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Recherche académique sur l'histoire du Maroc : l'avis de Jessica Marglin

Figure montante de l'histoire des religions, Jessica Marglin parle au «Matin» de son intérêt pour les Juifs du Maroc et de leur insertion dans la société musulmane.

Recherche académique sur l'histoire du Maroc : l'avis de Jessica Marglin
Jessica Marglin.

Le Matin : Dans quelles conditions avez-vous commencé à vous intéresser à l’histoire du Maroc et ses communautés juives ?

Jessica Marglin
: J'ai commencé à étudier l'histoire du Maroc et sa population juive alors que je faisais mes études de licence à Harvard. C'est là que j'ai rencontré le Dr Susan Miller, une experte renommée de l'histoire du Maroc et de ses communautés juives. Sous la direction de Mme Miller, j'ai commencé à me familiariser avec l'historiographie du Maroc et les sources permettant d'étudier l'histoire des Juifs dans ce pays.

Sur quelles sources vous êtes-vous appuyée pour mener vos recherches ?

Pour mon premier livre (Across Legal Lines : Jews and Muslims in Modern Morocco), récemment traduit en arabe, je me suis appuyée sur des sources juridiques, c'est-à-dire des documents émanant des tribunaux de la charia (ou «chraâ» dans l’arabe dialectal marocain), aussi bien que les correspondances entre des fonctionnaires du Makhzan chargés des affaires juridiques – principalement ceux qui travaillaient dans le ministère des Plaintes (wizarat al-chikayat). Toutes ces sources sont en arabe, bien sûr. Je me suis également servie de sources provenant des tribunaux rabbiniques, principalement en hébreu (avec quelques-unes en judéo-arabe, ou, pour celles du nord du Maroc, en judéo-espagnol [Hakétia]).

Quelle est votre appréhension générale des rapports entre juifs et musulmans au Maroc ?

C'est une question à laquelle il est difficile de répondre en termes généraux, mais je crois que beaucoup de forces facilitaient l'interaction entre juifs et musulmans au Maroc dans l'époque contemporaine. Pour moi, c'est surtout le droit qui a permis aux juifs de s'intégrer dans la société musulmane du Maroc, puisque le droit sert de base au commerce, qui était l'une des principales formes de relations entre les juifs et les musulmans. La connaissance du droit islamique permettait aux juifs non seulement de fréquenter les tribunaux de chraâ, mais aussi d’entrer dans le monde de négoces avec leurs voisins musulmans. Et les relations qui ont peut-être été initiées grâce au commerce ne se limitaient pas à cela. Les juifs créaient des associations (avec un contrat juridique qui suivait les exigences de la charia) avec les musulmans. J’ai même trouvé qu’un juif connu comme marchand à Fès, Shalom Assarraf, a été nommé comme «wakil» (représentant) des musulmans devant les tribunaux de chraa.

Pourquoi avez-vous choisi les Juifs de Fès comme sujet de thèse (Ph.D) ?

En fait, c'était une sorte de coïncidence. J'ai découvert une collection privée de documents juridiques qui appartenait à une famille juive de Fès, et c'est la collection la plus complète de ce genre de documents que je connaisse. J'ai donc décidé d'organiser toute la thèse autour de cette famille et de cette communauté, en tant qu'exemples des juifs du Maroc qui fréquentaient les tribunaux de chraâ.

Parlez-nous de vos rapports avec l'Académie du Royaume du Maroc et avec l’Institut Royal pour la recherche sur l'histoire du Maroc, ainsi que de vos projets scientifiques ?

J’ai eu l’occasion d’intervenir dans un colloque organisé par l’Académie du Royaume du Maroc en 2019 en hommage au Dr Haïm Zafrani. S'agissant du premier colloque organisé par l’Institut Royal pour la recherche sur l’histoire du Maroc – depuis que j'en ai entendu parler –, je suis vraiment honorée d'y participer. Bien sûr, je suis au regret de ne pas pouvoir y assister directement (à cause d'Omicron et de la fermeture des frontières), mais notre époque offre l'avantage de participer à distance.

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