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Les causes environnementales à l'origine de 18% de la morbidité et la mortalité au Maroc (Bigdeli)

Pour la représentante de l’Organisation mondiale de la santé au Maroc, Maryam Bigdeli, la relation entre crise climatique et crise sanitaire n’est plus à démontrer. Le réchauffement climatique pourrait selon elle causer la réémergence de certaines maladies. Elle explique ainsi que le Maroc, qui est fortement engagé dans l’action en faveur du climat, n’est pas épargné. «Les estimations de l’impact environnemental sur la santé au Maroc datent d’il y a plusieurs années. Le poids des causes environnementales sur la morbidité et la mortalité est estimé à 18%», affirme-t-elle dans un entretien accordé au «Matin».

Les causes environnementales à l'origine de 18% de la morbidité et la mortalité au Maroc (Bigdeli)
Maryam Bigdeli

Le Matin : La Journée mondiale de la santé, célébrée le 7 avril, est axée cette année sur l’accès à un air pur, à l’eau et à la nourriture pour le bien-être. Pourquoi ce choix ?

Maryam Bigdeli : On parle beaucoup du réchauffement climatique et il y a beaucoup de manifestations dans le monde entier pour sensibiliser à cette crise planétaire. L’OMS veut attirer l’attention sur le fait que cette crise climatique est aussi une crise sanitaire. Par exemple, un monde en proie au réchauffement climatique, c’est un monde où les maladies véhiculées par les insectes se propagent plus loin et plus vite. Ceci peut vouloir dire la réémergence de certaines de ces maladies dans les pays où elles ont été éradiquées. Les tempêtes, les inondations et les autres phénomènes météorologiques extrêmes provoquent des décès immédiats, mais aussi un impact à moyen et long terme sur les populations qui sont touchées. La crise climatique provoque un stress hydrique, une dégradation des terres, un déficit de production de denrées consommables, et qui entrainent à leur tour un déplacement de populations. Cela a un effet sur la santé des populations déplacées, mais impacte également les systèmes de santé des pays qui accueillent ces populations.
On estime le coût des dommages directs pour la santé entre 2 et 4 milliards de dollars par an d’ici 2030, et ceci exclut les coûts dans les secteurs déterminants comme l’agriculture. Et malheureusement, les zones enclavées, qui n’ont pas de bonnes infrastructures de santé ou d’autres services de base, seront les plus touchées, alors que, paradoxalement, elles participent le moins à la pollution et à la dégradation de l’environnement. C’est donc une crise qui, comme toutes les crises, va renforcer les iniquités déjà existantes et creuser les fossés entre les populations. La Journée mondiale de la santé est un moment de plaidoyer auprès des décideurs et aussi une occasion de sensibiliser le grand public aux questions essentielles qui affectent la santé des individus et des populations. Cette thématique est critique aujourd’hui, car le monde doit se relever de la crise de la Covid-19, mais nous devons le faire en construisant mieux.

Selon les estimations de l’OMS, chaque année, plus de 13 millions de décès dans le monde sont imputables à des causes environnementales évitables. Que pensez-vous de la situation au Maroc ?

Les estimations de l’impact environnemental sur la santé au Maroc datent d’il y a plusieurs années. Le poids des causes environnementales sur la morbidité et la mortalité est estimé à 18%. Mais au-delà de ces chiffres qu’il faudrait actualiser, nous savons que le Maroc est un pays très engagé depuis fort longtemps dans l’action en faveur du climat. Il a accueilli la COP 22 en 2016 à Marrakech, immédiatement après l’Accord de Paris. Le Royaume se positionne comme précurseur dans les politiques des énergies renouvelables, dans la lutte contre le changement climatique et également dans les bonnes pratiques agricoles. Le Maroc a rehaussé son ambition en matière de réduction des gaz à effet de serre à plus de 45% en 2030 et s’est inscrit dans un agenda de neutralité carbone. Les efforts du Maroc ont été consacrés par son élection à la présidence de la sixième assemblée des Nations unies pour l’environnement.
De nombreux éléments sont donc déjà en place au Maroc et en premier lieu la volonté politique, exprimée à maintes reprises et encore une fois dans le Discours Royal lu par le Chef du gouvernement lors de la COP 26. Le nouveau modèle de développement est aussi un engagement national sur la voie de la durabilité. Il reste à faire les bons choix au niveau opérationnel et investir dans la santé dans toutes les politiques, avec des actions à impact positif sur la santé dans tous les secteurs : développement urbain, transports, développement industriel, etc. Il faut aussi sensibiliser les citoyens à adopter un comportement qui favorise leur santé individuelle et la santé de la planète.

