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SATREPS : Pour une valorisation scientifique des bioressources uniques du Maroc avec le Japon

  SATREPS : Pour une valorisation scientifique des bioressources uniques du Maroc avec le Japon
Les étudiantes de l’IAV travaillant sur l’analyse moléculaire d’huile d’argan en utilisant les équipements de pointe octroyés par le projet SATREPS.

Accompagner le développement du Maroc, soutenir les grands projets économiques du Royaume, initier des programmes d’aides dans des secteurs aussi vitaux que l’éducation, la santé, le développement durable, etc. Ce sont là quelques axes de la politique de coopération japonaise qui se consolide au fil des ans et au rythme des ambitions de développement du Royaume. Les deux partenaires parlent d’une seule voix : promouvoir une croissance économique soutenue, résiliente et durable, tout en assurant une meilleure qualité de vie dans les régions enclavées. C’est, entre autres, la raison d’être du Projet de valorisation des bioressources sur la base de preuves scientifiques en zones arides et semi-arides pour la création d‘une nouvelle industrie, communément appelé «Projet SATREPS». Il est à noter que ce projet s’inscrit dans le cadre du premier programme de recherche «Science and Technology Research Partnership for Sustainable Development» (SATREPS) mené au Maroc par l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA) et l’Agence japonaise de la science et des technologies (JST).

«Le Projet SATREPS» est un projet de coopération technique et de recherches scientifiques de collaboration entre plusieurs universités célèbres du Japon, de la Tunisie et du Maroc, qui se fixe comme priorité de renforcer les capacités des instituts de recherche en Tunisie et au Maroc et de partager les technologies de pointe en matière de valorisation des ressources naturelles et leurs dérivés. Plus concrètement, le projet facilite des recherches collaboratives sur l’analyse fonctionnelle pour établir scientifiquement les efficacités de certaines bioressources (y compris, entre autres, l’argan, l’olive et les plantes aromatiques et médicinales) sur les nouvelles technologies de processing et de valorisation de telles bioressources, sur l’analyse d’écosystème de bioressources pour assurer une utilisation durable et plus efficace, et sur l’étude de la chaine de valeurs depuis le producteur jusqu’au consommateur final. Expliquant la genèse de ce projet, la cheffe du projet au Japon et enseignant-chercheur à l’Université de Tsukuba, Pr. Hiroko Isoda, note que ce qui intéresse les chercheurs japonais dans ce projet c’est l’analyse fonctionnelle et l’utilisation efficace des bioressources des zones arides et semi-arides. «Tandis qu’en Tunisie, nous nous sommes concentrés sur l’analyse de la distribution horizontale des bioressources utiles de la zone côtière méditerranéenne au désert du Sahara, au Maroc on a pu élargir notre étude pour examiner la distribution “verticale” grâce aux chaines des hautes montagnes qui offrent des habitats de bioressources de hautes efficacités uniques dans le monde», explique-t-elle.

Et d’ajouter que la vocation principale de la JICA, à travers «SATREPS», est d’aboutir à la conservation et à l’exploitation soutenable des ressources naturelles, comme l’arganier, qui constitue une source du développement résilient et durable. «Il s’agit de l’un des thèmes de recherche que nous suivons avec beaucoup d’intérêt avec le Maroc. L’objectif étant de valoriser et d’améliorer la qualité des produits de cette ressource rare aux multiples vertus très appréciées et de renommée internationale», affirme la cheffe du projet japonaise.

