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Les systèmes éducatifs à l’épreuve de la Covid-19 : Unicef Maroc appelle à adopter rapidement une vision de relance éducative

Cette année encore, la célébration de la Journée mondiale de l’éducation (24 janvier) intervient dans un contexte particulier marqué par la pandémie de la Covid-19 et la propagation du variant Omicron qui a de nouveau secoué le secteur de l’enseignement à l’échelle mondiale, mais aussi au Maroc. À cette occasion, Unicef Maroc nous livre une analyse de l'état actuel au niveau des écoles marocaines. L’organisation recommande également d’adopter une vision de relance éducative malgré la situation sanitaire actuelle.

Les systèmes éducatifs à l’épreuve de la Covid-19 : Unicef Maroc appelle à adopter rapidement une vision de relance éducative

Toutes les études réalisées durant ces deux dernières années ont montré que la pandémie de la Covid-19 a eu de graves conséquences sur le secteur de l’éducation. Les méthodes de l’enseignement ont été chamboulées, des retards d’apprentissage ont été constatés chez les élèves et les inégalités ont été aggravées.

Dans une analyse de la situation actuelle au niveau des écoles marocaines, réalisée par Unicef Maroc à l’occasion de la quatrième Journée mondiale de l’éducation, l’Organisation affirme que la crise sanitaire nous a beaucoup éloignés de l’objectif d’assurer un enseignement de qualité à tous les enfants.

«Unicef plaide pour que chaque enfant puisse dès son jeune âge jouir de son droit au développement, accéder à une éducation de qualité, et avoir de solides bases d'apprentissage dans les premières années et des opportunités de développer les compétences nécessaires pour atteindre son plein potentiel à l'avenir. Toutefois, la situation actuelle dans le monde et au Maroc fait en sorte que cet objectif est loin d’être atteint», souligne Unicef Maroc dans son analyse.

Et d’ajouter que «Les différents rapports et études pré et durant la Covid-19 démontrent un grand gap chez les enfants en termes d’apprentissages». L’Organisation rappelle ainsi que les résultats de l’étude PNEA de l’Instance nationale de l’évaluation relevant du Conseil supérieur de l'éducation de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS) ont montré des difficultés d’apprentissage dans les matières arabe, français, mathématiques et sciences.

Des résultats qui sont en ligne avec les rangs inférieurs que le Maroc acquiert lors des tests internationaux. «Ils reflètent une situation, pré-Covid-19, difficile des apprentissages des enfants au Maroc, notamment chez les plus vulnérables.

L’étude probabiliste de la Banque mondiale sur l’impact de la pandémie a démontré que les pays vont perdre 3,6 à 10,8 mois de moyenne de scolarisation. Cet impact influencera un niveau d’abandon atteignant 7 millions d’élèves à travers le monde (du primaire au secondaire)», indique Unicef Maroc.

La Banque mondiale a également montré que, faute de mesures appropriées durant la période de fermeture des écoles, l’apprentissage effectif d’un élève pourrait diminuer de 6,2 à 5,9 ans et l’apprentissage annuel moyen par élève de 2%. L’Organisation onusienne est également revenue sur l’étude «L’enseignement au temps de la Covid-19» qu’elle a menée en partenariat avec l’INE/CSEFRS.

Cette étude a démontré une faiblesse de la présence des élèves aux cours distanciel due au manque des moyens et ressources, notamment IT et un effet négatif sur les apprentissages des élèves, notamment les plus vulnérables. «Toutes ces études démontrent une situation préoccupante de l'état des apprentissages au Maroc et plaide pour une prise de mesures immédiates et innovantes pour remédier à cette situation, notamment pour les plus vulnérables. Les effets de cette situation dépassent le simple stade de l’apprentissage pour impacter aussi la santé mentale des enfants, des élèves et des parents. Une dimension encore peu prise en considération dans le plan de réponse nationale».

