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Ukraine-Russie : la guerre médiatique analysée par Michel Boyer

Pour la première fois de l’histoire, une guerre se déroule sous les yeux du monde, quasi en direct, grâce aux réseaux sociaux. Au-delà des tensions sur le terrain et des déclarations des officiels des parties en conflit, c’est aussi une guerre des photos et des médias, plus discrète, qui se joue sur les réseaux sociaux. Mais si du côté de l'Ukraine l'usage des réseaux sociaux et des médias est intense, la Russie vient de décider de se couper des réseaux sociaux et des médias. Le pays a bloqué Facebook, restreint l'accès à Twitter et procédé à un sévère tour de vis contre les médias, introduisant de lourdes peines de prison pour toute diffusion d'"informations mensongères sur l'armée".

Ukraine-Russie : la guerre médiatique analysée par Michel Boyer
Ph. AFP

Le rôle des médias est très important pour permettre au monde de comprendre un conflit et de suivre l’actualité, aussi pénible qu’elle soit. La révolution technologique et celle du digital a changé la manière dont les médias assurent ce rôle d’information. «La multitude des canaux de diffusion et leur accessibilité permettent de suivre l’actualité en simultanée, en particulier à travers les images et les vidéos qui vont permettre d’apprécier la situation sur le terrain. Toutefois, cette pratique a des limites, notamment dans le cadre des réseaux sociaux où il devient très important de valider les sources», indique Michel Boyer, professeur affilié près de l’Institut d’études politiques de l’Université internationale de Rabat. Docteur en histoire des relations internationales et spécialiste en analyse des crises et des conflits armés, M. Boyer explique que cette problématique est accentuée notamment dans le cas des conflits militaires. «Dans le cadre de la guerre en Ukraine, et c’était le cas aussi en Syrie, de nombreuses images retouchées et non réelles circulaient visant à créer une émotion ou à renforcer un argumentaire sur le terrain en fonction des camps ou des personnes qui font circuler ces images. Le problème c’est qu’on n’est généralement pas en capacité, dans l’immédiateté de la circulation de ces images, d’avoir le recul suffisant pour pouvoir porter un regard critique sur ces contenus», explique M. Boyer.

Dans la multitude des informations qui arrivent, il est donc très important de distinguer les informations qui visent la propagande, l’instrumentalisation et la manipulation des opinions de celles qui sont réelles et vérifiées. Par ailleurs, et dans le cadre des réseaux sociaux, «le fait que des images et des vidéos puissent être diffusées en instantané et qu’elles soient accessibles à une échelle mondiale et que les smartphones soient à la portée des acteurs sur le terrain limite un certain nombre de dérives sur le terrain. En effet, dans les cas de violence extrême sur les populations, ces contenus peuvent lancer l’alerte, notamment dans le cas où les médias officiels ne peuvent accéder à ces zones», note l’expert. C’est donc un usage à double tranchant vis-à-vis duquel il faut rester prudent, d’autant plus que ces contenus partagés vont être au cœur de la guerre médiatique que mène un pays face à l’autre.

Selon l’expert, la guerre médiatique menée par les deux parties en conflit reste pour le moment timide et va s’intensifier au fur et à mesure de l’évolution de la situation sur le terrain. Toutefois, pour lui, le Président ukrainien a une présence assez distinguée sur les réseaux sociaux. «Le Président de l’Ukraine communique remarquablement bien, et ce pour un double objectif : montrer que le gouvernement est toujours là et continuer à mobiliser le peuple en appelant à la résistance. Pour les médias russes, je pense qu’il est difficile aujourd’hui de tenter de légitimer cette attaque auprès du monde à travers notamment les réseaux sociaux. Aussi, la Russie ne livre pas assez d’informations et ne laisse rien passer des images des combats», souligne l’expert. Et de conclure que dans cette guerre des médias, le rôle des journalistes est primordial pour rapporter les faits, décrypter la situation et témoigner auprès des instances internationales de la réalité des combats sur le terrain.

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