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Passes d’armes entre parlementaires : le populisme l’emporte sur le débat de fond

Depuis le début de la session parlementaire d’octobre, les escarmouches verbales entre députés ou entre ces derniers et les responsables gouvernementaux ponctuent les séances plénières. Les échanges sont parfois d’une violence telle que le déroulement des travaux s’en trouve perturbé. Entre attaques et contre-attaques, le vrai débat passe à la trappe, et la politique-spectacle prend le dessus, boostée par un populisme aussi déplorable que contreproductif.

Passes d’armes entre parlementaires : le populisme l’emporte sur le débat de fond

Décidément, rien ne va entre la majorité et l’opposition au sein du Parlement. La session parlementaire d’automne vient de se clôturer sur fond de tension très vive entre les deux parties. Les séances des questions orales diffusées en direct sont souvent le théâtre de guéguerres et d’échanges houleux entre les parlementaires des différents partis ou entre ces derniers et les responsables gouvernementaux. Les passes d’armes sont parfois tellement virulentes que les échanges marginaux l’emportent sur le débat de fond. Même les séances mensuelles consacrées aux questions de politique générale n’ont pas été épargnées.

C’était justement le cas lundi dernier lorsque le Chef du gouvernement Aziz Akhanouch a apostrophé Mohammed Ouzzine, député du MP, en le sommant de respecter les membres du gouvernement et de s’éloigner des «surenchères populistes qui font perdre le temps législatif». M. Ouzzine, visiblement remonté contre le ministre de la Justice, n’a pas raté l’occasion de lui rappeler dans des termes plutôt prosaïques «l’état calamiteux des tribunaux». S’adressant directement au parlementaire en question, M. Akhannouch n’a pas mâché ses mots : «Je comptais aller loin dans ma réaction à vos propos, mais le respect que j’ai pour votre parti m’en empêche», s’est-il exclamé, avant de prendre la défense des ministres ciblés par l’intervention dudit parlementaire. «J’ai beaucoup de respect pour Abdellatif Ouahbi et Nizar Baraka. Ce sont deux commis de l’État», a martelé M. Akhannouch.

Le député du parti de l’épi, qui semble bien décidé à tacler le gouvernement à toutes les occasions, estime que l’Exécutif doit accepter les critiques qui lui sont adressées par l’opposition qui ne fait qu’accomplir sa mission. Mais l’intervention «fruste» d’Ouzzine n’est pas un cas isolé. Les escarmouches entre le gouvernement et l’opposition deviennent récurrentes, alors que le vrai débat passe au second plan. Le Parlement, qui est censé être un espace d’échange et de partage, devient un espace où le spectacle et la surenchère politique l’emportent sur la discussion des questions qui intéressent les citoyens. Populisme ou règlements de compte, le phénomène a tendance prendre de l’ampleur, pour le plus grand bonheur des réseaux sociaux qui en font leurs choux gras.

Pour le professeur de droit et politologue Mustapha Sehimi, si la composition traditionnelle du Parlement faite de majorité et d’opposition peut provoquer naturellement un vif débat, au Maroc, la confrontation entre les deux camps donne lieu à une sorte d’escalade verbale et à un nouveau style de délibération marqué par des excès de vociférations et de mises en cause. Selon l’analyste politique, cette situation trouve son origine dans la place qu’occupe l’opposition aujourd’hui et sa composition. «C’est une opposition particulière formée de quatre partis politiques, à savoir le PJD, l’USFP, le PPS et le MP». Si l’on analyse la situation de tout un chacun, on trouve que le PJD, qui a été sanctionné par les urnes, cherche à regagner sa place et à renforcer sa visibilité, souligne M. Sehimi.

Le PPS tient quant à lui à affirmer sa différence et se trouve à l’aise dans l’opposition où il campe depuis octobre 2019 et veut s’inscrire dans la continuité de son action, précise-t-il. «L’USFP a pour sa part beaucoup de ressentiments parce qu’il voulait faire partie de la majorité gouvernementale et n’a pas été accepté. C’est le cas également pour le parti de l’épi qui considère le fait de se ranger dans l’opposition comme une sanction, vu qu’il a fait partie des différents gouvernements qui se sont succédé depuis 1998.

En outre, le MP se trouve dans une situation inconfortable à l’approche de son prochain congrès prévu cet été. Ce qui exige la présentation du bilan de l’actuelle direction. Par ailleurs, certains profils commencent déjà à se positionner et cherchent à se distinguer», explique M. Sehimi. Quelles que soient les raisons justifiant cette escalade de violence verbale, le fait est là, cette situation ne contribue pas à rehausser l’action parlementaire et à faire rayonner l’action parlementaire, mais bien au contraire, elle ne fait que conforter une grande partie de l’opinion publique dans l’idée que les députés sont des opportunistes. Pour M. Sehimi, «la responsabilité incombe aux partis politiques qui devront exiger de leurs députés d’être à la hauteur de leur mission et de tenir un discours politique en phase avec les aspirations des citoyens», conclut M. Sehimi.
 

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