Le Matin : Est-ce que le jeûne du mois du Ramadan représente un risque pour toutes les personnes âgées ?
Dr Khadija Moussayer : Le jeûne du Ramadan représente un risque certain pour les personnes âgées (PA) souffrant d’une maladie chronique tels un diabète a fortiori traité à l'insuline et non équilibré, une insuffisance rénale ou une maladie cardiaque. Cette pratique comporte également un risque élevé en cas d’antécédent d’infarctus du myocarde, d’épilepsie nécessitant un traitement incompatible avec la période de jeûne. Les principaux dangers sont la déshydratation, l’hypoglycémie et les malaises induisant des chutes et des fractures.
Qui sont les personnes âgées autorisées à pratiquer le jeûne ?
La pratique du jeûne peut être sans risque pour les PA en bonne santé. Néanmoins, il est sage de faire le point avec son médecin traitant, surtout après 75 ans où le jeûne est plutôt à déconseiller. Les personnes âgées ne doivent pas dépasser les exigences physiologiques de leur corps et savoir que leurs «paramètres» physiologiques, très différents d’une personne plus jeune, les obligent à plus de vigilance. En effet, les réserves protéiques de la PA sont amoindries, en état de jeûne, l’organisme va consommer de la masse protéique et aggraver ainsi la faiblesse musculaire observée avec l’avancée dans l’âge.
Quelles sont les complications que peuvent avoir des personnes âgées interdites de jeûne lorsqu’elles s’obstinent à jeûner ?
Des complications très graves, un accident vasculaire cérébral, un infarctus du myocarde ou une insuffisance rénale surviennent par décompensation de pathologies jusqu'à la stabiliser. D’autres peuvent découler de la mauvaise gestion des médicaments du fait de la courte durée de rupture de jeûne. Il existe une grande vulnérabilité des PA par rapport aux médicaments du fait de l’élimination rénale ralentie, de l’accumulation dans les graisses ainsi que de leur passage plus agressif dans le cerveau. Les médicaments restent ainsi en plus grande quantité et plus longtemps dans l’organisme. Prendre de nombreux médicaments au cours d’une courte période sans respecter l’intervalle requis engendre de sérieux effets indésirables. Par ailleurs, la sécheresse buccale fréquente chez la PA, secondaire à la régression des glandes salivaires et à de nombreux médicaments (diurétiques, benzodiazépines, anti-histaminiques…), aggravée par l’absence de consommation d’eau pendant la journée, favorise les mycoses buccales qui peuvent atteindre l’œsophage engendrant des brûlures compromettant la déglutition.
Quelles sont les précautions que les personnes âgées doivent prendre à l'approche du mois du Ramadan ?
Il faut absolument une mise au point sur la situation médicale et nutritionnelle. Afin d’éviter les carences, il faut s’assurer que les ressources dans lesquelles puise le corps sont fournies de manière équilibrée durant la période qui précède celle du jeûne. En effet, l’équilibre nutritionnel de la PA est fragile, les apports nutritionnels sont en général abaissés à cause d’un mauvais appétit et les réserves sont également faibles. Par ailleurs, la PA perçoit mal la soif et son organisme perd davantage d’eau, car le rein résiste plus à l’hormone antidiurétique qui limite les pertes en urine. Le jeûne peut rompre cet équilibre précaire et être à l’origine d’une déshydratation ou d’une dénutrition.
Enfin, quels conseils pouvez donner aux personnes âgées pour passer un bon Ramadan tout en préservant leur santé ?
Une bonne hydratation est requise, car les besoins en eau sont plus élevés chez les PA que l’adulte jeune. De même qu’une activité physique quotidienne de 15 à 30 min pour lutter contre la diminution de la masse musculaire liée à l’âge pouvant être aggravée par le jeûne. Pas non plus d’abus de nourriture toute la nuit, la digestion provoque une élévation de la température du corps, nuisible au sommeil. Dans l’idéal, la prise alimentaire doit s’effectuer au minimum deux heures avant d’aller se coucher.
Lire aussi : Jeûne et diabète : Pas d'impasse sur l’évaluation des risques !