Par ailleurs, Unicef Maroc souligne que les réponses apportées par le Maroc à ce niveau sont encourageantes, à savoir l’ouverture des écoles et l’instauration d’un mode hybride en cas de fermeture, la priorisation de la vaccination des enseignants et la mise en place d’actions pour le renforcement de la composante soutien scolaire.

L’Organisation souligne toutefois que ces mesures demeurent insuffisantes face à la grandeur du phénomène de perte des apprentissages et ne prennent pas suffisamment en compte les effets holistiques de la pandémie sur les enfants. «La pandémie a fait accentuer les maux du système en termes d’apprentissages et d’abandon scolaire notamment pour les enfants les plus vulnérables tels que les enfants qui habitent dans le milieu rural, les enfants en situation de handicap…», déplore l’Organisation.

Ainsi, en plus des mesures prises, l’Organisation onusienne recommande une prise en compte holistique du phénomène, et ce en adoptant une vision de «relance éducative» malgré la situation sanitaire actuelle. «Une relance éducative qui doit intégrer, au-delà des mesures administratives, pédagogiques et de gouvernance, un accompagnement psychosocial des apprenants à partir de l’âge de préscolarisation. Une relance éducative qui prend en compte l’apport d’autres partenaires privé et société civile, mais qui considère et intègre les enseignants et les parents comme une composante principale et une ressource indéniable au service de l’apprenant», explique Unicef Maroc.

Cette dernière assure également qu’une politique de parentalité positive s’impose pour rehausser la conscience autour de l’éducation et l’apprentissage des enfants. Il en est de même pour introduire des innovations dans le système éducatif et aborder la digitalisation de l’éducation avec une approche intégrée.


Questions au spécialiste en Éducation à l’Unicef Maroc

Khalid Chenguiti : «Le renforcement des capacités des enseignants est primordial pour diminuer l’impact des perturbations induites par la pandémie»

Le Matin : La pandémie Covid-19 a eu un impact négatif sur la scolarité et l'éducation des enfants dans le monde. Les études menées au niveau national ont montré que la crise sanitaire a augmenté les inégalités dans le secteur de l'éducation. Quelle analyse faites-vous de la situation de l'enseignement en temps de la Covid-19 au Maroc ?

Khalid Chenguiti : La pandémie mondiale a eu un effet dans tous les pays sur la continuité et la qualité des apprentissages. Les deux rapports mondiaux de 2020 et 2021 réalisés par l’Unicef, la Banque mondiale et l’Unesco montrent que la perte des apprentissages est l’effet le plus important de la pandémie. Elle s’est accentuée dans les pays qui ont opté pour une fermeture prolongée des écoles. La crise a exacerbé les inégalités en matière d'éducation notamment chez les enfants issus de foyers défavorisés, les élèves en situation de handicap et les filles qui se sont heurtées à des obstacles supplémentaires relatifs aux normes sociales, aux compétences numériques limitées et le manque d'accès aux appareils les empêchent de poursuivre leur apprentissage. Notons également que l’utilisation de l’éducation à distance a été entravée par plusieurs obstacles du moins pour une partie des enseignants et enfants particulièrement pour les plus vulnérables d’entre eux. À ce titre, l’évaluation conduite par l’Instance nationale d’évaluation auprès du Conseil supérieur de l’éducation montre que plus de 17% des enseignants n’ont pas eu recours à l'enseignement à distance pendant les périodes de confinement ou de fermeture des écoles localisés pour diverses raisons qui vont de la disponibilité du matériel informatique, à la capacité des enseignants à mettre en œuvre une éducation à distance jusqu’à la disponibilité du matériel chez les enfants eux-mêmes ou le manque de soutien qu’ils reçoivent dans le foyer pour continuer leur apprentissage. Enfin, n’oublions pas aussi que le stress induit par la pandémie à la fois chez les enfants, les parents et les enseignants est réel et qu'il aggrave la reprise normale de l’enseignement et le rattrapage des gaps en termes d’apprentissages.

