité des enquêtes existantes était assez peu valorisée et largement sous-exploitée. À quoi cette situation est-elle due, à votre avis ?

Éric Verdier : Plusieurs raisons contribuent à cette sous-exploitation des enquêtes statistiques relatives au marché du travail. Tout d'abord, malgré les progrès réalisés ces dernières années, l'accès à ces sources d'information reste difficile, notamment pour les chercheurs qui ont besoin de disposer de données individuelles (micro-données) – préalablement rendues anonymes – pour être en mesure de les exploiter en faisant usage des techniques quantitatives adéquates (modélisations économétriques, analyses factorielles, etc.).

Ensuite, contrairement à ce qui prévaut dans nombre de pays, le Maroc se caractérise par l’absence d'un conseil national de l'information statistique, rassemblant l'ensemble des parties prenantes du marché du travail (pouvoirs publics nationaux et locaux, syndicats de travailleurs, organisations d'employeurs et milieux économiques, ONG, etc.) et dont l'une des fonctions essentielles consisterait à favoriser l'expression des besoins en information afin d'éclairer les choix faits en matière de sources statistiques par les producteurs de données.
Enfin, ces difficultés d'accès aux sources existantes et ces désajustements plus ou moins avérés entre l'offre de données et les besoins des acteurs, tant publics que privés, incitent certains d'entre eux à tenter de se doter d'observatoires, plus ou moins opérationnels, en vue de répondre à leurs attentes. Un tel processus risque d’engendrer la balkanisation relative d’un système d'information sur le marché du travail pourtant déjà assez peu coordonné.

Pour y remédier, l’Agence MCA-Morocco a proposé, conjointement avec l’ONDH et le DFP, de soutenir une exploitation approfondie de ces sources statistiques, ce qui a donné lieu à cinq études. Qu'est-ce qui caractérise ces études et les distingue du point de vue de l’approche méthodologique adoptée ?

Ces cinq études se saisissent de processus socio-économiques dont chacun est d'une importance sociétale majeure : le décrochage scolaire et ses conséquences pour les jeunes concernés ; l’insertion professionnelle des jeunes au regard notamment de leurs niveaux d'études ; la segmentation du marché du travail ; les relations entre formations professionnelles et emplois au regard des risques de déclassement et de désajustement ; et enfin, les parcours d'accès à ces mêmes formations professionnelles.
Ces études ont comme caractéristique commune de s'appuyer sur des données longitudinales relatives à l'offre de travail, c'est-à-dire sur des informations permettant de retracer les trajectoires des personnes vis-à-vis du phénomène étudié. Or, si les trois premières études mobilisent le panel des ménages de l’ONDH interrogé à 5 reprises de 2012 à 2019, les deux autres études s'appuient sur des enquêtes d'insertion (à 9 mois) et de cheminement (à 36 mois après l'obtention du diplôme) des lauréats de la formation professionnelle, menées régulièrement par le DFP.

Pour les quatre premières études, des méthodes économétriques sophistiquées ont été mises en œuvre, permettant notamment de mesurer les impacts d'une caractéristique individuelle – telle la détention d'un diplôme de tel niveau – sur la situation professionnelle des personnes «toutes choses égales par ailleurs», c'est à dire en contrôlant, par exemple, le fait d'être issu d'une famille et d'un milieu social et culturel plus ou moins favorisé. La cinquième étude présente la spécificité de s'être massivement appuyée sur des données qualitatives issues de la réalisation d'une centaine d'entretiens à caractère biographique auprès de lauréats de la formation professionnelle.

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Les objectifs spécifiques de ces études ?

Éric Verdier : La motivation première de l'étude portant sur l'insertion tenait au manque de connaissances des formes et du processus de cheminement professionnel des jeunes, qu’ils aient été scolarisés ou non. Plus précisément, il s'agissait de savoir quelles relations se nouent entre le niveau d’éducation des jeunes et leur devenir en matière d’emploi ? Les jeunes diplômés marocains sont-ils vraiment fortement exposés au chômage ? À quelles difficultés se heurtent-ils pour en sortir ? En matière d’accès à l’emploi, quelles sont les spécificités des trajectoires des jeunes femmes, notamment au regard de la place occupée par l’inactivité ? Plus largement, quelle est l’ampleur des mobilités des jeunes à la sortie du système d’éducation et de formation ?
L’objectif assigné à l'étude relative au décrochage scolaire était double : déterminer conjointement les facteurs socio-économiques qui font augmenter le risque de décrochage, et les conséquences de ce dernier sur le devenir professionnel.

