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Les trois lauréats marocains du Prix « NASA space apps challenge » racontent le récit palpitant de leur aventure

Trois jeunes Marocains viennent de mettre au point une solution de repérage, optimisée par l'intelligence artificielle, permettant de détecter, identifier, quantifier et suivre le plastique océanique en toute autonomie, avec un taux de précision très élevé. Cette solution, qui utilise des données satellitaires en accès libre, est une innovation qui offre une réponse efficace à la problématique de la pollution des milieux marins par les plastiques, qui est tout aussi périlleuse que la pollution atmosphérique. Une innovation pour laquelle le team marocain s'est vu décerner la prestigieuse distinction de la National Aeronautics and Space Administration, mieux connue sous son acronyme : NASA !

C'est l'histoire d'un succès qui ne se dément pas. Celle du génie marocain qui, chaque jour, se révèle présent sur toutes les scènes. Comme l’a si bien confirmé la pandémie de la Covid. Alors que le monde entier retenait son souffle en attendant la mise au point d'un vaccin, c'est à un Marocain qu'a été confiée cette lourde tâche dans le pays de l'Oncle Sam : docteur Moncef Slaoui.

À l'autre bout du monde, en Corée du Sud, cette crise du Covid a fait surgir le nom d’un autre compatriote, celui de Samir Machour, qui figure dans le top 50 du gotha mondial dans le domaine de la santé. Ce dernier avait rejoint les rangs du géant Samsung pour occuper le poste de Senior vice-président et patron à l’international de la qualité et de la conformité règlementaire pour sa filiale Samsung Biologics.

Une aventure qui mérite d’être racontée

L’histoire des trois jeunes marocains qui viennent de remporter le Prix de la National Aeronautics and Space Administration ( NASA) après avoir mis au point une solution de repérage, optimisée par l'intelligence artificielle, permettant de détecter, quantifier et suivre le plastique océanique est une illustration, encore une, du génie marocain. Leur aventure mérite d’être racontée, non pas par chauvinisme mais parce c’est un exemple de courage et de persévérance et c’est la preuve irréfragable qu’à cœur vaillant rien d’impossible. Kaba Salaheddine, docteur en Énergétique (modélisation et simulation avancée), chef du département recherche et développement au Centre marocain des techniques de cuir, lauréat de l'École Mohammadia d'ingénieurs, Abouliz Aymane, responsable du système d’information au Centre marocain des techniques de cuir, licencié en gestion de l’Université Hassan II de Casablanca, et Mitallan Mouhcine, développeur d’affaires et directeur général et cofondateur de la Start-up Inatlantis (désignée par l'Université Columbia comme la meilleure start-up marocaine en 2021), licencié en économie et gestion de l’Université Hassan II de Casablanca, composent l'équipe marocaine qui a remporté le prix du « NASA space apps challenge», catégorie «Global connection» pour sa solution baptisée «Eagle AI».

«“Eagle AI” est une solution qui fait appel à l'intelligence artificielle, par le biais des techniques d'apprentissage automatique, pour traiter les données satellitaires en accès libre. Son objectif : détecter, surveiller et quantifier les débris marins à base de plastique», nous explique Kaba Salaheddine. Ces débris marins font peser une grave menace sur les zones côtières, les océans et les voies navigables. C'est un problème de portée locale, régionale et internationale. Ils mettent en péril la vie marine, nuisent à la sécurité de la navigation, infligent des pertes économiques aux industries halieutiques et maritimes, dégradent la qualité de vie des communautés côtières et présentent une menace pour la santé humaine.

«Eagle AI», une solution qui fait appel à l'intelligence artificielle

Selon les estimations de l'Union internationale pour la conservation de la nature, au moins quatorze millions de tonnes de plastique finissent chaque année dans les océans et comptent pour 80% de tous les débris marins présents, des eaux de surface aux sédiments des grands fonds. «D'où l'idée de cette solution qui combine la technologie géospatiale et de la télédétection et l'intelligence artificielle pour repérer et quantifier les débris marins en plastique, et mieux encore, prévoir de manière dynamique le cheminement de ce plastique dans les océans, ce qui nous procure une longueur d'avance pour gérer des situations compliquées», souligne le docteur-chercheur. «Cette solution puise également ses racines dans ma participation l'année dernière au hackathon portuaire 2020, “Smart port challenge”, organisé par l'Agence nationale des ports. Mon projet consistait à modéliser et simuler la propagation d'une nappe d’hydrocarbures», ajoute M. Kaba. «Techniquement, nous avons exploité les données en accès libre de deux satellites : Landsat 8, qui fournit des images de moyenne résolution, de 30 mètres, de la surface terrestre et des régions polaires, et Sentinel-2 MSI, qui fournit des images multispectrales de haute résolution de 10 mètres. Nous avons ensuite utilisé les données de plus de 600 points pour entraîner et tester l'algorithme d'apprentissage automatique. Vient ensuite le traitement des données (correction atmosphérique, occultation des nuages, calcul des indices). Par la suite, nous avons commencé le processus d'apprentissage automatique par le biais d'algorithmes tels que SVM qui résout les problèmes de classification, de régression ou de détection d'anomalies.