À cause de la vague Omicron, de nombreuses écoles sont contraintes de fermer leurs portes. Croyez-vous que le Maroc est prêt pour adopter un enseignement à distance équitable et de qualité ?

Permettez-moi d’abord de rappeler que l’Unicef salue la décision du ministère de l’Éducation nationale du préscolaire et des sports de maintenir les écoles ouvertes malgré des vagues successives de circulation des variantes de la Covid-19 en renforçant les protocoles sanitaires. Un travail parallèle est en cours pour renforcer le dispositif d’éducation à distance pour les cas de fermeture d’écoles lesquels restent heureusement limités jusqu’à maintenant. Cependant, deux aspects supplémentaires doivent être pris en compte dans cette relance. Le premier, concerne le renforcement des liens entre l’école et les parents. Si dans des conditions sanitaires normales cet élément est important pour l’éducation des enfants, en période de crise il est crucial pour garantir un soutien aux enfants pour la continuité des apprentissages. Le deuxième est relatif au renforcement des systèmes et programmes de remédiation éducatifs. Dans ce sens, un suivi renforcé de la continuité des apprentissages par les enseignants et la mise en œuvre de programmes de remédiation efficaces sont à instituer et renforcer. Cela va sans dire que le renforcement des capacités des enseignants et leur accompagnement devraient être le centre de tout effort visant la diminution de l’impact des perturbations induites par la pandémie.

Enfin, quelles solutions proposez-vous pour rattraper ce qui a été perdu à cause de la pandémie ?

L’Unicef, et au niveau global, plaide pour un maintien de l’ouverture des écoles bien évidement en accompagnant les établissements scolaires et les communautés éducatives avec les mesures nécessaires pour prévenir les contaminations et assurer une garantie des protocoles sanitaires pour la continuité des apprentissages. Le renforcement du suivi régulier des apprentissages des enfants pour pouvoir évaluer les pertes et les lacunes qui peuvent être induites par la situation de la pandémie dans sa globalité est un deuxième domaine qui doit être renforcé et de façon continue pour palier les pertes induites par les interruptions d’apprentissages, mais également pour la prise en compte des effets phycologiques et stress causés par la situation dans les communautés éducatives et particulièrement chez les enfants en les enseignants. Et c’est le cas au Maroc, des efforts supplémentaires doivent être fournis pour assurer une meilleure qualité de l’éducation à distance quand elle est nécessaire tout en garantissant un lien d’interactivité entre les enseignants et les élèves selon des normes adaptées et maîtrisées. Enfin, l’engagement des parents et familles reste le maillon faible de la réponse à la pandémie en termes de continuité des services sociaux y compris ceux d’éducation. La mobilisation et sensibilisation des parents doit être prise en compte comme étant un élément prioritaire pour garantir un soutien continu aux enfants pour poursuivre et renforcer leurs apprentissages. L’Unicef plaide également pour la mise en place d’un système et de programmes d’appui psychosocial à la fois pour les enfants et les enseignants vu l’effet négatif des perturbations causées par la pandémie sur l’assiduité et la motivation des enfants à poursuivre leur apprentissage, sur le plan du stress causé aux enseignants pour la gestion des différents modes d’éducation, mais également leur vécu personnel et professionnel perturbé. Cette crise offre aussi des opportunités. Elle a mis en évidence que la transformation et l'innovation dans l'éducation sont positives si la technologie est adéquatement utilisée en appui aux enseignants qualifiés et bien encadrés. L'enseignement à distance et hybride est là pour durer, mais des investissements adéquats doivent être engagés pour combler les fossés digitaux et numériques, comme l’a démontré la récente étude menée par l’Instance nationale de l’évaluation avec l’appui de l’Unicef, et soutenir les enseignants pour qu'ils puissent dispenser un enseignement à distance et hybride.

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