L'Association Démocratique des Femmes du Maroc (ADFM) a tenu, ce mardi 22 novembre, une conférence de presse pour livrer sa vision de la conduite du chantier de révision du Code de la famille. Il s'agit d'un travail que l'association mène pour protéger les droits des femmes et mettre en place une législation familiale qui garantit l’égalité dans les droits et la justice dans les situations.
“Il est temps d’ouvrir le chantier de réforme, qui devrait être accompagné d’un débat social responsable, afin d’assurer la déconstruction de la structure traditionnelle des rapports entre les hommes et les femmes dans la vie privée”, a déclaré Amina Lotfi, présidente nationale de l’ADFM. Et d'expliquer que l'association a passé de nombreux chantiers au crible dont l’égalité des droits entre hommes et femmes “pour répondre aux besoins réels des familles” y compris l’importance accordée au statut des enfants des deux sexes et à leur égalité de traitement.
"Bien que le Code de la famille a constitué une étape historique visant à répondre aux mutations sociales et de famille et aux aspirations des femmes à l’égalité et la dignité, l’ADFM regrette deux paradigmes dont il est resté fidèle à savoir la Qiwamah de l’homme, pourvoyeur des ressources et de l’entretien de son épouse qui lui confère plusieurs droits et prérogatives, et la famille patriarcale, reflétée dans les dispositions sur la polygamie, les effets patrimoniaux du divorce et dans le droit successoral", souligne la présidente dans son intervention. L’ADFM appelle également à l’abrogation de l’article 400 du Code de la Famille qui prive les femmes de plusieurs droits à cause de l’absence d’un référentiel malikite clair.
Ce mémorandum pointe également du doigt l’absence d’une loi distincte portant sur les régimes matrimoniaux, demandant la mise en place d’une réglementation stricte de la gestion des biens des époux. Il s’agit également, de mettre en lumière de nombreuses contradictions et incohérences dont l’obligation faite à la mère aisée de contribuer à l’entretien de sa famille sans pour autant lui garantir des droits égaux à ceux de l’époux et vis-à-vis des enfants.
Pour garantir l'efficacité de la réforme du code de la famille, l'ADFM insiste sur la nécessité de contextualiser le débat tenant compte des changements qui s'opère dans la société. En effet, près de 2 décennies après la mise en œuvre de la réforme de 2004, plusieurs constats s'imposent notamment l’accélération de la transition démographique, l'avènement de la Constitution 2011 qui assoit l’égalité et la parité homme- femme et leur égale citoyenneté ou encore la consécration constitutionnelle des droits de tous les enfants, abstraction faite de leur situation familiale.
Autre changements à prendre en compte, la conviction, chez 75% des Marocains des deux sexes, de la nécessité de la contribution des époux aux revenus du ménage. "Or, les femmes contribuent à l'entretien de leur famille par leur travail rémunéré et par le travail ménager et de soins qui représentent 23 milliards d’heures/an, effectuées à 92% par les femmes", note l'association.
Faisant référence à des études de terrain relatives à l’application du Code de la Famille, l'ADFM relève deux grands constats :
- Les lacunes et le silence du texte sur certaines problématiques sociales. L’article 400 qui dispose de se référer aux prescriptions du Rite Malékite et/ou aux conclusions de l'effort jurisprudentiel, pour tout ce qui n'a pas été expressément énoncé dans le Code de la Famille laisse la porte ouverte à des jugements qui vont à l’encontre des finalités de la réforme de 2004 et de celles de la Constitution.
- Les contradictions et incohérences entre plusieurs de ses dispositions comme à titre d’exemple :
- L’obligation faite à la mère aisée de contribuer à l'entretien de sa famille sans pour autant lui reconnaitre des droits égaux à ceux de l’époux et vis-à-vis des enfants ;
- Alors que le Code de la Famille consacre l’inégalité successorales entre les enfants des deux sexes, il prévoit en revanche que la contribution à la pension alimentaire due aux parents est répartie selon leurs ressources et non d'après la quotité de leur part successorale.
- La quasi absence de sanctions civiles ou pénales participe à l’impunité dont jouissent les justiciables et autres acteurs du système judiciaire en cas de contournement ou d’infraction aux dispositions du Code de la Famille.
Ainsi, afin de garantir la cohérence et l’effectivité de la réforme attendue, ainsi qu’un meilleur accès à la justice, un certain nombre de préalables et conditions devaient nécessairement être pris en considération et inclus dans la réforme à venir, notamment :
- Veiller à ce que le Code de la famille soit en harmonie avec les réformes législatives et institutionnelles que le Maroc a entrepris ces dernières années, et dont l'objectif était d'assurer à ses citoyens, femmes et hommes, l'égalité des droits.
- Abroger l’article 400 du Code de la Famille qui stipule que les juges sont tenus de s'inspirer du rite malékite dès lors que la règle de droit écrite serait absente, lacunaire, ou imprécise.
- Disposer dans le texte de la réforme à venir d’une manière explicitée, que les juges sont tenus, de s’inspirer de la Constitution, de la CEDAW et de la CDE tout comme tout autre traité international des DH dès lors que la règle de droit écrite serait absente, lacunaire, ou imprécise.
- Prendre en compte dans l’ensemble des dispositions du prochain code les situations réelles de chacun des deux époux ainsi que leurs intérêts et celui supérieur de l’enfant en tant que principes transversaux vitaux.
- Mettre en place une loi distincte portant sur les régimes matrimoniaux portant sur l’ensemble de dispositions légales ou conventionnelles qui règle les rapports patrimoniaux entre époux.
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