La problématique de la migration juvénile, ses causes, la protection des mineurs migrants non accompagnés, le rôle du Comité des droits de l'enfant... autant de questions abordées lors d'un séminaire international organisé conjointement par le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) et le Center for Global Studies relevant de l’Université internationale de Rabat. «Les enfants et adolescents migrants sont devenus un des enjeux du débat public sur les migrants dans de nombreux pays et un objet des politiques publiques à leur égard», a indiqué le président du CCME, Driss El Yazami en ouverture de ce séminaire placé sous le thème «Mineurs en mouvement : dynamiques, politiques publiques et droits». Revenant sur le naufrage d’une petite embarcation survenu le 1er novembre 1988 au large des côtes espagnoles, précisément au large de Tarifa, qui avait coûté la vie à plusieurs mineurs, M. El Yazami a indiqué que c'est ce drame qui a déclenché ce débat public et qu'au niveau européen, un nouveau concept juridico-politique de «mineurs non accompagnés» ou «mineurs étrangers isolés» a été forgé à partir de 1997, sur lequel de nombreux chercheurs se sont penchés. Et de souligner que «cette problématique n’a cessé de faire l’objet d’une couverture médiatique intense, de vifs débats politiques, d’instrumentalisations partisanes et de crises diplomatiques.
Outre les enfants, premiers concernés, et leurs familles, de plus en plus d’acteurs sont directement ou indirectement impliqués : gouvernements, collectivités territoriales, associations, organes des droits de l’Homme des Nations unies, organisations intergouvernementales». Les collectivités territoriales, d’après le président du CCME, se trouvent à cet égard en première ligne : «Ainsi, ce sont les communautés autonomes en Espagne, les départements en France et les municipalités en Italie qui ont en charge pour l’essentiel l’élaboration et la mise en œuvre des politiques de protection des enfants», explique-t-il, ajoutant que «cette configuration leur confère une grande responsabilité et pose de grands défis, alors que les politiques nationales mises en place à l’égard des enfants semblent en permanence tiraillées entre logiques de contrôle des flux migratoires et respect des droits de l’enfant tels qu’édictés par le droit international». Le chercheur et responsable de l’Observatoire des migrations des mineurs «Migrinter» (relevant de l’Université de Poitiers), Daniel Sinovilla Hernandez, s’est penché de son côté sur l’émergence de cette notion de mineurs non accompagnés.
Tout en rappelant que ce phénomène était déjà présent au début du XXe siècle, avec par exemple des mouvements d'exode de mineurs arméniens, italiens ou espagnols (après la fin de la guerre civile) vers la France, le chercheur va faire remarquer que ce phénomène ne va faire l'objet de médiatisation qu’au début des années 1990. Une médiatisation qui mettra en évidence le vide juridique qui prévalait en relation avec cette forme de migration, dit-il. M. Sinovilla a précisé qu'à partir de cette date, des textes juridiques dissociés commenceront à voir le jour et que le Conseil de l'Europe adoptera en 1997 une résolution non contraignante pour répondre à un contexte où la présence d'enfants migrants non accompagnés se fait de plus en plus sentir en Europe. En ce qui concerne la situation actuelle, le chercheur a indiqué que dans de nombreux pays européens, et pour exister juridiquement, le mineur migrant est tenu de déposer une demande d'asile, faisant savoir que c'est la société civile qui se substitue souvent aux autorités pour gérer la crise de l'accueil de ces mineurs et assurer leur protection. Le psychologue et anthropologue italien Francesco Vacchiano s’est arrêté, lui, sur les raisons des migrations juvéniles.
Sur la base de témoignages recueillis auprès de mineurs migrants, M. Vacchiano fait ressortir que les facteurs poussant les mineurs à immigrer se rapportent fréquemment aux conditions précaires de leurs familles, aux expériences et aux perceptions d'isolement et de marginalisation au niveau social, au sentiment d'inutilité, au désir de rédemption sociale, à l'échec scolaire, aux problèmes liés aux familles monoparentales ou recomposées, etc. Le psychologue et anthropologue italien estime également que ce phénomène de migration juvénile est présent dans tous les contextes où l’écart entre ambitions et opportunités offertes est très prononcé.
La membre du Comité des droits de l’enfant des Nations unies Hynd Ayoubi-Idrissi a affirmé, quant à elle, que «la persistance de la migration des enfants doit nous interpeller». Évoquant la Convention relative aux droits de l'enfant, Mme Ayoubi-Idrissi a souligné que ce texte, adopté il y a 30 ans, est un instrument dynamique qui évolue et s'adapte aux nouveaux défis. Selon elle, c'est principalement l'application de l'article 22 de cette Convention, qui incite les États parties à accorder protection et assistance humanitaire aux enfants qui cherchent à obtenir le statut de réfugié, qui pose problème. La raison ? De nombreux pays refusent de se baser sur des documents d'identité pour définir l'âge de mineurs qui ont l'air d'être des adultes et procèdent à des examens osseux dont les résultats ne sont pas fiables, ce qui revient à les priver des droits stipulés dans ladite Convention, dont l'article premier stipule qu’«un enfant s'entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable».
