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La littérature africaine, un condensé du monde ! (Tribune)

Arabophone, anglophone ou francophone, la littérature africaine est un condensé du monde. Cette phrase résume bien le foisonnement et la richesse de cette littérature qui a raflé tous les prix prestigieux en 2021. Polar, thriller ou roman, chaque genre a sa place et la terre natale est souvent source d’inspiration, la diaspora africaine comptant plusieurs écrivains restés attachés au bercail, à ses merveilles et à ses fantômes, écrit docteure Sabah Attab dans cette tribune à l'occasion du Salon du livre 2022 qui met à l'honneur la littérature africaine.

La littérature africaine, un condensé du monde ! (Tribune)

2021, une année faste pour la littérature africaine, les écrivains africains ont raflé tous les prix prestigieux !

L’année 2021 est une année faste pour la littérature africaine. Le monde découvre des noms et des talents hors pair, à l’image des diamants enfouis, découverts tout à coup pour révéler une splendeur et une beauté rare. Une première consécration à travers le prestigieux prix Nobel de littérature décerné à l’écrivain Abderrazek Gornah pour son œuvre littéraire. Ce Tanzanien écrivant en anglais vit en Angleterre. Il avait écrit plus de dix romans qui restent peu connus. Cette distinction suprême l’a définitivement inscrit en lettres d’or dans l’histoire littéraire africaine et mondiale.

Le Booker Prize, un autre prestigieux prix littéraire octroyé par l’Angleterre, est revenu à Damon Galgut, qui était deux fois finaliste en 2003 et 2010. C’est «The Promise», neuvième roman, qui a propulsé cet écrivain anglophone au faîte. Damon Galgut est le troisième écrivain sud-africain récompensé dans l'histoire du Booker Prize.

Dans la littérature francophone, le romancier sénégalais, Mohamed Mbougar Sar, auteur vivant en France est le premier écrivain d’Afrique noire à recevoir le prestigieux prix Goncourt pour son livre «La plus secrète mémoire des hommes». Interrogé sur son rapport à la langue française, le romancier explique : «C’est ma langue d’écriture naturelle et je suis très à l’aise avec cette idée-là, cela ne m’empêche pas de réfléchir aux autres langues que je pourrais utiliser à l’avenir pour écrire. J’écrirai un jour en sérère qui est ma langue maternelle du Sénégal ou en wolof qui est aussi une langue du Sénégal. Pour l’heure, je suis à l’aise avec cette idée d’écrire en français, symboliquement, politiquement. Cela ne m’empêche pas de voir ce que cette langue charrie comme passé, mais je refuse de ma laisser définir par cette histoire-là. On écrit en présence de toutes les langues (…)»

Boubacar Boris Diop, écrivain sénégalais, francophone de 75 ans, est récompensé lauréat du Neustadt International Prize for Literature. Ce prix littéraire américain référencé comme le prix Nobel américain est ouvert aux écrivains du monde entier afin de consacrer les talents et le mérite littéraire exceptionnels.

Cet alignement des astres offre la meilleure visibilité à une littérature, restée longtemps sous-représentée dans le palmarès des prix littéraires, une littérature peu lue et souffrant d’un déficit en termes de diffusion, de lectorat et d’institutions littéraires.

Les écrivaines africaines, patrimoine et mémoire

Le patrimoine oral jouit d’une aura exceptionnelle dans la culture et la civilisation africaine. Les conteurs et notamment les conteuses forment des relais entre les espaces d’évasion, de l’imagination et celui de l’éducation. Cette littérature orale constitue pour plusieurs écrivains le sol où a germé la graine de l’amour «d’écouter et de raconter les histoires» comme le révèle le lauréat du Goncourt et auteur de «La plus secrète mémoire des hommes», Mohamed Mbougar Sarr, dans un hommage sincère et ému rendu principalement à des femmes, «autrices» dans l’ombre et qui lui ont passé le flambeau de la passion des mots. Qui sont alors les héritières des conteuses ?

Citons des noms consacrés qui ont connu un succès littéraire, marquant ainsi l’histoire littéraire de l’Afrique et de l’Europe. Le Renaudot octroyé à la Ruandaise Scholastique Mukasonga pour son roman «Notre-Dame du Nil» paru en 2012. Huit ans plus tard, la Camerounaise Djaili Amadou Amal était l’heureuse gagnante du prix Goncourt des lycéens français en 2020 pour son roman «Les impatientes». Une première dans la littérature africaine après le Goncourt décerné à Leila Slimani en 2016 pour le roman «Chanson douce».

La Nigériane Himamanda Ngozi Adichie est l’une des voix anglophones qui s’illustrent dans l’écriture des autrices africaines. Dnas son ouvrage «Americanah» (2013), avant de rencontrer un franc succès et avant de s’imposer comme l’un des grands noms de la littérature anglophone, l’écrivaine revenait sur ses premiers pas dans l’écriture et les refus qu’elle essuyait : «J’étais préparée à essuyer l’indifférence : les agents avaient été tellement nombreux à m’expliquer en rejetant le manuscrit que le Nigeria n’intéressait personne».

