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Nesrine Roudane : la loi sur la grève doit faire l’objet de concessions réciproques

La méthodologie appliquée au dialogue social sous le gouvernement Akhannouch est intéressante. C’est l’avis de l’avocate au barreau de Casablanca et associée-gérante du cabinet Roudane & Partners Law Firm, Nesrine Roudane, qui revient avec Rachid Hallaouy sur les principaux dossiers que le gouvernement, les syndicats et le patronat devront faire aboutir dans le cadre de ce dialogue, à savoir le droit de grève, la baisse de l’IR, la réforme des Caisses de retraite et la réforme du Code du travail.

Nesrine Roudane : la loi sur la grève doit faire l’objet de concessions réciproques
Nesrine Roudane.

De par la communication qui y est associée et son calendrier clair, la méthodologie suivie pour le dialogue social sous le gouvernement Akhannouch est intéressante, estime Me Nesrine Roudane. Ce dialogue, dont certains engagements formulés dans l’Accord du 30 avril 2022 ont été suivis d’effets, est en passe de prendre une tournure fort intéressante avec des «sujets qui fâchent» qui vont être mis sur la table des négociations, en l’occurrence le droit de grève, la baisse de l’IR, la réforme des Caisses de retraite et la réforme du Code du travail. Que pense Maître Nesrine Roudane de la façon dont doit se dérouler ce dialogue ? Voici le fond de son analyse livrée à Rachid Hallaouy, dans l’émission «L’Info en Face» du Groupe Le Matin.

Droit de grève : «ça ne va pas être un accouchement facile»

Le premier point litigieux qui sera sur la table des négociations est le droit de grève. Syndicats et patronat ont chacun une vision propre et «l’accouchement ne sera pas facile», affirme Me Roudane. Cette loi organique doit faire l’objet de «concessions réciproques», souligne l’avocate. Le projet de loi de 2019 ayant été écarté, car élaboré unilatéralement par le gouvernement et comportant une forte teneur pénale, syndicats et patronat devront désormais se rencontrer dans le cadre de «commissions sectorielles», avec «éventuellement» la présence de l’autorité de tutelle, pour essayer de parvenir à un équilibre via un cadre réglementaire très précis, de manière à permettre aux salariés d’exercer ce droit constitutionnel, tout en garantissant à l’entreprise de continuer à fonctionner, indique Me Roudane.

En réponse à la question de Rachid Hallaouy de savoir si les prochains rounds vont être tendus et compliqués, l’avocate répond que «c’est l’avenir qui nous le dira, mais compte tenu de ce qui a été annoncé, je pense que ce projet de loi fera l’objet d’une concertation entre les trois parties, ce qui n’a pas été fait sous le précédent gouvernement, et une première communication sur ce dossier est d’ailleurs prévue en octobre prochain». Et d’ajouter que le projet de loi organique définissant les modalités d’exercice du droit de grève est une priorité et qu’il doit avancer non seulement pour des considérations nationales, mais aussi pour des considérations internationales tenant au classement du Maroc, au respect de la législation du travail et au respect des conventions internationales.

Baisse de l’IR : tendre vers l’équité fiscale tout en maintenant les équilibres macroéconomiques

L’autre dossier important qui sera sur la table des négociations lors des prochains rounds est la baisse de l’IR. À ce propos, Me Roudane soutient que «le point positif de ce deuxième round du dialogue social est qu’il a eu lieu à la rentrée parlementaire et à la veille de la discussion du projet de loi de Finances de 2023», ce qui permettra d’avoir une idée de la position de chaque partie. La question de l’IR, poursuit-elle, s’inscrit dans le cadre global du projet de réforme fiscale lancé par le Maroc en 2019 et qui a été acté par la loi-cadre sur la réforme de la loi fiscale en juin 2021, laquelle a posé les jalons de la réforme fiscale devant s’étaler sur une période de cinq ans. «Il nous reste quatre lois de Finances (la loi de 2022 n’ayant rien prévu à ce niveau) pour mettre en œuvre le calendrier de cette réforme. Celle-ci comporte des axes majeurs : la TVA et sa neutralité, l’impôt sur les sociétés et éventuellement son unification et l’axe relatif à l’impôt sur le revenu. Ce dernier est considéré comme un levier pour réduire les inégalités sociales et remédier aux injustices fiscales, notamment pour le contribuable moyen, mais aussi pour permettre une intégration rapide du secteur informel. Certainement, il y aura des discussions et des propositions dans le cadre du projet de loi de Finances 2023 pour revoir le barème progressif qui peut aller jusqu’à 38%», a-t-elle indiqué.

Réforme des caisses de retraite : «ce n’est pas la question de l’âge de départ à la retraite qui va régler cette problématique»

Au sujet de la réforme des Caisses de retraite, Me Roudane est d’avis que l’augmentation de l’âge de la retraite est inévitable. «Le Maroc va immanquablement s’aligner sur les pratiques internationales en la matière, mais le secteur d’activité et la question de la pénibilité du travail doivent être pris en considération», souligne-t-elle. À la question de savoir si des concessions vont être faites sur ce dossier, l’avocate précise qu’«elle ne raisonne pas en termes de concessions par rapport aux systèmes de retraite, parce que cette question mérite une réflexion fondamentale avec un changement en profondeur». «L’objectif est de garantir des pensions décentes et pérennes répondant aux finalités pour lesquelles elles ont été conçues, et non des pensions dérisoires que le retraité utilisera peut-être pour couvrir ses dépenses médicales», note Me Roudane, affirmant que «les employés accepteraient de prolonger leur activité de deux ou trois ans, pour autant qu’ils bénéficieraient d’une pension décente à la fin». Et de souligner que «ce n’est pas l’augmentation de l’âge de départ à la retraite qui va régler cette problématique», mais il faut repenser le système de retraite dans sa globalité.

Réforme du Code de travail : «pour une flexibilité responsable»

Pour le quatrième et dernier volet relatif à la réforme du Code du travail, notamment l’épineuse question de la flexibilité des licenciements pour les entreprises, Me Roudane est pour des négociations menées de bonne foi afin de trouver un équilibre entre les demandes des salariés et les besoins des entreprises. «Il a fallu 30 ans pour élaborer le Code du travail actuel et parvenir à un consensus, mais celui-ci pèche aujourd’hui par ses énoncés généraux qui ne tiennent pas compte des conjonctures, des saisons et des réalités des secteurs», explique-t-elle, soulignant qu’«il faut adopter des approches sectorielles pour prendre en considération la réalité de chaque secteur».
L’avocate plaide également pour une révision des «contrats à temps partiel, des contrats saisonniers, des contrats à durée déterminée et du recours à l’intérim», qui donnent aujourd’hui lieu à des dérapages. «Nous avons le recul nécessaire pour voir où les choses se sont enlisées. Il faut absolument revoir la typologie de ces contrats pour éviter le contournement de la législation et mettre fin à la précarité, tout en permettant à l’entreprise de recruter sereinement», insiste-t-elle. 

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