L'étude de la segmentation du marché du travail visait à rendre compte du devenir de l’ensemble des catégories socioprofessionnelles qui en sont parties prenantes, tant directement – les actifs – que potentiellement – les inactifs – et ainsi de dégager les ressorts de processus à l'origine de profondes inégalités sociales. Ensuite, au regard de leur qualité, cette étude a analysé la partition des emplois occupés par les Marocain(e)s, ainsi que son évolution au fil des sept années couvertes par les différentes vagues du panel des ménages de l’ONDH.
La mise à disposition, par le DFP, des données sur le devenir des lauréats de la formation professionnelle a permis de produire, grâce à l'étude sur les relations entre formations et emplois, des connaissances originales sur les phénomènes de désajustements tant verticaux (correspondance niveau d’éducation – niveau de l’emploi) qu’horizontaux (correspondance domaine de formation – domaine d’emploi) auxquels sont sujets ces diplômés.

Au travers de l'analyse statistique et biographique des parcours d'accès à la formation professionnelle initiale de ses lauréats, il s'agissait de rendre compte des conditions sociales, éducatives, institutionnelles et familiales qui conduisent des jeunes à s'orienter vers cette filière et les multiples spécialités qu'elle recouvre, en s'efforçant de documenter leur cheminement depuis l'arrêt de leurs études générales jusqu'à leur insertion sur le marché du travail.

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Quels sont les principaux résultats des trois études réalisées avec l’ONDH ?

• De l'observation des transitions sur le marché du travail des jeunes âgés de 15 à 29 ans entre 2012 et 2019, deux premiers constats se dégagent : (i) les jeunes sont de plus en plus souvent en emploi au fur et à mesure que le temps passe, et cela d’autant plus que leur niveau de diplôme augmente : la relation éducation-emploi est donc positive ; (ii) les jeunes sont de moins en moins au chômage au fur et à mesure que le temps écoulé depuis la fin de leur formation augmente : la relation expérience du marché du travail – emploi est, elle aussi, positive : autrement dit, la qualité des premières étapes de l'insertion s'avère assez déterminante.

Plus précisément, cinq trajectoires types ont été identifiées : 1) L’inactivité après la fin des études, trajectoire la plus fréquente (40% de l’ensemble), rare pour les jeunes hommes (6%), mais très majoritaire chez les jeunes femmes (72%) ; 2) L’accès à des emplois sans couverture sociale et à des emplois indépendants, soit des trajectoires fréquentes (18%) avec peu de chômage, rassemblant plutôt des jeunes ayant terminé leurs études depuis plusieurs années (31% des garçons et 5% des filles) ; 3) La stabilisation dans l’emploi salarié avec couverture sociale : des trajectoires peu fréquentes (8% des hommes et 3% des femmes) ; 4) L’accès différé à l’emploi après du chômage ou de l’inactivité représente 10% des trajectoires (17% des garçons et 3% des filles) qui concernent des jeunes ayant le bac, vivant en milieu urbain et issus de ménages aisés actifs occupés ; 5) L’accès à l’emploi indépendant après des emplois d’aide familial ou de salarié sans couverture sociale, soit 10% des trajectoires (21% chez les hommes et 1% des filles).

Comme le suggère cette typologie, en matière d’insertion, le genre est le critère le plus clivant (les jeunes femmes ont peu de perspectives d’emploi) devant le niveau de diplôme (détenir le brevet collégial, et plus encore, le baccalauréat ou un diplôme supérieur, favorise l’accès à l’emploi salarié doté d'une couverture sociale et c'est particulièrement net pour les femmes). Vient ensuite le milieu de résidence puisque le fait de vivre en ville, toutes choses égales par ailleurs, améliore nettement l’accès à l’emploi, direct ou différé. Enfin, le niveau de richesse de la province ou la situation du marché du travail local sont aussi des facteurs qui influent sur les trajectoires individuelles : lorsqu’ils sont faibles, les risques de chômage, persistant ou récurrent, s'en trouvent clairement accrus.