Pour rompre les cycles de destruction de la planète et de la santé humaine, l’OMS appelle à agir sur le plan législatif, à réformer les entreprises et à soutenir et encourager les individus à faire des choix sains. Quelles seraient les actions prioritaires à accomplir, selon vous, dans le cas du Maroc ?

Il y a beaucoup d’actions qui sont déjà en cours, comme le travail régulatoire sur les normes de pollution de l’air, ou d’autres polluants environnementaux comme le plomb contenu dans les peintures. Il faut aussi noter le travail législatif sur la taxation des boissons sucrées qui participe également à renforcer un cercle vertueux dans le système alimentaire. Les exemples sont nombreux. Il est important d’identifier des passerelles pour une action gouvernementale intégrée en matière de santé environnementale, afin que tous les secteurs soient concernés par l’impact de leurs activités sur la santé, un impact qui devrait être mesurable à intervalles réguliers pour qu’on puisse évaluer les progrès réalisés. Il faut aussi inciter le monde industriel à adopter des modes de production respectueux du développement durable, et bien sûr les soutenir dans cette transition avec des outils, des formations et des ressources. Et enfin, il faut sensibiliser les personnes à s’occuper non pas seulement de leur santé individuelle, mais à adopter les bonnes habitudes pour la santé de la collectivité et de l’environnement dans lequel elles vivent.

L’OMS et le Maroc ont signé en mars 2017 la stratégie de coopération pour la période 2017-2021. Quel est le bilan de cette coopération ?

Nous venons de terminer l’évaluation externe de cette coopération afin de nous engager, avec notre partenaire privilégié, le ministère de la Santé et de la protection sociale, dans l’élaboration de notre prochain cadre de coopération 2022-2026. Le bilan est globalement positif. L’évaluation a mis en exergue le rôle stratégique de l’OMS pour appuyer la génération, la transmission et l’application des connaissances à travers des modalités qui présentent une réelle valeur ajoutée tant dans le contexte national qu’au niveau global. Outre le rôle normatif de l’organisation, notre avantage comparatif est dans la gestion des connaissances et des réseaux, le plaidoyer et une expertise technique pointue.

Il y a quelques jours, le ministère de la Santé avait annoncé la fin de la vague «Omicron», pensez-vous, dans ce contexte, que la campagne de vaccination doit se poursuivre avec le même enthousiasme ?

Nous avons récemment mis à jour notre plan de riposte global à la pandémie. Ce plan a deux objectifs : en finir avec la phase aigüe de la crise et donner des orientations stratégiques pour l’avenir de la préparation aux crises. Pour répondre au premier objectif, cinq axes de travail sont envisagés et doivent être développés de façon intégrée. La vaccination en fait partie. Dans de nombreux pays, on constate un rebond de l’épidémie avec différents variants. La vaccination reste une approche efficace pour protéger la population contre les formes les plus graves de la maladie et éviter de nombreux décès. Son efficacité a été prouvée dans la gestion des dernières vagues de transmission.

Le Maroc a fait le choix de devenir un «hub continental» d’approvisionnement, de fabrication et de distribution de vaccins anti-Covid-19. Est-ce que c’est suffisant pour renforcer la souveraineté sanitaire du Maroc ?

C’est en tout cas une autre manifestation de l’approche visionnaire du Maroc dans la gestion de la crise de la Covid, avec une anticipation qui a été de mise en place depuis le début de la crise et continue à porter ses fruits. Ce n’est évidemment pas suffisant pour assurer la souveraineté sanitaire qui dépend d’un certain nombre d’autres facteurs comme la production de médicaments essentiels, mais également la recherche ou le financement pérenne. Mais c’est un grand pas et un excellent exemple pour de nombreux autres pays.

Entretien réalisé par Brahim Mokhliss
 

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