«SATREPS» : un bilan très positif après 6 ans d’actions

Toutes les parties prenantes de ce projet s’accordent à dire qu’il est sur la bonne voie. Les enseignants-chercheurs marocains membres du projet «SATREPS» se félicitent de «l’effort commun résultant d’un partenariat solide et renforcé entre la JICA, les instituts japonais et les instituts de formation et de recherche et d’analyse marocains», à savoir l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan- II de Rabat (IAV) et l’Université Cadi Ayyad de Marrakech (UCA). À ce titre, le directeur du projet SATREPS au Maroc et directeur de l’Enseignement, de la formation et de la recherche au ministère de l’Agriculture, de la pêche maritime, du développement rural et des eaux et forêt, M. Bilal Hajjouji, rappelle que ce projet, lancé en 2015, permet également d’encourager la collaboration entre chercheurs académiques et entreprises privées pour la création de nouveaux produits à haute valeur ajoutée en vue d’améliorer la compétitivité des entreprises nationales. Et d’ajouter que l’évaluation finale, effectuée en décembre 2021, révèle un bilan très positif notamment, en termes de publications scientifiques. «Du côté marocain, les chercheurs ont réalisé plus de 60 publications scientifiques et 80 communications aux congrès internationaux. Par ailleurs, plus de 20 chercheurs y compris de jeunes étudiants ont effectué des missions au Japon pour maîtriser les technologies de pointe dans les différents domaines de recherche scientifique sur les bioressources», se réjouit M. Hajjouji. Il n’a pas manqué de souligner que ce projet a contribué et continue de contribuer à la dynamique de recherche sur les ressources agricoles au Maroc afin de créer de nouveaux bioproduits à haute valeur ajoutée. «Cette dynamique s’inscrit pleinement dans les orientations de la nouvelle stratégie « Génération Green » visant le développement des filières agricoles par la valorisation et la transformation des produits, notamment les filières à fort potentiel tels les produits biologiques et plantes aromatiques et médicinales», conclut-il.

Les technologies de pointe au service du développement durable

Pour Pr. Mohammed Yessef, coordinateur du projet «SATREPS» au niveau de l’IAV Hassan II de Rabat, l’un des effets de ce partenariat avec la JICA réside dans l’assistance fournie via des équipements sophistiqués et de haute technologie qui ont rendu possibles de telles réussites scientifiques. Sans négliger l’acquisition d’un certain nombre de compétences et d’informations pertinentes en mesure de valoriser davantage, à court et moyen terme, les bioressources dont dispose notre pays qui se distingue par son climat aride et semi-aride, dit-il. L’idée à travers cette initiative japonaise, ajoute le responsable au sein du département des ressources naturelles et environnement, est également de développer la synergie entre le secteur de la recherche et développement et le secteur privé. «Nous avons signé des conventions avec des organismes privés en vue de développer un partenariat gagnant-gagnant, axé sur une réussite économique mutuelle bénéfique pour les deux parties. Et ce n’est pas tous, cette coopération envisage également de rendre service aux populations vivant dans des zones fragiles qui ne disposent pas d’assez de revenus. Une grande partie de nos ressources naturelles est menacée de dégradation, voire de disparition en raison de leur mauvaise exploitation. Notre mission consiste, dans le cadre du projet SATREPS, à sauvegarder ces ressources rares à multiples valeurs et de les exploiter de manière convenable», signale Pr. Yessef.