• Sous l'effet des politiques visant à généraliser l'éducation de base lors des années 2000 et au-delà, la non-scolarisation et le décrochage avant la fin de la scolarité obligatoire reculent sensiblement, mais sans que leur structure par sexe évolue : deux tiers sont des femmes et trois quarts sont des jeunes ruraux. Plus précisément, si le décrochage au cours du cycle primaire baisse d’un peu plus du tiers, l’arrêt des études en dernière année de ce cycle ne diminue pas. Outre le genre et le milieu de résidence, les difficultés rencontrées au fil du parcours scolaire (distance à l’école, redoublements), ainsi que le contexte familial et social (niveau d’études du chef de ménage, taille et niveau de vie du ménage), constituent autant de facteurs qui modulent le risque de décrochage. Un abandon avant l’entrée au collège pénalise durablement les jeunes sur le marché du travail. Ainsi, un décrochage précoce compromet l’accès à l’emploi, mais chaque étape franchie dans le système scolaire améliore significativement les perspectives professionnelles des décrocheurs.

• L'analyse des trajectoires individuelles observées à 5 reprises de 2012 à 2019 révèle que 4 principaux segments structurent le marché du travail marocain : 1) «Les femmes au foyer» (47,9%, sachant que les données du panel de l’ONDH classent la plupart des aides familiales de l’agriculture dans l’inactivité), qui n’ont pas ou peu de diplômes. Elles n’arrivent que très difficilement à changer de situation à cause notamment des contraintes domestiques et du manque de qualification. 2) «Les travailleurs instables» (25,6%) sont avant tout des hommes détenant des diplômes de niveau moyen ou faible ; ils sont pour la plupart des salariés sans couverture maladie, des aides familiaux et des chômeurs ; ils touchent des revenus très faibles. 3) «Les salariés assurés» (13,8%), sont composés aux trois quarts d’hommes, détenant généralement des diplômes de niveau élevé et résidant, pour la plupart, en milieu urbain ; ils bénéficient des plus hauts revenus. 4) «Les indépendants» (12,5%) sont à 97% des hommes ayant un niveau d’éducation souvent bas (environ la moitié n’ont aucun diplôme) et percevant un peu moins que le revenu moyen global.

L'analyse de la partition des emplois révèle la prégnance des situations d’emploi les plus précaires (2/3 des emplois en 2019, dont seuls 10% bénéficient d'une protection). Symétriquement, la strate rassemblant les emplois protégés (essentiellement des cadres et employés vivant dans le monde urbain et travaillant dans les secteurs secondaire et tertiaire – plus particulièrement, dans l’administration publique) ne pèse que moins d’un quart des actifs occupés, mais elle est en expansion modérée depuis 2012. Quant aux transitions et mobilités observables entre segments et strates, deux principaux phénomènes ressortent : une forte «inertie» de l'appartenance à une strate d'emploi ou à un segment du marché du travail, le maintien dans l’état initial prévalant sur toute autre situation ; un accès limité au segment des emplois de qualité (salariés assurés ou emplois protégés).

Qu’en est-il des principaux résultats des deux études menées avec le DFP ?

• Au bout de trois ans, 49% des lauréats de la formation professionnelle de 2016 estiment occuper un emploi correspondant totalement à leur domaine de formation, 25% jugeant que l’emploi ne correspond que partiellement à celui-ci. Par ailleurs, 21% des diplômés sont déclassés du point de vue statistique (c'est-à-dire qu'ils occupent un emploi de niveau inférieur à l'emploi modal – prédominant compte tenu des pratiques des employeurs) des individus de même niveau de diplôme. Un taux similaire de déclassement résulte d'une approche fondée sur un indicateur subjectif d’utilisation des compétences dans le cadre des emplois occupés. Par contre, en termes de déclassement normatif – avéré si le niveau de l’emploi occupé ne correspond pas à celui attendu au regard des normes sociales en vigueur dans l’espace sociétal –, le taux est bien plus élevé (36%). Cette étude révèle donc l’existence de phénomènes de désajustement vertical et horizontal, le premier étant plus marqué. Ce sont davantage des hommes et des diplômés de niveau technicien spécialisé qui cumulent les deux formes de désajustement.