En Afrique du Nord, au Maghreb, les écrivaines opèrent une révolution dans l’univers littéraire d’abord, par le nombre de publications, ensuite, par le succès que remportent leurs œuvres. Ghita El Khayat, Mouna Hachim, Loubna Serraj, Nouzha Guessous, Bahaa Trabelsi, Souad Jamai sont quelques-uns des noms qui écrivent l’histoire littéraire empreinte d’un engagement pour les causes de la femme comme thématique majeure.

Les genres littéraires comme miroir de la société

Dans le cursus universitaire littéraire ou le programme scolaire au secondaire marocain, les écrivains africains sont, certes, présents aux côtés des classiques français ou du patrimoine littéraire universel, toutefois, cette littérature gagnerait à plus de présence dans les manuels. Le recueil en prose «Cahier d’un retour au pays natal», du poète martiniquais Aimé Césaire, «L’Aventure ambiguë» de l’écrivain sénégalais Cheikh Hamidou Kane ou encore «L’enfant noir» de l’écrivain guinéen Camara Laye comptent parmi les œuvres littéraires classiques les plus connues.

Quels sont les genres littéraires qui dominent dans la Littérature africaine ?

La littérature qui n’est que le pouls de la société voit croître des ouvrages qui disent ses souffrances, ses dérives et ses folies. C’est ce qui explique l’engouement pour le polar en Afrique du Sud. Des écrivains tels Roger Smith, Mike Nicol, Deon Meyer, Marli Roode et Michèle Rowe décrivent les conflits, les tensions raciales, l’apartheid, les bandes criminelles, les quartiers gangrénés par la vente des stupéfiants et des gangs, les violences sous toutes leurs formes. Le polar connaît un grand succès et le thriller a de beaux jours devant lui.

À Dakar, au Sénégal s’est tenu en 2000 le premier festival Polar où «Les Enquêtes du commissaire Habib» de l’écrivain malien Moussa Konaté reflètent cette réalité africaine dominée par la culture des traditions et l’ambition de la modernité.

En Afrique du Nord, au Maghreb, ce sont d’autres tendances littéraires, liées à d’autres cultures et à d’autres réalités. Le roman est l’avatar du réel. Les écrivain(e) marocain(e)s sont à l’écoute de leur société, reproduisant grâce aux multiples possibilités qu’offre l’écriture un miroir de réalité sociale, politique, historique... la littérature maghrébine francophone, arabophone et s’illustrent dans les prestigieux rendez-vous littéraires, le dernier en date est le Booker Prize du roman arabe 2022 octroyé à l’écrivain libyen Mohamed Naasse pour son premier roman «Du pain sur la table de l’oncle Milad» ou encore l’écrivaine Loubna Serraj, lauréate du Prix orange pour le livre d’Afrique en 2021 pour son roman «Pourvu qu’il soit de bonne humeur».

La terre natale, source d’inspiration

L’Afrique a des écrivain(e)s vivant loin du sol, mais «près du cœur». La diaspora africaine comptant plusieurs écrivain(e)s rqui estent attachés au bercail, à ses merveilles et à ses fantômes. En effet, la terre natale des écrivain(e)s demeurent pour plusieurs leur source d’inspiration. Le dernier en date est le roman finaliste du Goncourt du premier roman 2022, «La poule et son cumin» de la Marocaine Zineb Mekouar, où l’espace de l’intrigue est situé au Maroc, à Casablanca, tout comme les romans de Fouad El Aroui, Tahar Ben Jelloun, Mustapha Ami, Leila Slimani, Safia Azzeddine…

Pour le prix Nobel, décerné à Abdurazak Gurnah, le jury a salué l’«Analyse pénétrante et sans compromis des effets du colonialisme et du destin des réfugiés écartelés entre cultures et continents». L’écrivain qui vit en Angleterre raconte les tourments liés à l’immigration et à l’exil et voyage à travers la géographie de Zinzibar.

À la réception du prix Goncourt, Mohamed Mbougar Sarr dit avoir une pensée d’abord pour sa famille, restée au Sénégal, ses maîtres d’école, sa famille et ses amis. Son roman «La Plus Secrète mémoire des hommes» est inspiré de l’histoire du premier écrivain africain, le Malien Yambo Ouologuem, qualifié de «Rimbaud nègre», à recevoir le prix Renaudot, honneur qui se transforme en drame suite à des accusations de plagiat.

La situation du personnage principal du roman de Mohamed Sarr, «La Plus secrète mémoire des hommes», Siga D. écrivaine exilée illustre cette situation de l’écrivain africain de la diaspora tiraillé entre son quotidien et l’appel des racines.

«“Élégi pour nuit noire” fut le début du malentendu de Siga D. avec sa société. Il persiste. Il s’est creusé. Siga D. n’est jamais revenue chez elle. Je crois qu’elle mourra sans jamais y retourner. Mais toute son œuvre, même si elle a trouvé d’autres scènes, d’autres images, d’autres passions, porte en son cœur celles de son pays.»

Par Sabah Attab, docteure en littérature française

 

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