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Industrie agroalimentaire : Le Maroc futur champion régional ? (IMIS)

Le Maroc pourrait faire de son industrie agroalimentaire, à l’horizon 2030, un nouveau fer de lance de sa souveraineté alimentaire, de son économie et de ses échanges commerciaux avec le reste du monde. Sécurité, intégration, durabilité et innovation constituent à cet égard les piliers d’une vision rénovée. C’est la conclusion principale d’un Policy Paper publié par l’Institut marocain d’intelligence stratégique qui explique comment y parvenir. Détails.

Industrie agroalimentaire : Le Maroc futur champion régional ? (IMIS)
La nouvelle vision à concevoir pour le secteur pourrait se concrétiser à travers un ensemble d’axes stratégiques, se traduisant pas des projets intégrateurs et à forte valeur ajoutée sur toute la chaîne de valeur, de l’amont à l’aval.

À l’horizon 2030, le Maroc pourrait faire de son industrie agroalimentaire un nouveau fer de lance de sa souveraineté alimentaire, de son économie et de ses échanges commerciaux avec le reste du monde. Sécurité, intégration, durabilité et innovation constituent à cet égard les piliers d’une vision rénovée. C’est la conclusion principale d’un Policy Paper intitulé «Industrie agroalimentaire le Maroc futur champion régional ?», publié par l’Institut marocain d’intelligence stratégique (IMIS). Cette réflexion est venue en réaction à «l’un des grands paradoxes de l’économie marocaine : le Royaume, pays à vocation agricole et grand exportateur de produits alimentaires, est considéré par l’Organisation mondiale du commerce comme un importateur net de ces derniers». Cette ambivalence s’explique en grande partie, notent les auteurs de ce travail (Ahmed Azirar, économiste, coordinateur de recherches à l’IMIS, Aicha Kortbi, consultante en agro-industrie et Ahlam Mohammadi, professeure à l'Université Euromed de Fès), par le fossé entre l’amont et l’aval de la chaîne de valeurs.

En effet, expliquent-ils, «si la production agricole a été massifiée ces dernières années grâce notamment au Plan Maroc Vert1 et son successeur “Génération Green”, la transformation de la matière brute pour en faire un produit industriel ciblant à la fois le marché intérieur et les marchés internationaux n’est pas encore au rendez-vous». Et c’est précisément là que se niche la faille, comme l’ont souligné des responsables publics autant que des analystes consultés dans le cadre de ce travail de recherche, ont-ils souligné.

Pour y remédier, la nouvelle vision à concevoir pour le secteur pourrait se concrétiser, à l’horizon 2030, à travers un ensemble d’axes stratégiques, se traduisant par des projets intégrateurs et à forte valeur ajoutée sur toute la chaîne de valeur, de l’amont à l’aval, est-il noté dans ce document. «La réalisation d’investissements dans des chaînons nouveaux en partenariat avec l’Europe, les pays de la Méditerranée et l’Afrique étant un objectif et un moteur de changement visé», soulignent les auteurs, concédant que «capitaliser sur l’existant est évidemment un point de départ». Car, argumentent-ils, «la confiance dans l’apport et la complémentarité de la chaîne est totale, surtout que le nouveau plan agricole “Génération Green” vise la valorisation de 70% de la production agricole à l’horizon 2030, et ainsi l’augmentation substantielle de la valeur ajoutée nationale». Pour atteindre ces objectifs, l’IMIS, think tank généraliste consacré à l’étude des enjeux stratégiques du Maroc et au décryptage du positionnement complexe des acteurs de son environnement continental, estime que des contrats-programmes, comme celui passé avec les professionnels des industries agro-alimentaires, devront être rapidement scellés ou revus sur la base de nouveaux engagements.

Digitalisation, innovation et décarbonation : les leviers d’une nouvelle émergence

Une stratégie intégrée de traitement des effets de la crise, de relance du secteur apparaît nécessaire dans le contexte actuel, selon les chefs d’entreprises du secteur sondés par les auteurs de Policy Paper. Dans ces entretiens avec les opérateurs du secteur, trois axes sont avancés et se concentrent autant sur la relance des marchés que la restructuration de l’industrie. Pour les filières dont les produits sont destinés à l’exportation, ces professionnels préconisent de trouver des marchés alternatifs avec nécessité de diversification vers des produits nouveaux plus demandés. Pour les produits intermédiaires dépendant des importations, ils demandent de compenser l’augmentation des coûts (par la réduction des taxes à l’importation, l’assouplissement de la réglementation relative aux importations). Ils appellent aussi à remplacer les approvisionnements de l’extérieur par la production nationale (mise en place des incitations massives à la production et un soutien au développement des entreprises) ; réduire les prix pour augmenter la demande ; diversifier le marché et d’organiser des campagnes de marketing structurées.