• Les parcours d'accès à la formation professionnelle sont lourdement marqués par les difficultés scolaires antérieures, toutefois à un degré moindre dans le cas des Techniciens spécialisés. En outre, l’orientation vers tel ou tel domaine de formation résulte beaucoup plus des conseils – plus ou moins informés – venant des entourages familiaux et amicaux que des dispositifs institutionnels. C’est fatalement une source supplémentaire d’inégalités. En outre, dans plus de la moitié des cas individuels analysés, une ou plusieurs années ont séparé la scolarité initiale de l’entrée en une formation professionnelle et cette période a été majoritairement dévolue à une activité professionnelle, souvent entrecoupée de phases de chômage.
En outre, dans plus d’un cas sur deux, cette formation professionnelle n’est pas la seule ressource en capital humain à compter dans le cursus des individus. En effet, elle a été soit précédée, soit prolongée par une autre formation professionnelle ou encore, elle a été doublée d’une reprise d’études générales. Une telle réussite peut d’ailleurs ouvrir la possibilité d’une plus ambitieuse poursuite d’études professionnelles que celle initialement envisagée.
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Les constats communs aux cinq études

Éric Verdier : D'un point de vue transversal à ces cinq études, deux phénomènes particulièrement saillants sont à relever. Il s'agit, tout d'abord, de la confirmation du caractère structurant, pour ne pas dire déterminant, des différences de genre qui portent en elles de puissantes inégalités au regard de l’accès à l’emploi et plus largement du fonctionnement du marché du travail. À cet égard, l’inactivité féminine est-elle une fatalité sociétale, source majeure d’inégalités ? Comme on l’a vu, la ressource susceptible de contrebalancer cette fatalité est manifestement le niveau d’éducation et de diplôme, dont l’impact commence à être significatif au-delà des études collégiales. Le second phénomène a trait au fait que les trajectoires individuelles sont l'objet d’intenses dépendances d’état résultant de forts déterminismes sociaux, qui brident l'émergence d'opportunités de mobilité ascendante !
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Quelles sont les leçons tirées de ces études pour l’action publique à engager en matière d’emploi ?

Étant donné qu'une telle réflexion appartient fondamentalement aux différentes institutions publiques concernées et à l'ensemble des partenaires du marché du travail, les préconisations suivantes sont données à titre indicatif et préliminaire. Dans l’ensemble des études, le niveau d’éducation joue un rôle significatif pour la qualité de l’accès à l’emploi, et en particulier pour l’emploi salarié disposant d'une couverture sociale. Avec un âge de fin d’études le plus fréquent autour de 11 ans, le décrochage avant l’entrée au collège s'impose encore comme un enjeu fondamental pour le système éducatif marocain. À cet égard, il est recommandé de poursuivre l’effort en faveur de l’éducation, notamment des jeunes femmes. En particulier, l’accès généralisé à l’enseignement préélémentaire pourrait atténuer le désavantage des enfants et jeunes issus des milieux défavorisés. Pour le risque de non-scolarisation ou d’abandon précoce, les jeunes ruraux éloignés des établissements scolaires, et en premier lieu les jeunes femmes rurales, sont les plus vulnérables et les bénéficiaires les plus appropriées de mesures d’encouragement à la scolarité et de soutien scolaire. Au-delà, compte tenu de leur exposition au chômage et à leur très grande difficulté à accéder à l'emploi décent, un accompagnement précoce et renforcé à l’entrée en emploi des jeunes au bagage scolaire inexistant ou limité s'avère être nécessaire pour atténuer l'emprise de la segmentation du marché du travail.