Une expertise nouvelle

Pour sa part, Pr. Yasmina Imani, enseignante[1]chercheuse à l’IAV Hassan II et membre du projet SATREPS, affirme que «ce projet, basé sur une nouvelle approche, nous a permis de bénéficier de l’expertise japonaise et d’évaluer plus d’une centaine de plantes et dégager une vingtaine de plantes potentiellement intéressantes. Ce qui démontre la force de notre biodiversité». Toujours selon la responsable du département de production, protection et biotechnique végétale- IAV, l’équipe qu’elle chapeaute a pu grâce à SATREPS «développer une expertise nouvelle dans le cadre de l’évaluation des propriétés allélopathiques des plantes. Les résultats atteints sont très satisfaisants en identifiant des plantes avec forte potentielle de nouvelles efficacités médicinales». En fait, le Japon est un des leaders du monde en termes de recherche allélopathique – l’étude sur les capacités de self-défense de plantes qui sont normalement très élevées parmi les plantes dans les zones arides et semi-arides. Avec les conseils des chercheurs japonais dans le cadre de ce projet, le Maroc est devenu le pionnier de recherche allélopathique en Afrique. Pr. Tarik Ouchbani, enseignant chercheur au sein du département des sciences alimentaires et nutritionnelles à IAV Hassan II de Rabat, membre du projet SATREPS indique, quant à lui, que son département s’intéresse, dans le cadre de ce projet, à trois ressources : l’huile de cactus, l’huile d’argan et les huiles essentielles issues des plantes aromatiques et médicinales. «Notre rôle est de maîtriser l’exploitation des bioressources pour la production des produits alimentaires commercialisés à l’échelle nationale ou destinés pour l’export. Le choix des thématiques n’est pas fortuit. Il porte principalement sur la valorisation des produits fabriqués ou extraits sur le plan national et qui demandent beaucoup de matières premières. SATREPS est venu apporter une solution idoine à cette problématique et minimiser les résidus provenant de l’extraction de ressources en les exploitant sous forme de sous-produits utiles pour d’autres applications», explique le chercheur. Pr. Ouchbani a profité de l’occasion pour saluer cette initiative tout en exprimant ses souhaits de renouveler cette expérience. Abondant dans le même sens, Pr. Abdellatif Hafidi, enseignant-chercheur et coordinateur du projet au niveau de l’Université Cadi Ayyad de Marrakech note que le projet «SATREPS» représente une opportunité formidable pour l’UCA. «Il a contribué significativement au développement de notre capacité de recherche et aux résolutions des problématiques à caractère national», ajoute-t-il. Et de poursuivre que «ce projet a répondu aux attentes à plusieurs égards. Il a permis l’équipement scientifique de pointe au sein de l’UCA grâce auquel on a pu développer, entre autres, les facilités de travailler sur des cultures cellulaires. Par ailleurs, le projet a contribué à la formation d’une jeune génération de chercheurs marocains à travers l’expertise des instituts japonaises et le transfert de leur savoir-faire». Selon lui, la force de ce projet réside aussi dans le fait de fournir la preuve scientifique de l’efficacité des recherches effectuées sur les bioressources, comme l’arganier, l’olivier et le safran. «La pérennisation des acquis de ce projet fait partie intégrante des engagements de la JICA», conclut le responsable. Ce qui compte probablement le plus, d’après M. Takashi Ito, représentant résident de la JICA Maroc, «c’est que le projet permet aux scientifiques marocains de prendre en main le travail de valorisation des bioressources de leur propre pays, alors que ce travail se fait souvent à l’extérieur dans des laboratoires étrangers utilisant des matières premières obtenues en vrac du Maroc». Il s’agit, pour lui, d’un pas en avant essentiel dans la réalisation d’une haute valeur ajoutée des produits agricoles «Made in Morocco».

Ce que «SATREPS» apporte concrètement au Maroc

Les réalisations académiques ont été assez fructueuses pour les chercheurs au Japon et au Maroc, mais qu’est-ce que les années de recherche collaborative ont accompli et rapporté dans un si grand nombre d’articles académiques ? Tout d’abord, les avantages médicaux et cosmétiques de certaines plantes ont été scientifiquement prouvés et les substances biochimiques responsables de ces avantages ont été identifiées. L’«efficacité» qui n’a été qu’une croyance traditionnelle basée sur l’expérience au cours des millénaires s’est avérée «réelle» et, avec l’identification du produit biochimique responsable de cette efficacité, les moyens de les extraire et d’améliorer encore cette «efficacité» en tant que nouveaux produits alimentaires, médicaux ou cosmétiques sont ouverts. Un exemple est l’effet blanchissant des dérivés de l’argan (huile et autres produits). On nous a toujours dit que l’huile d’argan est bonne pour la beauté, mais aujourd’hui, elle est scientifiquement prouvée, et en découvrant le mécanisme moléculaire de l’effet blanchissant de l’huile d’argan et d’autres produits à base d’argan, il devient possible d’espérer de nouveaux produits aux qualités blanchissantes de la peau améliorées. Et ce n’est qu’un exemple. D’autres «efficacités» dans d’autres plantes et dérivés ont également été étudiées et prouvées. Des recherches sur la culture cellulaire et des études cliniques pourraient conduire à des résultats intéressants et à des potentiels pour des applications industrielles dans l’avenir. En outre, un autre groupe de recherche dans le cadre de ce projet a travaillé au développement de nouvelles technologies de traitement des bioressources afin d’optimiser leurs effets positifs sur la santé. Ces chercheurs ont même trouvé des moyens de transformer les déchets industriels (par exemple, les résidus d’extraction d’huile d’argan et d’olive) en substances émulsifiantes utiles, ouvrant ici encore les possibilités d’applications industrielles ultérieures. En outre, un autre groupe s’est consacré à l’analyse des écosystèmes des bioressources uniques du Maroc, dont une grande partie de l’écologie reste encore un mystère tout comme leurs efficacités médicinales. De telles études écologiques basées sur le travail sur le terrain combiné à des analyses de laboratoire aideront à explorer les voies d’une exploitation durable, d’une productivité accrue et de la cultivation possible de bioressources ciblées, qui sont au cœur des priorités de la stratégie marocaine « Génération Green 2020-2030».

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