La guerre russo-ukrainienne introduit un nouveau bouleversement économique. Selon notamment leur degré d’éloignement, de dépendance, de robustesse post-pandémie, les pays s’apprêtent à être très diversement affectés par ce nouveau choc. Mais aucun n’échappera à l’accélération de l’inflation, sous l’influence de la très forte augmentation des prix des matières premières, de nouvelles ruptures dans les chaînes d’approvisionnement et de risques de pénuries. C’est ce qui ressort d’une nouvelle étude publiée par le groupe Crédit Agricole France. Ce dernier prévoit désormais une inflation moyenne de 6,7% dans le monde et de 9% en Afrique et Moyen-Orient en 2022. Au Maroc, l’inflation accélérerait cette année, après 1,4% en 2021, mais à un niveau beaucoup moins élevé, soit 3,1%. En 2023, elle devrait rebaisser à 2,1%. C’est pratiquement ce scénario qui a poussé le Conseil de Bank Al-Maghrib, en mars dernier, à maintenir inchangé le taux directeur.
En effet, selon le wali de la Banque centrale, le retour prévu de l’inflation à des niveaux modérés en 2023 (à 1,9%, après 4,7% en 2022) était l’une des données majeures qui ont favorisé le maintien du taux directeur à 1,50%. Selon l’étude de Crédit Agricole France, le Maroc sera parmi les pays les moins inflationnistes en 2022 et 2023, comparé à une moyenne de 6,2% et 3,4% prévus pour les pays industrialisés et de 7,2% et 4,4% pour les économies émergentes, durant la même période. Au niveau régional, l’inflation au Maroc devra être la plus faible en Afrique du Nord cette année et l'année prochaine, comparée à l'Égypte (10,1% en 2022 et 8,2% en 2023) l'Algérie (9,1% puis 7,3%) ou encore la Tunisie (8,1% et 5,8%). Pour le groupe bancaire français, l’impact standard de la hausse d’un point d’inflation est estimé à une perte d’un demi-point de croissance du PIB. Le principal canal de transmission est la baisse du pouvoir d’achat des ménages.
Pour le Maroc, le groupe prévoit une hausse de 3,9% du PIB. Il est donc plus optimiste que le scénario établi en mars dernier par Bank Al-Maghrib. La banque centrale table, en effet, sur une croissance atone de 0,7%, pâtissant des conditions climatiques particulièrement défavorables, des répercussions du conflit en Ukraine sur l’économie mondiale et du renchérissement des prix des produits énergétiques et alimentaires. Rappelons là aussi que les prévisions de BAM seront également révisées. Car, sur le plan de la campagne agricole, elles n’ont pas tenu compte des dernières pluies de mars-avril et les cultures printanières. En 2023, la croissance devrait ralentir à 3,7%, selon les estimations des économistes de Crédit Agricole France. Selon eux, la guerre russo-ukrainienne introduit globalement une rupture majeure dont les effets immédiats se diffusent au travers de trois canaux principaux : la confiance en constituant une source d’inquiétudes, l’offre en provoquant des pénuries avérées ou anticipées, la demande en stimulant l’inflation.