Concernant les filières qui dépendent du marché intérieur des produits alimentaires de base, les opérateurs interrogés prônent de réduire les prix (effet fiscal et autres coûts), d’augmenter la protection contre les importations, diversifier les produits et monter en qualité, et enfin de promouvoir le produit local. Ces opérateurs sondés ont, par ailleurs, relevé une multitude de facteurs de risques qui devraient retenir l’attention des responsables du développement du secteur pour en faire une industrie économiquement rentable, socialement et écologiquement durable. Il s’agit globalement, énumère le document de 11 pages, des normes écologiques plus exigeantes, un retard de digitalisation, une compétitivité affaiblie par rapport à la concurrence, une R&D insuffisante, des compétences raréfiées par une formation insuffisante, des ressources de base plus coûteuses (eau, énergie, foncier, logistique et autres services à valeur ajoutée…), et une concurrence étrangère vive.

Les nouvelles opportunités du secteur agroalimentaire

Le Policy Paper note que les opportunités nouvelles existent donc, et s’ajoutent aux forces déjà avérées du Maroc et de son secteur agroalimentaire. Ces auteurs soulignent que «les complémentarités avec les industriels européens, eux-mêmes en changement stratégique majeur ainsi que le rattachement à des maillons avantageux subsahariens (cacao, fruits exotiques, bois…), peuvent drainer un flux important d’IDE et dynamiser les investissements nationaux dans des maillons à forte valeur ajoutée où la demande explose (fruits, légumes, produits bio…)». Le tout en investissant «fortement» dans de nouveaux leviers qui peuvent assurer cette nouvelle émergence, poursuivent-ils. Il en est ainsi de la digitalisation qui, perçue comme étant un outil majeur d’amélioration de la performance industrielle, «s’impose comme un levier d’amélioration de la productivité, notamment dans un contexte où l’enjeu de la diversification et de la conquête de nouveaux marchés est de plus en plus pressant». Le think tank insiste sur la nécessité du développement d’un «outil intelligent et agile, permettant de réaliser des gains de productivité et qui, par conséquent, soit en mesure de faire émerger de nouveaux acteurs, jeunes et femmes, et de structurer une nouvelle classe moyenne rurale et urbaine». Pour ce faire, les auteurs de ce Policy Paper estiment qu’il est ainsi primordial de faciliter l’accès de ces populations aux technologies nécessaires. En fait, ils considèrent le développement des compétences techniques et de gestion comme un élément essentiel pour la durabilité des chaînes de valeur.

Les entreprises, de toutes tailles, ainsi que les agriculteurs, relèvent-ils, sont confrontés à la nécessité d’acquérir les connaissances nécessaires dans le but d’accéder à l’innovation technologique, les marchés et les ressources financières, véritables ingrédients de succès. Surtout que, notent-ils, les opportunités qui s’offrent actuellement au Maroc sont différentes. On les trouve notamment, d’après eux, dans la filière des produits agroalimentaires bio, des plats cuisinés, de la culture hydroponique, des produits dits de santé faits à base de plantes aromatiques et médicinales, des produits halieutiques aussi bien frais que surgelés. À cet effet, ils jugent qu’il est indispensable à l’heure actuelle d’investir davantage dans la technologie, la R&D et dans l’innovation en vue de valoriser de plus en plus les ressources du pays. Et ce, d’autant plus que le contexte industriel mondial va évoluer dans le sens des relocalisations et vers de nouvelles exigences et normes sanitaires et environnementales. Ce qui oblige les entreprises agroalimentaires à placer les enjeux écologiques au cœur de leurs préoccupations. Le principal enjeu demeurant la recherche et l’introduction de gammes de produits qui soient à forte valeur ajoutée dans la base de production, tout en ayant le plus faible impact sur l’environnement.

Policy Paper relève que, en attendant l’application effective du plan national de décarbonation, les entreprises marocaines ont déjà commencé à prendre des mesures concrètes de modèles plus inclusifs et respectueux de l’environnement. Il relève que pour améliorer la compétitivité du secteur industriel marocain et renforcer son attractivité, particulièrement dans le nouveau monde post-Covid, la nouvelle stratégie industrielle (Plan d’accélération industrielle, allié à Génération Green, notamment), a pour objectif de systématiser la décarbonisation de la production industrielle nationale.

Ce qui ambitionne de positionner le Royaume comme base industrielle décarbonée et circulaire, à travers la mobilisation d’une partie de ses énergies renouvelables au service d’un ancrage industriel propre. Il note aussi que, «s’il y a un aspect que la crise de la Covid-19 a fortement souligné, c’est bien l’importance de la maîtrise de la data et la nécessité du déploiement d’un marketing intelligent». En fait, est-il relevé, la non-connaissance des clients et la non-maîtrise des réseaux de distribution occasionnent des pertes énormes pour le secteur marocain. «L’étape la plus urgente nécessaire à la montée en chaîne se situe à ce niveau», martèlent ces auteurs. Les professionnels espèrent ainsi que l’observatoire créé puisse constituer un point focal de mutualisation des actions des opérateurs industriels, des responsables territoriaux, des chercheurs universitaires et de l’administration. «Sur ce plan, c’est le pays dans sa globalité qui est concerné», conclut Policy Paper.

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