Les professionnels et acteurs de l’écosystème du tourisme préfèrent savourer le moment présent et nourrir le sentiment d’optimisme pour une reprise de l’activité. Mais ils n’oublient pas pour autant que les défis sont énormes et que beaucoup de conditions doivent être réunies pour relancer le secteur. Pour Hamid Bentahar, président de la Confédération nationale du tourisme (CNT), c’est une bonne nouvelle que les professionnels du secteur attendent et espèrent voir s’installer dans la durée. Ceci dit, «nous attendons de voir qu’elles sont les conditions d’accès qui seront décidées, car c’est aussi important pour espérer une reprise de l’activité à l’image de ce qui se fait dans les destinations concurrentes. Si l’on maintient des restrictions plus dures que les autres, l’impact sera conséquent sur la destination», indique-t-il. Toutefois, il estime que les efforts des acteurs du public et du privé doivent se poursuive pour combattre la pandémie, mais avec des approches ciblées dans le but de maintenir l’ouverture de l’espace aérien.
C’est un enjeu important dans le sens où le Maroc doit reconstruire la confiance des marchés et des partenaires en la destination nationale, souligne le président du CNT. Pour lui, cette décision qui vient après celle du programme de soutien accordé par le gouvernement, «qui nécessite tout de même quelques ajustements», redonne de l’espoir. «Nous discutons avec la tutelle pour intégrer l’ensemble des métiers de l’écosystème dans le programme de soutien. C’est une mesure qui doit être effective le plus rapidement possible, car pour espérer une reprise après la réouverture des frontières, nous avons besoin que toutes les composantes du secteur soient mobilisées pour rebâtir la confiance dans la destination Maroc», précise M. Bentahar. Dance ce contexte, l’Office national marocain du tourisme (ONMT) a un rôle primordial à jouer, mais «doit disposer des moyens nécessaires pour le faire, car le Maroc redémarre une activité qui était complètement à l’arrêt», remarque l’expert. Les efforts doivent être multipliés, car le défi est de taille, résume M. Bentahar.
Les acteurs optimistes ont du travail sur la plancheDe son côté, Imane Lamrani, présidente de l'Association des agences de voyages de Rabat et directrice générale de l'agence de voyages EMI Tours, estime que cette décision ne signifie pas automatiquement la reprise immédiate de l'activité touristique. «Il ne faudra pas oublier que le secteur est resté paralysé pendant pratiquement deux années. Cette décision constitue juste un premier pas pour relancer l’activité, réagit Imane Lamrani. Pour cette professionnelle, l’ouverture des frontières devra permettre aux agences de voyages de se préparer pour l'année prochaine vu que la saison actuelle est déjà condamnée. Les agences de voyages font généralement du tourisme réceptif, ce qui nécessite que ces opérateurs préparent à l'avance les contrats, et élaborent des programmes. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Ceci sans parler des opportunités que nous avons ratées à cause de notre absence des salons et expositions de tourisme internationales qui nous permettent de faire connaître la destination marocaine et vendre nos produits», note-t-elle.
Un avis que partage Omar Belhachmi, président de l’Union nationale des agents de voyages du Maroc, pour qui le flou persiste encore autour des conditions de voyage. «Rouvrir les frontières est un grand pas en avant, mais d’autres éclaircissements s'imposent et en urgence», explique-t-il. Et de préciser toutefois que les retombées économiques de cette mesure ne vont pas se sentir dans l’immédiat. M. Belhachmi tient cependant à saluer la réaction du ministre français du tourisme qui donne un signal positif pour la destination. «Les Français sont nos premiers clients et ils aiment la destination Maroc, donc c’est l’une de nos cibles prioritaires.»
Ouverture soit, mais les acteurs doivent agir dans le cadre d’une réflexion commune. C’est en tout cas ce que préconise Azz Eddine Skalli, président du Moroccan Travel Management DMC qui insiste sur la priorité de faire revenir les clients étrangers attirés par la destination au Maroc. Ceci dit, le professionnel dit «attendre avec impatience les modalités de mise en application de cette mesure en espérant qu’elles seront “flexibles et acceptables”». Il soulève, par ailleurs, un autre aspect jusqu’ici occulté et qui se rapporte à la crise psychologique que vivent certains professionnels du secteur. «Il est nécessaire et primordial de les protéger et de les valoriser à travers un accompagnement moral et financier raisonnable. Notre message est de revoir de manière absolue la manière d’accompagner ces acteurs à reprendre pied dans l’activité touristique et dans la vie active», appelle-t-il. En termes de priorités, M. Skalli estime qu’il est urgent de communiquer avec les clients pour activer les programmes d’entrée au pays. Pour cela, il estime que les acteurs du secteur disposent des moyens et outils en termes de communication pour réussir cet objectif.
Marrakech et Agadir, deux destinations qui s’impatiententPour Abdellatif Abouricha, responsable communication au Conseil régional du tourisme (CRT) de Marrakech, l’ouverture des frontières constitue une très bonne décision tant pour le pays que pour la ville ocre. En termes d’offres, il estime que les propriétaires des hôtels et des restaurants sont prêts à redoubler d’efforts pour être prêts à accueillir les touristes. «Je pense aussi qu’ils vont jouer le jeu des tarifs», note-t-il. De son côté, Rachid Dahmaz, président du CRT de Souss-Massa, qui salue la décision de rouvrir les frontières, regrette l’absence actuellement d’offres sur la destination. Tout dépendra de la fréquence des vols, explique-t-il. Selon lui, les opérateurs touristiques n’avaient pas été préparés à la réouverture des frontières en cette date et, par conséquent, n’avaient pas prévu le Maroc comme destination dans leurs offres. De même, la décision intervient en basse saison. Ceci dit, et avec l’approche du mois du Ramadan connu par la baisse de l’activité touristique, il faut miser beaucoup plus sur la saison estivale. «Certes, l’ouverture des frontières, le 7 février prochain, va nous permettre de récupérer quelques clients pendant les mois de février et mars, mais c’est pendant l’été que l’on pourrait se rattraper, sachant qu’il n’y a pas de vols charters. À ce stade, on espère que les compagnies nationales pourront reprogrammer leurs vols sur le Maroc. On espère aussi le retour des compagnies low coast, notamment Raynair, EasyJet et Transavia», conclut-il.
Nabila Bakkass, Yousra Amrani, Najat Mouhssine