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Justice sociale pédagogique : un bilan mi-figue mi-raisin

Les enfants ou jeunes scolarisés doivent avoir accès aux mêmes ressources et avoir les mêmes chances d’apprentissages quelle que soit leur situation. Cependant, et malgré les efforts consentis par toutes les parties prenantes, ce droit n’est pas encore acquis par toute la communauté estudiantine. «L’équité éducative est un devoir régalien et sur ce sujet, l’État n’a pas été au rendez-vous d’une éducation inclusive pour tous», avertit Jamal Belahrach, président Zakoura Education, qui relève cependant quelques signaux verts. Décryptage.

Justice sociale pédagogique : un bilan mi-figue mi-raisin
La promotion de l’enseignement numérique est une des alternatives pour remédier à certaines contraintes comme l’encombrement dans les classes.

La Journée mondiale de la justice sociale célébrée tous les 20 février représente une occasion pour revenir sur des thèmes liés à des enjeux majeurs comme «La justice sociale pédagogique». L’occasion aussi de s’interroger sur les problèmes auxquels fait face l’école marocaine, en général, et l’école publique, en particulier, notamment les inégalités dans l’éducation et leurs répercussions sur la vie sociale et la vie scolaire des enfants et des jeunes apprenants. «Les inégalités scolaires ont un coût pour le pays. Il y a d’abord le coût de la non-émancipation et celui du faible accomplissement de l’individu. Elles ont un effet sur l’échec scolaire, le redoublement et le décrochage. Elles nourrissent les frustrations, exposent les laissés pour compte de l’école à la vulnérabilité et à la marginalisation pouvant ainsi conduire à la délinquance et à la violence», avait signalé le Conseil supérieur de l'éducation, de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS) dans son rapport «Une école de justice sociale». L’enjeu est d’approfondir la réflexion pour trouver des solutions aux différentes difficultés qui guettent l’école publique marocaine.

Dans cette perspective, le rapport national sur les performances des élèves marocains à partir des données de l’enquête PISA 2018 (Programme for International Student Assessment), présenté, il y a quelques jours, lors d’un atelier organisé par l’Instance nationale d’évaluation relevant dudit Conseil, préconise de redoubler d’efforts pour garantir l’égalité des chances à l’école. À cette occasion, Amina Benbiga, chef de projet à l’INE-CSEFRS, a mis l’accent sur l’importance de l'inclusion scolaire et de l’éducation pour tous, quel que soit le milieu social ou territorial des enfants ou jeunes scolarisés. Ces derniers doivent avoir accès aux mêmes ressources et avoir les mêmes chances d’apprentissages quelle que soit leur situation.

L’enquête énumère plusieurs obstacles qui touchent le milieu scolaire marocain, susceptibles de creuser les inégalités d’apprentissage ou de performance. On cite comme exemple, le taux du redoublement qui demeure très élevé : «49% des élèves marocains ont redoublé au moins une fois durant leur cursus scolaire». Un taux qui est encore supérieur parmi certaines catégories, notamment les élèves désavantagés sur les plans socio-économique et culturel et ceux scolarisés dans des établissements publics ou ceux situés en milieu rural. «Un élève scolarisé en milieu urbain performe mieux que son pair scolarisé en milieu rural». Pis encore, «plus de la moitié des élèves marocains appartiennent à la catégorie des plus de favorisés alors que seule une faible minorité (1%) se situe dans la catégorie des plus favorisés», fait savoir l’étude. Autre élément qui favorise ce déséquilibre est lié au manque, voire une inadéquation des ressources humaines et matérielles. Ce manque est plus perceptible au niveau des établissements relevant du secteur public ou encore au niveau des écoles composées majoritairement par des élèves désavantagés. En qui concerne l’accès aux ressources TIC, le constat est flagrant. «Les élèves et enseignants dans les établissements publics, ruraux ou désavantagés sur le plan socio-économique ont moins accès aux ressources TIC», avertit Mme Benbiga.

