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Le Bachelor enterré : le sort des étudiants scellé, retour au système LMD

Plus de 23.000 étudiants se sont inscrits au début de l’année universitaire 2021-2022 en Bachelor. La décision du ministère de l’Enseignement supérieur d’arrêter ce système suite aux recommandations du Conseil supérieur de l'éducation, de la formation et de la recherche scientifique a été un véritable choc pour ces étudiants. Alors que les universités ont commencé à s’organiser pour leur reconversion, les étudiants n’arrivent toujours pas à s’en remettre.

Le Bachelor enterré : le sort des étudiants scellé, retour au système LMD

À peine quatre mois après son lancement, le système Bachelor prend déjà fin. La décision a été annoncée, il y a quelques jours, par le ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Abdellatif Miraoui, qui a affirmé que l’application de cette réforme s’est faite sans se baser sur le cahier des normes pédagogique et sans l’adoption du projet de décret qui le régit. Alors que l’ancien gouvernement a dû batailler pendant des années pour l’adoption de ce système, l’actuel ministre assure que ce dernier a été lancé sans fondement légal et que la livraison d’un diplôme de Bachelor est impossible dans ces conditions.

Il faut dire qu’après un lancement en grande en pompe au début de cette année universitaire, personne ne s’attendait à une telle décision. Et encore moins les 23.000 étudiants inscrits au système Bachelor. Ces derniers ont été choqués par l’annonce du ministre et se sentent aujourd’hui déçus et perdus. D'ailleurs, certains d’entre eux ont organisé des manifestations devant leur université notamment à Rabat, El Jadida et à Marrakech afin d’exprimer leur colère et leur refus de la décision du ministère. «Amertume, désespoir, incompréhension, voilà ce que nous ressentons après l’annulation du Bachelor. Nous étions tellement heureux et motivés d’être la première promotion ayant choisi ce système. Personnellement, je sens que tous les rêves que j’ai bâtis depuis des mois se sont effondrés. Nous n’acceptons pas cette décision que nous ne comprenons pas du tout», nous confie Marwane, 18 ans étudiant à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales-Aïn Chock (FSJES), relevant de l’Université Hassan II de Casablanca où plus de 4.300 étudiants vivent la même situation.

Pour se justifier, le ministre de l’Enseignement supérieur avait affirmé que cette décision intervient suite aux recommandations du Conseil supérieur de l'éducation, de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS) qui avait adressé un avis très critique sur le Bachelor au Chef du gouvernement en décembre dernier. «La décision de l’arrêt du Bachelor a été prise suite à l’avis du Conseil supérieur de l'éducation, de la formation et de la recherche scientifique qui a émis des réserves sur l’adoption de ce système et sur l’opportunité d’ajouter une année supplémentaire au cycle Licence», déclare au «Matin» Mohamed Tahiri, directeur de l’Enseignement supérieur du ministère.

Il est à noter que le Conseil avait ainsi relevé que cette réforme soulève plusieurs difficultés réglementaires, dont l'ajout d'un nouveau cycle parallèle, qui ne garantit pas nécessairement l'efficacité académique. Le CSEFRS avait également critiqué la focalisation du système, durant la dernière année, sur les habiletés sociales au détriment des unités consacrées aux connaissances cognitives. Enfin, dans son avis, le Conseil a souligné que le Bachelor souffre de l’insuffisance des moyens financiers nécessaires pour le redressement de l’université.

Mais pourquoi avoir choisi d’arrêter brutalement le système au milieu de l’année universitaire au lieu d’attendre la prochaine rentrée pour laisser le temps aux étudiants de se préparer au changement, ne serait-ce que psychologiquement ? Selon M. Tahiri, attendre la fin de l’année serait trop tard pour reverser les étudiants dans le système LMD (Licence-Master-Doctorat). «Les modules du premier semestre sont des cours de base qui seront aisément capitalisables dans le cursus dans lesquels les étudiants seront reversés. Plus on avance, plus cette capitalisation sera compliquée. La capitalisation par les étudiants des enseignements qu’ils ont suivis durant le premier semestre est une question cruciale», indique-t-il. Et d’ajouter qu’«il faut insister que tout sera fait pour que le reversement se fasse sans aucun impact négatif sur les étudiants. Tout ce que les étudiants ont fait durant ce premier semestre sera capitalisé au niveau des filières dans lesquelles ils seront reversés. D'ailleurs, ces filières seront de deux types. Soit des filières existantes qui s’apprêtent justement à la capitalisation, soit de nouvelles filières “Licence” qui permettront la capitalisation. Soulignons que dans le reversement, d’éventuelles préférences des étudiants seront bien entendu prises en compte».

