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Mustapha Sehimi : «En s’obstinant à boycotter les négociations, l’Algérie sort du cadre fixé par le Conseil de sécurité»

Pour le politologue Mustapha Sehimi, l’envoyé personnel du SG de l’ONU, Staffan de Mistura, ne peut que prendre en considération les développements qu’a connus le dossier du Sahara marocain depuis le départ de son prédécesseur, Horst Köhler, il y a plus de 30 mois. Il s’agit notamment de la reconnaissance américaine de la pleine souveraineté du Maroc sur ses provinces du Sud, l’ouverture de quelque 24 consulats à Laâyoune et Dakhla et surtout la dernière résolution du Conseil de sécurité. M. Sehimi ajoute que la tournée de M. de Mistura tentera de relancer les négociations, précisant que c’est dans la capitale du pays voisin de l’est qu’il doit faire le point sur la position des officiels de ce pays à propos du processus de règlement et de ses conditions et modalités. Le politologue rappelle à cet égard que l’Algérie, si elle s’obstine à rejeter la participation aux pourparlers, risquera de se mettre à dos la communauté internationale. «Le ministre algérien des AE avait déclaré, au lendemain de l’adoption de la Résolution 2602, le 29 octobre dernier, que son pays ne validera pas la formule de la table ronde des quatre parties et s’est prononcé pour des négociations directes entre le Maroc et le mouvement séparatiste», explique M. Sehimi, précisant que ce faisant «l’Algérie sort du cadre fixé par le Conseil de sécurité et prend une lourde responsabilité – de quoi aggraver son isolement».

Mustapha Sehimi : «En s’obstinant à boycotter les négociations, l’Algérie sort du cadre fixé par le Conseil de sécurité»

Le Matin : Plus de 30 mois après la démission de Köhler, M. de Mistura tente de relancer les négociations. Qu'est ce qui a changé entre temps ?
Mustapha Sehimi :
Effectivement, le précédent envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU, l’allemand Horst Köhler, avait démissionné le 22 mai 2019 pour des «raisons de santé». Ce poste est ainsi resté sans successeur jusqu’à la désignation, deux ans et demi après, du diplomate Staffan de Mistura, le 6 octobre dernier, par Antonio Guterres. Il a pris officiellement ses fonctions le 1er novembre suivant. Depuis, il a multiplié les contacts pour appréhender les multiples aspects de la question nationale. Il a en particulier rencontré, en décembre, en marge d’une conférence inter-méditerranéenne à Rome, des représentants officiels du Groupe des Amis du Sahara (Espagne, États-Unis, Russie, France, Royaume-Uni). C’est vous dire qu’il a mesuré l’évolution enregistrée à propos du dossier du Sahara marocain, notamment sur les points suivant :
• La prééminence de l’initiative marocaine du 11 avril 2007, présentée au Conseil de sécurité, dans toute recherche d’une solution à ce conflit artificiel. Toutes les résolutions du Conseil de sécurité depuis quatorze ans ont réaffirmé, de manière continue, leur soutien à la proposition marocaine, la qualifiant de «sérieuse, crédible et réaliste». Pour le Royaume – et c’est réaffirmé par le Souverain dans les discours du 6 novembre 2020 et 2021 commémorant la Marche Verte –, le Maroc est pour «un règlement pacifique», mais sans aucune négociation ni concession sur son intégrité territoriale ni sur sa souveraineté sur les provinces méridionales récupérées.

