Après une période creuse due à la situation sanitaire, les fréquentations des salles de cinéma au Maroc repartent à la hausse, doucement, mais sûrement. Toutefois, les salles obscures peinent à retrouver leur régime pré-Covid comme peuvent en témoigner les bilans du Centre cinématographique marocain (CCM). En effet, 1.820.373 entrées ont été enregistrées en 2019, contre 663.604 en 2021. Désertées pendant leurs fermetures, de mars 2020 jusqu’au mois de mai 2021, les exploitations cinématographiques ont enregistré leur taux le plus bas durant l’année 2020 en totalisant 510.230 entrées seulement. Sans surprise, les recettes des guichets sont au diapason puisque les salles de cinéma ont généré 33.492.326 DH en 2021, contre 91.651.881 DH en 2019.
Contacté par «Le Matin», Cyril Audineau, nouveau directeur général de Megarama Maroc, confie sa vision actuelle : «Comme beaucoup d’établissements que ce soit en Europe ou au Maroc, la réouverture a été laborieuse, depuis mon arrivée dans le Royaume, on constate réellement que les Marocains ont été très affectés par la Covid. En ce qui concerne les entrées, nous remarquons tout de même une progression significative. Nous envisageons de retrouver une vraie sérénité d’ici la fin d’année». Même son de cloche du côté de Pierre-François Bernet, fondateur du groupe Ciné Atlas : «Le Maroc a battu le record de temps de fermeture des salles de cinéma durant la pandémie. L’aide de l'État nous a un peu soulagés, mais elle ne permettait malheureusement pas de couvrir nos pertes qui s’élevaient à 30% en ce qui concerne le chiffre d’affaires avec des charges égales».
L’âge d’or des salles de cinéma au MarocIl fut un temps, dans les années 1980, où le Maroc abritait près de 300 cinémas mono-écrans contre seulement une trentaine aujourd'hui, dont quelques multiplexes. Démolies ou laissées à l'abandon, plusieurs salles de projection faisant partie du patrimoine architectural et culturel du pays ont été contraintes de baisser leur rideau, les unes après les autres. La genèse de cette régression remonte à l’apparition de la cassette VHS, marquant le début d’une mutation des habitudes des cinéphiles marocains. Quelques années plus tard, les salles sont à nouveau mises à l’épreuve avec l’arrivée des chaînes de télévision par satellite ou encore les DVD au début des années 2000, sans oublier le piratage qui a impacté frontalement le secteur. Outre le surgissement de ces canaux de diffusion, la barrière de la langue peut être aussi un frein pour certains, face à une offre de films internationaux accessibles uniquement en version originale sous-titrée ou en version française.
Netflix, le fast-food du cinémaL'envolée des plateformes de streaming menée par Netflix a généré une offre de vidéo à la demande de plus en plus pléthorique. Le confinement a été une aubaine pour la vidéo à la demande qui a vu ses souscriptions monter en flèche durant cette période, infligeant ainsi une double peine aux salles de cinéma, qui ont dû en subir les répercussions non seulement durant leur fermeture, puisque jusqu’à nos jours, les utilisateurs de ces plateformes semblent être toujours séduits par ce mode de visionnage à volonté et ses abonnements multi-profils. Il faut ainsi compter en moyenne une centaine de dirhams mensuellement pour une adhésion standard sur Netflix et une trentaine de dirhams pour profiter du catalogue Disney+, à l’heure où le prix moyen d’un ticket de cinéma est estimé à une trentaine de dirhams par personne au Maroc.
2022, l’année de tous les espoirsAprès cette période de disette, 2022 se veut porteuse de bonnes nouvelles qui viennent mettre du baume au cœur et apporter un souffle nouveau au secteur. Invité de l'émission «L'Info en Face» en mai dernier, le ministre de la Jeunesse, de la culture et de la communication, Mohamed Mehdi Bensaid, a annoncé la création de 150 salles polyvalentes de cinéma d'ici décembre 2022 dans différentes régions du pays, accessibles à un tarif qui ne dépassera pas 20 DH.
Les investisseurs privés font également partie de cet élan de renouveau : «En septembre, nous allons ouvrir le Complexe Ciné Atlas Corniche El Jadida composé de trois salles. Notre offre à Rabat va, quant à elle, s'enrichir de deux nouveaux cinémas. Du côté de Tanger, nous avons racheté l'ancien cinéma Mauritania pour le transformer en un multiplexe de 5 salles sans dénaturer son cachet architectural. On envisage également d'offrir à la ville de Casablanca 5 salles qui devraient ouvrir début 2023», confie le fondateur des complexes premiums Ciné Atlas. Le groupe Megarama Maroc a annoncé à son tour sa feuille de route : «Dans un premier temps, je me consacre aux travaux de rénovations et en priorité à Casablanca et Marrakech, nous faisons en sorte d’améliorer la qualité d’image, de son et d’accueil. Nous allons aussi nous concentrer sur le parking de Casablanca ainsi qu’à la réouverture des restaurants attenants au multiplexe afin de recréer un pôle d’attraction culturel sur là Corniche. Nous travaillons sur des offres tarifaires pour les étudiants, mineurs et familles nombreuses pour donner accès au cinéma à un plus large public, et cela, dès le mois de septembre. Enfin, des projets d’ouverture sont planifiés à Agadir et El Jadida», a annoncé le directeur régional.
Le 11 août 2022, le Centre Cinématographique marocain a annoncé la mise en place d’une aide globale de 11.5 millions de dirhams profitant à cinq cinémas. Accordée par la commission d’aide à la numérisation, à la modernisation et à la création des salles de cinéma, cette subvention est destinée à financer les travaux de création du cinéma Cinerji à El Jadida ainsi que le cinéma Vox à Béni Mellal. Ladite aide assurera également les projets de modernisation du cinéma casablancais Dawliz et la numérisation du cinéma Espagnol de Tétouan.