Par ailleurs, le directeur de l’Enseignement supérieur nous a révélé que le ministère travaille étroitement avec les universités pour faciliter le reversement des étudiants. «À cet égard, la plateforme de soumission de filières pour accréditation a été ouverte par le ministère pour permettre aux universités d’ouvrir de nouvelles filières Licence pour y reverser les étudiants qui ne peuvent pas être reversés dans des filières existantes. Le ministère et l’Agence nationale d’évaluation et d’assurance qualité (ANEAQ) sont mobilisés pour activer le processus d’évaluation et d’accréditation des nouvelles filières», souligne M. Tahiri.

Au niveau des universités, plusieurs réunions ont été tenues depuis l’annonce du ministère dans le but de s’organiser pour la suite de l'année universitaire 2021-2022 et décider du sort des étudiants inscrits au Bachelor après la suspension de ce dernier. Contacté par nos soins, Abdelkrim Outaleb, doyen de la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Marrakech, affirme que son établissement a réagi suite à la suspension du système Bachelor en tenant plusieurs réunions avec les chefs des départements, les coordonnateurs des filières et la commission pédagogique de la faculté. «L'objet de ces rencontres était de parvenir à des solutions adéquates et convenables pour la suite du cursus des étudiants concernés. La commission pédagogique a pris en considération la situation exceptionnelle de ceux et celles qui ont suivi leurs cours et qui ont passé leur examen dans le système Bachelor», indique M. Outaleb. «La commission a décidé de renverser tous les étudiants, toutes filières confondues, au système LMD en leur préservant leurs droits de capitaliser les modules validés, de dresser un tableau de correspondance des matières des deux systèmes (LMD et Bachelor) en permettant à tous les étudiants de suivre des cours dans les modules rares manquants selon la programmation qui sera affichée très prochainement», poursuit-il.

Le doyen explique, en outre, que la programmation des cours et de la session de rattrapage sera flexible et dans l'intérêt de tous ces étudiants. «Au niveau de la FSJES de Marrakech, la Commission pédagogique et l'administration ont décidé de reporter la session de rattrapage au 20 mars 2022. Dans une approche de proximité et de communication, nous avons organisé 3 rencontres avec les étudiants de toutes les filières : Droit privé, Droit public et Management et sciences de gestion. Ces rencontres avaient comme objectif d'accompagner, d'informer et d'éclaircir ce qui pourrait être ambigu pour les étudiants dans la mise en œuvre de conversion. Nous tenions également à rassurer les étudiants et leur expliquer que la FSJES reste comme d'habitude à la disposition de tous ceux qui auront des difficultés dans leur cursus», rapporte M. Outaleb. Ce dernier estime, par ailleurs, que les étudiants ont tous les atouts et qualités pour s'adapter au changement survenu grâce à leur capacité, leur excellence et leur volonté de réussir.
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Témoignages

Inass, 18 ans, étudiante à la FSJES de Mohammedia

«Je pense que la décision prise par le ministère concernant la suspension du Bachelor est insensée, très décevante et aura malheureusement un impact négatif sur les 23.000 étudiants ayant choisi ce système à travers le Maroc.
Pour moi, cela reflète l'amateurisme des décideurs ; l'annonce ainsi que les arguments avancés par le ministre de tutelle ne sont même pas convaincants. Au contraire, ils ont créé un flou total causant un désarroi auprès des étudiants.
Quant à mon avenir, je ne sais même pas ce qui m'attend et je n'ai plus confiance dans le système universitaire marocain. Et pour cause, les décisions changent à chaque fois, et ce sans prévenir mettant en péril l'avenir des dizaines de milliers d'étudiants. Gros flop M. Miraoui !»

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Ayoub, 18 ans étudiants à FSJES de Marrakech

«Nous avons choisi ce système parce qu’il nous ouvrira des perspectives et des opportunités pour le développement de nos carrières notamment à l’étranger. Beaucoup de moyens ont été mobilisés pour réussir ce défi et nous avions beaucoup d’ambitions. Nous annoncer l’arrêt de ce système que nous avons choisi avec autant de convictions nous détruit. Personnellement, je me sens perdu et j’ai beaucoup de mal à me projeter dans le système qu’on nous propose actuellement. Cela montre que les responsables n’ont aucun respect pour nous, les étudiants. Nous dénonçons cette décision qui a été prise sans aucune raison valable.»
 

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