Ces conclusions doivent nous interpeller et nous inciter à redoubler d'efforts en vue de trouver des réponses appropriées. Contacté par le journal «Le Matin» une source sûre au sein du ministère de l'Éducation nationale, du préscolaire et des sports a affirmé qu’«une batterie de mesures a été adoptée pour réduire les inégalités entre le monde rural et urbain. Depuis septembre 2021, on compte 226 écoles communautaires, l’une des réponses du ministère à la promotion de l’enseignement dans le monde rural. Rappelons qu’une convention a été signée lundi dernier dans ce sens entre le ministère et ses partenaires européens portant sur la création de 150 écoles communautaires». Les efforts consentis concernent également la mise en place des écoles satellitaires. «On dispose également de 13.000 écoles satellitaires (des classes à multiniveaux) pour permettre aux enfants qui habitent dans des zones désenclavées de bénéficier d’un apprentissage dans un souci d’équidé et d’égalité des chances». Notre source insiste sur le fait que le département de Chakib Benmoussa ne ménage aucun effort pour réduire les écarts entre les deux mondes et notamment à travers la mise en place d’équipements de nouvelles technologies au profit des établissements scolaires. Des partenariats sont, en effet, conclus pour promouvoir l’enseignement numérique, comme solution aux défis actuels de l’inégalité des chances en faveur d’une justice sociale pédagogique. «La promotion de l’enseignement numérique est une des alternatives pour remédier à certaines contraintes comme l’encombrement dans les classes, le manque de ressources humaines et matérielles, l’abandon scolaire notamment parmi les filles rurales…», conclut notre source.
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Questions à Jamal Belahrach, président Zakoura Education

«L’éducation de la petite enfance ne s’improvise pas, car il s’agit de l’avenir de notre Nation»

Même si le taux de scolarisation a augmenté de façon non négligeable, le débat sur «La justice sociale pédagogique» reste ouvert. Qu’est-ce que vous en pensez ?
L’éducation est une question régalienne majeure pour les pays, car elle conditionne l’avenir d’une nation et le contrat social qui en découle s’agissant de l’équité éducative en tout point du territoire. Cela n’est pas un scoop que de constater que nous avions failli sur cette question au Maroc. Toutefois, il faut constater que depuis que Sa Majesté le Roi a érigé ce sujet en priorité nationale, les choses évoluent dans le bon sens. De plus, la nomination de Chakib Benmoussa est un excellent signe pour les parties prenantes. Il va nous falloir du temps pour arriver à résorber notre déficit éducatif et redresser le bilan qualitatif, mais le train est en marche et ne peut et ne doit pas s’arrêter.

Pourquoi, à votre avis, les inégalités scolaires en milieu rural se sont-elles perpétuées jusqu’à ce jour ?

Cette situation n’est pas nouvelle et ce n’est pas qu’un problème de moyens. L’équité éducative est un devoir régalien et sur ce sujet, l’État n’a pas été au rendez-vous d’une éducation inclusive pour tous. En ce qui concerne notre Fondation, depuis 25 ans, nous nous sommes concentrés sur le rural exclusivement pour contribuer modestement à atténuer cette fracture éducative. Grâce au travail de nos équipes, nous avons plutôt bien réussi. Cette réussite nous a permis de faire partie des acteurs de la généralisation du préscolaire dans le cadre du programme piloté par l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH). Aujourd’hui, les résultats sont là. Le taux de préscolarisation se situe à 73%, et bientôt il atteindra les 80%. La stratégie du ministère de l'Éducation nationale, du préscolaire et des sports va également renforcer cette pénétration dans le rural. Cela démontre que la prise de conscience est là et que les moyens sont mis en œuvre et nous ne pouvons que souscrire à cette volonté politique et y contribuer.

Beaucoup s’accordent à dire que la pandémie a exacerbé les inégalités éducatives surtout en milieu rural. Partagez-vous le même constat ?
Il est clair que la pandémie a exacerbé cette fracture éducative. Les difficultés d’accès à la technologie de manière fiable ont limité l’accès à l’éducation 2.0 aussi bien pour les enfants que pour les éducateurs. Je pense que maintenant la courbe d’expérience est là et que l’accélération en profondeur de l’enseignement à distance va se développer, car ce n’est plus un choix, mais une nécessité absolue.

Quel plan d’action pour favoriser l'égalité des chances à l'école ?
Le plan est en marche comme je viens de le dire. Il reste néanmoins à mobiliser davantage tous les acteurs associatifs autour de l’État et les appuyer pour renforcer leur capacité à créer de la valeur. Le tier secteur tel que défini dans le NMD est clair. Un partenariat public tiers secteur devient un outil véritable d’accélération et de professionnalisation des acteurs de l’éducation et des acteurs sociaux. Car au-delà des statistiques, il y a la qualité et cela passe par des ressources humaines de plus en plus qualifiées. L’éducation de la petite enfance ne s’improvise pas, car il s’agit de l’avenir de notre nation.

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