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Robert Greenway : Comment les Accords d’Abraham ouvrent la voie à la paix au Moyen-Orient et dans le monde

Le président et directeur exécutif de «The Abraham Accords Peace Institute», Robert Greenway, affirme que les Accords d’Abraham ouvrent la voie à la résolution du conflit israélo-arabe et à un avenir de paix, de tolérance et d'opportunités au Moyen-Orient et dans le monde entier. «Nous sommes impatients de travailler avec les parties prenantes à l'Accord et nos partenaires pour évaluer les progrès réalisés au cours de l'année écoulée. Cette évaluation devrait éclairer et guider nos efforts pour établir des priorités et rationaliser les processus en tirant parti de l'effort de coopération pour exploiter pleinement le potentiel entre et parmi les membres de l'Accord», explique-t-il dans un entretien accordé au «Matin». M. Greenway, qui occupait le poste d’assistant adjoint du Président américain et directeur principal pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord au sein de son Conseil national de sécurité, est revenu également dans cet entretien sur l’importance des relations entre Rabat et Washington pour les deux parties et sur le rôle central joué par le Maroc en tant que pourvoyeur de paix et de stabilité dans la région et dans le monde.

Robert Greenway : Comment les Accords d’Abraham ouvrent la voie à la paix au Moyen-Orient et dans le monde
Robert Greenway

Le Matin : Quel était le but de votre visite au Maroc et comment s'est-elle déroulée ?

Robert Greenway : Cette visite nous a permis de réengager les amis et les partenaires avec lesquels nous avons négocié l'accord de normalisation et la proclamation de souveraineté (du Maroc sur ses provinces sahariennes, ndlr), d'évaluer les progrès réalisés dans les relations entre le Maroc et Israël, d'examiner les efforts visant à étendre les accords d'Abraham, d'obtenir un soutien pour les initiatives ciblant les secteurs agricole, sanitaire et éducatif, et de réaffirmer notre rôle en tant que contributeur essentiel et à part entière au renforcement et à l'extension des accords d'Abraham.

Vous êtes président et directeur exécutif de «The Abraham Accords Peace Institute». Si vous deviez présenter les accords d'Abraham (Maroc-Israël-États-Unis) en termes simples, que diriez-vous ?

La signature des Accords d'Abraham a marqué le début d'une transformation dans les relations entre Israël et les nations du monde arabe. Avec le soutien ferme et bipartisan (républicain et démocrate) émanant des États-Unis, entre août et décembre 2020, les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Kosovo, le Soudan et le Maroc ont suivi le leadership audacieux de l'Égypte et de la Jordanie et ont lancé le processus diplomatique de normalisation des relations bilatérales avec Israël.

Les Accords ouvrent la voie à la résolution du conflit israélo-arabe et à un avenir de paix, de tolérance et d'opportunités au Moyen-Orient et dans le monde entier en mettant en avant les avantages tangibles des liens interpersonnels, du commerce et de la coopération mutuelle. «The Abraham Accords Peace Institute» a été créé pour être la plateforme et l'organisation qui unit et rapproche les pays voisins les uns des autres, en tissant des liens entre les individus et les gouvernements, lesquels favorisent les évolutions dans les domaines des affaires, du commerce, du tourisme, de l'éducation et de la recherche.

Le leadership des États-Unis a été essentiel au processus de négociation et reste indispensable à la pérennité des accords d'Abraham. Pour soutenir l'élan vers la paix, «Abraham Accords Peace Institute» (AAPI) a été créé en mai 2021 en tant qu'organisation non partisane et à but non lucratif dont la mission est de renforcer les nouvelles relations nées de ces Accords et de veiller à ce qu’elles se déploient pleinement. En œuvrant au renforcement des liens politiques et économiques au Moyen-Orient, l'AAPI débloque un potentiel économique qui apportera la stabilité au Moyen-Orient.

On vient de célébrer le premier anniversaire de cet Accord. Comment appréciez-vous les résultats de cette première année ? Que devons-nous attendre des années suivantes en termes de coopération entre les acteurs de cet accord ?

Depuis la conclusion des accords historiques l'an dernier, des progrès remarquables ont été accomplis – et pourtant, nous reconnaissons tous qu'il existe encore un plus grand potentiel à exploiter. Nous sommes impatients de travailler avec les parties prenantes à l'Accord et nos partenaires pour évaluer les progrès réalisés au cours de l'année écoulée et les conditions qui devraient être préservées ou élargies, et pour identifier les barrières et les contraintes qui entravent le commerce et l'investissement et qui doivent être levées. Cette évaluation devrait éclairer et guider nos efforts pour établir des priorités et rationaliser les processus en tirant parti de l'effort de coopération pour exploiter pleinement le potentiel entre et parmi les membres de l'Accord.