Et la dernière phase a consisté à tester, valider les résultats et calculer la précision. Et les résultats ont été très satisfaisants puisque le taux de précision s'est avéré très très élevé», nous explique-t-il. «Notre participation au hackathon de la NASA est le fruit d'un pur hasard. En fait, je consultais le site de l'agence spatiale à la recherche de formations en ligne et c'est là où j'ai découvert cet événement», nous raconte M. Kaba. «J'ai contacté Ayman et Mouhcine et nous avons décidé de former une équipe. Mon rôle était de développer l'application et eux d'assurer la présentation et le montage du projet», précise-t-il.

Quelque 4.534 équipes représentant 162 pays en compétition

C’est ainsi qu’a commencé l’aventure du trio marocain. Il leur a fallu passer par l’«Universel event» pour soumissionner leur projet (car ils ont manqué le «Local event»). L’enregistrement de l’équipe s'est fait seulement dix jours avant le début de la compétition. Il leur a ensuite fallu des heures et des heures, des nuits blanches de travail acharné, pour consulter des articles scientifiques et collecter des images avérées de débris marins afin d'alimenter l'intelligence artificielle. Le hackathon, qui s'est déroulé les 2 et 3 octobre 2021, comprenait trois phases : «global nominees», «global finalists» and «global winners».

Au départ, l'équipe marocaine était en compétition avec 4.534 équipes représentant 162 pays, dont 243 équipes dans leur spécialité. «C'est à partir de la deuxième phase, celle des «global finalists» où seuls 37 projets ont été retenus, que nous avons commencé à espérer remporter le Prix. Et nous l'avons décroché !» dit M. Kaba avec une fierté légitime. «Nous avons reçu un courriel deux jours avant l'annonce officielle nous informant que nous avions remporté ce Prix. Notre joie était immense et nous avons informé notre entourage proche tout en insistant pour qu'ils ne laissent rien filtrer avant l'annonce officielle, conformément aux souhaits de la NASA», nous confie l’ingénieur. Et cette annonce officielle a été faite le 10 décembre 2021 dans un live par la célèbre astronaute Caddy Coleman.

«Nous devons aussi miser sur l'économie du savoir»

Et pour le futur, le trio marocain voit grand. «Actuellement, les systèmes de détection des débris marins n'en sont qu'à leurs débuts. En raison de la grande variété de tailles, de types, de formes, de flottabilité et de composition chimique de ces débris, la télédétection reste la seule technique susceptible de fournir les données nécessaires pour lutter contre cette menace», souligne M. Kaba. «Nous prévoyons donc de faire évoluer cette application de sorte à la rendre plus performante et à inclure d'autres déchets et substances nocives que le plastique. Nous voulons également que cette solution illustre parfaitement la valeur du génie marocain et qu'elle serve d'abord le Maroc. Notre pays possède deux façades maritimes de 3.500 kilomètres de long et la pollution marine nous concerne au premier chef. Notre Royaume est également mondialement reconnu en tant qu'acteur actif du développement durable et de la protection de l'environnement. Avec plus de travail, cette solution serait en mesure d’apporter des réponses à la fois aux menaces récurrentes et aux catastrophes qui peuvent survenir soudainement en milieu marin», affirme-t-il.

Et à l'attention des jeunes, le docteur-chercheur conseille de toujours viser grand et avoir confiance en soi. Il a également un autre message pour les décideurs et responsables marocains : ayez davantage confiance dans le potentiel des chercheurs marocains, multipliez les événements de type hackathons et soutenez les projets ayant un fort potentiel. «Notre pays avance à grands pas dans sa transition industrielle. Nous devons aussi miser sur l'économie du savoir. En effet, nous disposons de tout un gisement de matières grises qu'il faut absolument mettre en valeur», dit-il en conclusion.

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