Plus généralement, la qualité des expériences durant les toutes premières années de vie active après la fin des études s’avérant cruciale pour l'avenir professionnel des différentes catégories de jeunes sur le marché du travail marocain, une intervention publique très ciblée en matière d’accompagnement vers l’emploi, notamment de ceux qui ont le moins de ressources familiales pour y accéder, en veillant à corriger des disparités spatiales importantes, est indispensable, notamment à l'égard des jeunes femmes très souvent inactives dès lors qu'elles ne disposent pas d'un niveau d'éducation supérieur au cycle qualifiant.
Pour faire face aux obstacles qui brident l'emploi féminin, les politiques publiques doivent intervenir de diverses manières, notamment sous l’angle des incitations à l’activité (campagnes de sensibilisation, aides à la garde des enfants, développement d’un pré-primaire moderne et de qualité, etc.) et d’un dispositif d’accompagnement spécifique des femmes en recherche d'activité pour leur permettre d’exprimer et de résoudre plus aisément les difficultés particulières qu’elles rencontrent sur le chemin vers l’emploi ou pour éviter qu’elles ne se retirent de l’emploi et du marché du travail afin de faire face aux enjeux de l’éducation de leurs enfants.

Par ailleurs, des efforts intenses devraient être consentis en termes d’information, d’accompagnement et de formation pour rompre le cercle vicieux des emplois de mauvaise qualité et/ou informels dans lequel sont enfermés les actifs situés dans le segment précaire. Il faudrait également veiller à outiller un dispositif de valorisation et de reconnaissance des compétences acquises dans l’exercice d’activités informelles dont les analyses ont montré qu’elles pouvaient constituer un tremplin pour sortir de la précarité et dont les effets positifs sur les trajectoires pourraient ainsi être plus rapides et plus intenses.

Il conviendrait également d’imaginer des aides à la sécurisation des parcours professionnels des actifs occupant des emplois relevant du segment le mieux protégé. L’accès à la formation continue est un levier significatif du maintien ou du développement des compétences qui permet de réduire les risques de perdre son emploi et/ou de rester au chômage de façon prolongée. Mais, il serait également utile de développer l’accès à une information et un conseil sur l’évolution des emplois et des compétences, de manière à aider les actifs à mieux anticiper les changements auxquels ces salariés sont susceptibles d'être confrontés.

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Les leçons tirées des études relatives à la formation professionnelle

Éric Verdier : L’analyse des parcours d'accès à la formation professionnelle des lauréats de cette filière conduit à formuler diverses recommandations spécifiques en matière d’action publique :
• En particulier pour les premiers niveaux de diplômes, tels que la Spécialisation et la Qualification, il ressort que les stagiaires ont des difficultés à suivre les cours en français. Or, la langue est une ressource fondamentale dans l’acquisition et la transmission des connaissances. Elle devrait être au centre des préoccupations pédagogiques. Le recours aux nouvelles technologies de l’information et de la communication pourrait-il contribuer à la réalisation de cet objectif ?

• La fréquente perception négative des stages devrait pousser à leur évaluation régulière par les stagiaires et par les formateurs, en relation étroite avec les maîtres de stage, moyennant une grille d’évaluation partagée (nature des tâches effectuées – adéquates, pénibles, secondaires, voire humiliantes –, compétences acquises, interaction théorie-pratique, etc.).

• Le cheminement vers la formation professionnelle n’est pas clairement balisé : se fait jour un déficit de communication institutionnelle et une prédominance des relations interpersonnelles en tant que vecteur principal d’information et de conseil en vue de s’orienter vers la formation professionnelle et de tel ou tel de ses filières, ce qui est source d’inégalités. Aussi, n’importerait-il pas de mettre en place des dispositifs d’accueil et de réorientation qui soient à même de motiver ou de remotiver les jeunes engagés en formation professionnelle dans de telles conditions ?
• Il s’avère qu'une part significative des lauréats de la formation professionnelle a connu une double transition sur le marché du travail, l’une préalablement à l’entrée en formation professionnelle, l’autre postérieurement. Ne faudrait-il pas en tenir compte dans l’organisation de l’accès à la formation professionnelle, notamment en expérimentant des processus de validation de l’expérience acquise préalablement par les futurs lauréats ?
 

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