Les accords historiques d'Abraham ont donné lieu à un bond spectaculaire des liens économiques entre Israël et ses nouveaux partenaires arabes, mais la portée de ces accords va bien au-delà des transactions commerciales bilatérales. Ces accords de paix sont susceptibles de transformer la région, en créant un nouveau corridor de prospérité, de stabilité et de commerce au Moyen-Orient. 2022 sera une année cruciale pour la concrétisation de ces perspectives. Si les Accords d'Abraham ont le potentiel de transformer la région, une telle transformation ne se fera pas toute seule. Nous devons consacrer notre temps et concentrer notre énergie et nos efforts sur les actions qui servent à libérer le potentiel économique des Accords, à adopter une approche stratégique qui tire parti des contributions de chaque membre, à réduire la bureaucratie et à tenir compte de l'intégration aux marchés mondiaux. À mesure que les avantages énormes de cette coopération régionale gagnant-gagnant se feront jour, d'autres pays adhéreront aux Accords d'Abraham, créant ainsi un cercle vertueux de paix et de croissance.

2021 a été une année où le potentiel découlant des accords d'Abraham a pris forme. Des ambassades ont été ouvertes, les tout premiers ambassadeurs ont été nommés et ont présenté leurs lettres de créance, les ministres des Affaires étrangères et les premiers ministres ont effectué des visites historiques et signé des accords diplomatiques, et les nations membres des Accords ont célébré le premier anniversaire de la signature de ces accords historiques.

Les Accords d'Abraham déboucheront sur de formidables opportunités économiques, qui contribueront à une plus grande prospérité et à une meilleure qualité de vie pour chacun des pays participants. Plus les liens commerciaux se développeront, plus les liens entre les pays et leurs populations seront forts. Malgré la pandémie mondiale de la Covid-19, des avancées significatives ont été réalisées dans les relations commerciales entre Israël et les pays signataires des Accords d'Abraham. Une activité commerciale importante ayant conduit à une augmentation massive des échanges. Les échanges commerciaux 2021 en chiffres :

• Entre Israël et les EAU : 1,15 milliard de dollars (augmentation de 511% par rapport à 2020).

• Entre Israël et Bahreïn : 6,5 millions de dollars (contre 0 en 2020).

• Entre Israël et le Maroc : 41,6 millions de dollars (84% d'augmentation par rapport à 2020).

• Entre Israël et l'Égypte 246,1 millions de dollars (43% d'augmentation par rapport à 2020).

• Entre Israël et la Jordanie : 455,8 millions de dollars (83% d'augmentation par rapport à 2020).

Le développement des relations humaines resserre les liens entre les pays, et les Accords d'Abraham offrent une occasion incroyable d'engager un dialogue favorisant une nouvelle et mutuelle compréhension. Malgré les défis posés par la pandémie mondiale de la Covid-19, d'énormes progrès ont été réalisés en 2021 pour élargir et approfondir les liens entre les nations membres des Accords d'Abraham, avec de nombreuses initiatives lancées et des visites historiques de délégations.

Pourquoi pensez-vous que les États-Unis ont choisi de miser sur le Maroc pour développer des relations stratégiques à long terme ? Quels sont les atouts du Royaume par rapport à son environnement régional ?

Le Maroc a été l'un des premiers pays à reconnaître les États-Unis nouvellement indépendants, ouvrant ses ports aux navires américains par décret du Sultan Mohammed III en 1777. Le Maroc a reconnu officiellement les États-Unis en signant un traité de paix et d'amitié en 1786, un document qui subsiste comme étant la plus longue relation ininterrompue de l'histoire des États-Unis. Les relations diplomatiques complètes ont débuté en 1905. Le Maroc est passé sous le régime du protectorat de 1912 à 1956, et les relations diplomatiques normales ont repris après la reconnaissance par les États-Unis de l'indépendance du Maroc en 1956. Les deux pays ont une longue histoire de collaboration bilatérale et régionale.

Le Maroc et les États-Unis partagent des préoccupations communes et se consultent étroitement sur les questions de sécurité, de politique, d'économie et de développement durable. Les États-Unis ont désigné le Maroc comme un allié majeur non membre de l'OTAN en 2004, et les armées américaine et marocaine organisent des exercices et des entraînements conjoints. Le Maroc est un partenaire solide dans les efforts de lutte contre le terrorisme et collabore étroitement avec les autorités américaines chargées de l'application de la loi afin de préserver les intérêts de sécurité nationale des deux pays. Les États-Unis et le Maroc coordonnent leurs efforts pour promouvoir la stabilité et la sécurité régionales, notamment par le biais du Forum mondial de lutte contre le terrorisme et de la Coalition mondiale pour vaincre Daech. Le Maroc est un hub pour le transport maritime, la logistique, la finance, l'assemblage et la vente. Environ 150 entreprises américaines opèrent au Maroc, notamment dans les secteurs des énergies renouvelables, des infrastructures, de l'aviation et des technologies environnementales.

