La zone Maghreb devra connaître à l’avenir un déficit de précipiâ tations marqué par des sécheâ resses plus étendues et plus intenses. C’est ce qui ressort d’un article scientiâ fique sur l’analyse statistique des préâ cipitations à long terme au Maghreb, publié en anglais par trois chercheurs : Adil Salhi de l’Université Abdelmalek Essaâdi, Sara Benabdelouahab et Javier MartinâVide de l’Université de Barâ celone. Cette étude, dont l’objectif est d’analyser les tendances dans le moâ ment et l’intensité des précipitations au Maghreb pour caractériser les schémas et explorer les associations posâ sibles avec les facteurs géographiques, révèle des changements «significaâ tifs» dans le calendrier et l’intensité de ces précipitations. Elle a constaté que les précipitations sont canalisées sous l’effet orographique des chaînes montagneuses de l’Atlas et du Rif, puis selon le gradient latitudinal (continenâ talité). Ces deux facteurs déterminent donc spatialement l’abondance des précipitations et la durée des périodes sèches selon un axe dominant NordSud qui est cohérent avec la transiâ tion entre le climat méditerranéen au Nord et le climat désertique tropical au Sud, indiquent les auteurs de cette recherche.
La forte concentration journalière en dehors des chaînes montagneuses (Nord, Est et Ouest) met en évidence l’importance des effets orographiques (relatifs aux montagnes) et maritimes (Atlantique et Méditerranée) comme sur le versant oriental de la Tunisie, face au bassin méditerranéen central, où les valeurs les plus élevées de l’indice de concentration journalière sont trouvées, notent-ils. De ce fait, concluent-ils, le nord des chaînes montagneuses est favorisé par des précipitations abondantes avec une faible disparité interannuelle, mais contraintes par une tendance statistique négative et des perturbations fréquentes. La conséquence est un déficit de précipitations attendu marqué par des sécheresses plus étendues et plus intenses.
Les chercheurs ont fait appel à deux indices dans leur analyse : indice des jours de précipitations significatives (The days of significant precipitation – DSP) soit le décompte annuel des jours où les précipitations dépassent le seuil de 10 mm et indice des jours de précipitations extrême (The days of extreme precipitation – DEP) pour les jours où les précipitations dépassent le seuil de 50 mm.
L’indice DSP permet de mieux différencier les zones de précipitations selon le schéma de déficit et considère l’impact de l’arrosage sur la végétation et l’augmentation de la réserve hydrologique. Cet indice montre un décalage temporel intra-annuel du nombre de jours de précipitations importantes (≥10 mm) sur les 12 dernières années selon un décalage net de 2 à 7 quinzaines par rapport au cœur de la saison des pluies (décembre-janvier).Ce décalage temporel est spatialement plus important dans les lieux d’abondance en dehors des ceintures de montagnes, relève la recherche. Simultanément, on observe une diminution de l’intensité du DSP en hiver (19%) et une augmentation au printemps (8,7%) et en été (9%). Ce qui signifie, est-il expliqué, que les précipitations importantes seront plus intenses, mais retardées et dispersées en dehors de la saison des pluies selon un caractère perturbé prévu et non séquentiel dans les lieux d’abondance.
Des aléas hydroclimatiques répétitifs et des dégâts intenses
Les chercheurs ont noté que des simulations récentes suggèrent une augmentation de la récurrence des événements de précipitations intenses en Méditerranée occidentale. Ce qui est conforme, soulignent-ils, à leurs conclusions qui précisent, par ailleurs, que le nombre de ces événements (DSP et DEP) est le facteur qui prédomine sur le comportement pluviométrique de l’année. En d’autres termes, la variation de 2 ou 3 jours de précipitations importantes (≥10 mm) par an détermine si l’année sera humide ou sèche. À cela s’ajoute, poursuivent-ils, le retard par rapport à la normale de plusieurs semaines dans l’apparition des DSP et leur prépondérance en dehors des ceintures de l’Atlas et du Rif (Nord, Est et Ouest) où se situent les principales zones agricoles et les côtes densément peuplées. «Par conséquent, les comportements pluviométriques marqués par un régime de sécheresse intra-annuel prolongé et échelonné (même pendant les années humides) auront des impacts écologiques et socio-économiques profonds», conclut la recherche. Selon les années, poursuit-elle, le Maghreb est susceptible de faire face à des aléas hydroclimatiques répétitifs (dégâts intenses liés aux processus d’alimentation rapide et de dégradation des sols ou à la perte de biodiversité et de disponibilité en eau) qui, dans tous les cas, compromettront le développement économique.