Après deux longues années de restrictions sanitaires très éprouvantes, les Marocains savourent enfin le retour à une vie normale (ou presque) suite au ralentissement de la pandémie Covid-19 ces dernières semaines. Plus de couvre-feu, plus d’interdictions de voyage et surtout d’obligation du port du masque de protection. Bien que les scientifiques recommandent de rester vigilant et de continuer à appliquer les gestes barrières, très peu de personnes le font. Mais si la majorité des Marocains se réjouissent de ne plus être obligés de porter le masque, cette situation laisse un goût amer chez les sociétés qui s’étaient lancées dans leur fabrication et qui ont investi massivement pour répondre aux besoins liés à la pandémie.
Contacté par nos soins, Mohamed Boubouh, président de l’Association marocaine des industries du textile et de l'habillement (AMITH), affirme que ces sociétés n’ont d’autres choix aujourd’hui que de revenir à leurs activités initiales. «Dès le déclenchement de la pandémie Covid-19 en 2020, de nombreuses entreprises textiles se sont converties dans la fabrication des masques de protection. Plusieurs unités industrielles ont immédiatement entamé la production pour répondre au besoin national. Mais tout le monde sait que cette activité qui a été créée dans une période de crise allait s’arrêter une fois le besoin couvert et la pandémie terminée. Maintenant que les Marocains utilisent de moins en moins les masques et que la production est au ralenti, ces sociétés vont toutes revenir à leurs activités de base», explique M. Boubouh. Ce dernier précise, par ailleurs, qu’il n’y a pas de sociétés qui ont été créées spécialement pour la production de masques en tissu et qu’il leur suffit de s’adapter à cette nouvelle conjoncture.
Des machines non amortiesDe son côté, Taoufik Nahed, directeur de développement du groupe Conmedic spécialisé dans la fabrication et la commercialisation des dispositifs médicaux, assure que plusieurs équipements sont à l’arrêt, vu la faiblesse de la demande et l’abondance de l’offre sur le marché. «Depuis fin 2021, l’activité et la demande des bavettes ont enregistré un fort recul dû notamment à la baisse de la virulence du coronavirus et l’allègement des mesures d’obligation du port du masque. Les stocks d'État ont été constitués et le grand public en utilise de moins en moins. Au niveau de nos unités industrielles, nous n’avons que trois lignes qui tournent sur sept actuellement. On est loin de l’activité intense de l’an dernier et de l’année d’avant», souligne M. Nahed. Et d’ajouter qu’«au plus fort de la crise sanitaire, notre usine tournait à plein régime, nuit et week-end, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Nos machines sont toutes neuves, les lignes ont été achetées pendant la crise, et aujourd'hui elles sont au ralenti, nous n’avons même pas eu le temps de les amortir».
Le directeur de développement du groupe Conmedic regrette cette situation, car des investissements «de plusieurs millions de dirhams» ont été consentis, non seulement en machines mais aussi en formation et recrutement. «Les efforts que nous avons fournis en termes de recrutement et de formation de centaines de personnes sont partis en fumée. Nous avons d’ailleurs été contraints de diminuer le nombre d’opérateurs à cause de la baisse de la demande. Nous savions forcément qu'il y avait un “effet Covid” temporaire, mais nous pensions quand même qu'il y aurait une certaine pérennité, une volonté d'entretenir des stocks notamment nationaux, mais ce n'est pas le cas aujourd'hui. Nous étions là pendant la crise pour soutenir notre pays et pour répondre au besoin national très urgent à l’époque. L'État devrait nous garantir un accompagnement durant la phase transitoire», déclare Nahed.
Ce dernier souligne, par ailleurs, que ce qui irrite particulièrement les fabricants de masques, c’est qu’ils soient confrontés à des concurrents informels et clandestins. Cette concurrence «illégale» a un grand impact sur leur activité, certains sont même obligés de fermer. «Sans nous, acteurs nationaux, et sans la promotion de l’activité locale, le Maroc n’aurait pas pu survivre à la crise du Covid-19, nous avons contribué aux côtés des fabricants d’appareils à oxygènes, de lits de réanimation, d’équipements médicaux, de blouses… aux résultats dont l’État est fier aujourd’hui, et nous méritons par conséquent une simple reconnaissance, ne serait-ce qu’en nous aidant à continuer sur notre lancée et en nous accompagnant à prendre ce nouveau virage de l’économie post-Covid. Nous estimons que cela est un droit légitime après le sacrifice et la mobilisation dont nous avons fait preuve», argue-t-il.
Merci à la diversification !«Heureusement pour nous, nous avons devancé partiellement la problématique, grâce à notre expertise, à notre capacité d’adaptation et à notre plan de développement, en élargissant notre gamme de production par d’autres types de masque (masque de protection respiratoire industriel, masque de protection respiratoire médical, matériau filtrant MELT BLOWN, etc.). Nous avons aussi investi dans d’autres gammes de produits du secteur des dispositifs médicaux (gants, seringues…), avec une vision approfondie sur l’orientation “Made in Morocco”», développe le directeur de développement de Conmedic.
Les sociétés peuvent encore se rabattre sur l'export. Mais là aussi, la demande baisse.