• Ce qui a changé, en termes diplomatiques, c’est aussi la reconnaissance américaine, le 10 décembre 2020, de la souveraineté du Maroc sur ses provinces sahariennes. C’est là une donnée majeure qui repose, en des termes décisifs, les termes de référence de cette question. Nos partenaires en Europe ou en Afrique, ne peuvent évacuer ce paramètre. Et nul doute qu’à terme, il y aura des réajustements à cet égard. Dans cette même ligne, il faut noter un autre élément nouveau qui a trait à l’ouverture de pas moins de 24 consultas à Laâyoune et à Dakhla.
• Le changement regarde également la formule négociatrice. Entré en fonctions en août 2017, Horst Köhler avait réussi à jeter la base d’un processus de négociation après quelque dix ans d’immobilisme. Il avait ainsi rallié les parties à la formule de tables ronde réunissant le Maroc, l’Algérie, la Mauritanie et le mouvement séparatiste. C’est là un format inédit : l’Algérie est partie prenante à part entière, alors qu’elle défendait auparavant son «statut d’observateur», en tant que pays voisin au même titre que la Mauritanie. À Genève, s’étaient ainsi tenues deux tables rondes (décembre 2018 et mars 2019). Il était prévu un troisième rendez-vous au début de l’été, mais il n’a pas eu lieu du fait de la démission de Horst Köhler.
• Enfin, le dernier changement a trait à la Résolution 2602 adoptée par le Conseil de sécurité le 29 octobre 2021. Ce texte est venu conforter les acquis réalisés par le Royaume dans le dossier du Sahara marocain lesquels – il faut le souligner – n’ont été rendus possibles que grâce à l’engagement personnel et au suivi permanent de S.M. le Roi Mohammed VI.
• Parmi ces acquis, le Secrétaire général de l’ONU a cité, dans son rapport, la sécurisation du poste-frontière de Guergarate et le rétablissement de la libre circulation à son niveau. De plus, cette Résolution apporte des réponses importantes aux manœuvres et aux agitations des adversaires de l’intégrité territoriale du Royaume : (i) le format des négociations sur la base de tables rondes quadripartites, (ii) la finalité du processus qui doit déboucher sur une solution réaliste, pratique, basée sur le compromis, (iii) l’implication de l’Algérie, citée cinq fois dans la résolution et qui a une responsabilité à assumer, (iv) la mise en cause du mouvement séparatiste qui a rompu le cessez-le-feu le 13 novembre 2020, observé alors depuis septembre 1991, (v) la responsabilité d’Alger dans le recensement des réfugiés de Tindouf pour préserver leurs droits contre les violations du droit humanitaire international, (vi) enfin, aucune référence au mandat de la Minurso ni à la question des droits de l’Homme, pas plus d’ailleurs qu’aux multiples tentatives d’impliquer des organisation régionales – comme l’Union européenne et l’Union africaine – dans le processus de règlement.
Autant d’élément de poids que ne peut que prendre en charge le nouvel émissaire onusien, Staffan de Mistura. Son mandat est clair : celui de facilitateur de dialogue. Il n’est pas médiateur. Les bases du règlement sont celles-là mêmes consacrées par le Conseil de sécurité ; les paramètres sont tout aussi précis. La finalité du processus est celle arrêtée par le Conseil de sécurité.

Quelles chances pour la relance du processus politiques après la décision d'Alger de boycotter les tables rondes ?

Ce processus sera relancé. Reste à savoir selon quelles modalités ? M. de Mistura a commencé sa tournée dans la région, du 12 au 19 janvier courant, par Rabat. Il doit ensuite se rendre à Tindouf pour rencontrer la direction séparatiste, il est également prévu un séjour à Alger et à Nouakchott. Précisément, c’est dans la capitale du pays voisin de l’est que l’émissaire onusien doit faire le point sur la position des officiels de ce pays à propos du processus de règlement et ses conditions et modalités.

Quelles conséquences pour l'Algérie si elle s'obstine à refuser les négociations ?

Le ministre algérien avait déclaré à cet égard, au lendemain de l’adoption de la Résolution 2602, le 29 octobre dernier, que son pays ne validerait pas la formule de la table ronde des quatre parties. Il s’est prononcé pour des négociations directes entre le Maroc et le mouvement séparatiste. Une position incohérente : c’était ce même ministre algérien qui avait dirigé la délégation de son pays aux deux tables rondes précédentes en Suisse. De plus, l’Algérie sort du cadre fixé par le Conseil de sécurité – elle se met hors de décision de la communauté internationale exprimée et consacrée par cette haute instance onusienne. Elle prend une lourde responsabilité – ce qui aggrave son isolement et met à nu aussi sa politique d’hostilité compromettant la recherche d’un règlement pacifique. Dans ces conditions, l’Algérie pourra-t-elle s’en tenir à un rejet du format actuel de négociation fondé sur une table ronde des quatre parties ? Par rigidité, les généraux vont certainement persister dans cette voie et évacuer le coût politique et diplomatique d’une telle politique d’obstruction. Mais c’est ce même comportement qui prévaut en politique intérieure. L’Algérie est un bateau ivre, en pleine perdition – une gouvernance caporalisée. Dans le déni. Dos au mur…

Lire aussi : Tournée de Staffan de Mistura dans la région : Alger au pied du mur après sa décision de boycotter les tables rondes

 

 

 

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