En 2006, le Maroc a conclu un accord de libre-échange (ALE) avec les États-Unis. Depuis son entrée en vigueur, les exportations marocaines vers les États-Unis ont plus que doublé, et les exportations américaines vers le Maroc ont plus que quadruplé. De 2005 à 2019, la valeur totale des marchandises marocaines exportées vers les États-Unis est passée de 446 millions de dollars à 1,582 milliard de dollars, et les exportations américaines vers le Maroc sont passées de 481 millions de dollars à 3,496 milliards de dollars. L'ALE a ouvert la voie à une augmentation des investissements directs étrangers en contribuant à améliorer le climat des affaires au Maroc, à harmoniser les normes et à créer des garanties juridiques pour les investisseurs.

En ce qui concerne la question du Sahara, l'administration Biden n'a pas remis en question la décision de Trump, mais elle ne s'est pas prononcée de façon claire à cet égard. Comment expliquez-vous cela ?

L'administration actuelle a affirmé la position adoptée par son prédécesseur en soutenant la proposition d'autonomie du Maroc comme seule base d'une solution juste et durable au différend et approuve la décision du Président Trump de reconnaître la souveraineté marocaine sur l'ensemble du territoire du Sahara occidental. Les administrations américaines diffèrent à bien des égards, mais nous ne voyons pas de changement dans la décision de reconnaître la souveraineté marocaine.

L'Espagne vient de prendre une décision historique en se prononçant ouvertement en faveur du plan d'autonomie pour le Sahara. À votre avis, pourquoi Madrid a-t-elle pris cette décision ?

Je pense que l'Espagne, comme les États-Unis, la France et d'autres nations, a jugé qu'il était dans son intérêt supérieur de prendre cette décision en reconnaissance de l'importance de ses relations avec le Maroc. Nous nous en félicitons et nous espérons que d'autres pays feront de même.

En tant qu'ancien assistant adjoint du Président américain et directeur principal pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord au sein de son Conseil national de sécurité, quelle est votre opinion sur le rôle et l'engagement du Maroc en faveur de la paix et de la stabilité dans la région et dans le monde ?

Au cours de l'année écoulée, les relations diplomatiques Maroc-Israël se sont développées avec la réouverture du bureau de liaison israélien à Rabat, et la première visite, depuis la normalisation des relations, de hauts responsables israéliens au Maroc, y compris le ministre des Affaires étrangères, M. Lapid, ainsi que des vols commerciaux directs entre Casablanca et Tel-Aviv.

Élargir le cercle de la paix pour développer la prospérité et la sécurité entre Israël et d'autres pays du Moyen-Orient, de l'Asie du Sud, et au-delà, restera une priorité pour le Maroc et les États-Unis. Les administrations successives des États-Unis ont reconnu le rôle joué par le Maroc dans le maintien de la sécurité et de la stabilité régionales, ainsi que sa contribution à la paix et à la prospérité au Moyen-Orient. En conséquence, elles se sont engagées à poursuivre la coopération sur des questions d'intérêt commun, telles que la paix et la prospérité régionales et la sécurité régionale. Les deux pays ont exprimé leur intention, au cours du dialogue stratégique, de poursuivre une coopération solide en matière de lutte contre le terrorisme, notamment contre AQMI et Daech. Cela inclut le leadership du Maroc au sein du Forum mondial de lutte contre le terrorisme et le rôle qu'il joue dans la Coalition mondiale pour vaincre Daech, notamment en coprésidant le groupe de réflexion africain de la Coalition et en accueillant la prochaine réunion ministérielle de ladite Coalition en mai.

Les relations bilatérales comprennent également une collaboration étroite sur toute une série de questions, notamment le Sahel, la Libye et l'Ukraine. Les États-Unis restent reconnaissants des efforts du Maroc pour soutenir le travail de l'ONU sur le processus politique en Libye et l'accueil du dialogue intrerlibyen. Les responsables militaires américains et marocains ont déjà commencé à planifier l'African Lion de cette année, le plus grand exercice militaire en Afrique et une composante essentielle pour le partenariat de sécurité entre les États-Unis et le Maroc. L'exercice 2021, qui s'est déroulé en juin à travers le Royaume, était le plus important depuis le début de cet événement annuel de formation en 2004 et reflète l'importance du partenariat et l'engagement à son progrès.

Entretien réalisé par H.O.

 

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