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Un climat des affaires sain et des règles de marchés claires pour booster l’économie marocaine (Banque mondiale)

Le scénario d’une convergence économique du Maroc à l’horizon 2040 suppose un ingrédient déterminant. Il s’agit de l’accélération de la croissance du secteur privé. Cette montée en puissance devra être tirée par les gains d’une productivité plus élevée. La réalisation de ces gains dépendra, selon l’analyse de la Banque mondiale, en grande partie de la capacité de la société marocaine à s’entendre sur de nouvelles règles de fonctionnement du marché qui doivent favoriser davantage une concurrence loyale, encourager l’innovation et l’entrepreneuriat et décourager la recherche de rentes dans l’ensemble des secteurs économiques.

Un climat des affaires sain et des règles de marchés claires pour booster l’économie marocaine (Banque mondiale)

Pour assurer sa convergence économique à l’horizon 2040, le Maroc devra enclencher une véritable accélération de la croissance de son secteur privé. Celle-ci devra ainsi être tirée par les gains d’une productivité plus élevée. La réalisation de ces gains de productivité dépendra en grande partie de la capacité de la société marocaine à s’entendre sur de nouvelles règles de fonctionnement du marché qui favorisent davantage une concurrence loyale, encouragent l’innovation et l’entrepreneuriat et découragent la recherche de rentes dans l’ensemble des secteurs économiques. C’est ce que suggère la Banque mondiale (BM) dans son mémorandum économique sur le Maroc à l’horizon 2040.

>> Lire aussi : Les choix que doit opérer le Maroc pour débrider sa croissance à l'horizon 2040

Selon l’Institution de Bretton Woods, les pays qui ont durablement amélioré le bien-être de leurs populations ont mis en place des institutions efficaces d’appui au bon fonctionnement des marchés de biens et de services, mais aussi des marchés du travail et du capital. Ces institutions doivent accomplir 3 tâches principales : assurer la transparence de l’information concernant l’ensemble des conditions du marché, définir et faire appliquer les droits de propriété et les contrats et promouvoir la liberté économique et garantir les règles de la concurrence.

Des institutions efficaces d’appui au marché sont donc, aux yeux de la Banque, indispensables au succès des solutions de marché. Elles peuvent non seulement promouvoir les opportunités et faciliter la transformation structurelle, mais aussi garantir des résultats à la fois efficients et équitables. Sauf que développer des institutions de marché efficaces constitue une tâche complexe. «Cette tâche n’est pas indépendante de celle visant la bonne gouvernance de l’État et la promotion d’un État moderne, c’est-à-dire un État qui sépare strictement les intérêts publics et privés», précisent les économistes de la BM. Les expériences conduites dans le monde démontrent qu’il n’existe pas de modèle unique valable pour tous. L’organisme financier international alerte sur le risque de «mimétisme institutionnel» que représente la construction d’institutions de façade qui ne font que couvrir d’un voile de modernité des pratiques qui restent archaïques.

En outre, l’analyse des expériences internationales révèle que l’efficience de l’allocation du capital et du travail ainsi que l’efficience de l’intégration économique des différents pays reposent en grande partie sur la qualité de leurs institutions de marché : par exemple, la qualité du régime gouvernant la concurrence, la pertinence du Code du travail par rapport aux conditions locales ou les règles et disciplines gouvernant le système d’échanges extérieurs.

Concurrence : les règles ne sont pas les mêmes pour tous les acteurs, selon la Banque mondiale

La BM recommande vivement dans son rapport d’allouer le capital de manière plus concurrentielle. En effet, les institutions qui promeuvent et garantissent une concurrence loyale entre les acteurs économiques permettent d’allouer les ressources productives, notamment le capital, afin de maximiser leur efficacité. L’ouverture et la transparence créent les conditions de la liberté économique. Elles placent les entreprises sous pression constante d’offrir la meilleure gamme possible de produits, de services et de technologies aux meilleurs prix possibles. Paradoxalement, la concurrence incite les entreprises à innover et à adopter de nouvelles technologies afin de réduire leurs coûts et de pouvoir échapper temporairement à la concurrence.

A contrario, assure BM, lorsque des entreprises réussissent à bénéficier d’avantages particuliers importants, leurs concurrentes ne peuvent rivaliser avec elles loyalement et elles sont donc peu encouragées à innover. Résultat : un affaiblissement du dynamisme économique du secteur dans son ensemble. Incapable d’innover, le secteur se retrouve typiquement dans une situation de désavantage compétitif sur les marchés extérieurs et se rabat alors sur le marché local protégé pour survivre. Dans une société ouverte, la concurrence domine la vie des entreprises, qu’elles soient tournées vers les marchés domestiques ou extérieurs, au plus grand bénéfice des consommateurs. Selon le diagnostic de l’Institution mondiale, l’allocation du capital au Maroc demeure sous-efficiente. En fait, le manque de concurrence et la capacité d’innovation limitée du pays ont des causes multiples. D’abord, la faiblesse du cadre et des autorités réglementaires de la concurrence. Puis, la complexité et l’opacité du climat des affaires. Ensuite, les stratégies sectorielles «top down» aux résultats mitigés. Enfin, un système financier conservateur.

Sur tous ces aspects, le Maroc n’a cessé de progresser depuis une dizaine d’années, mais les changements effectivement réalisés sont restés globalement en deçà des ambitions affichées, soulignent les analystes de la BM. De même, en dépit d’une tradition marchande et d’une population entreprenante, le moteur de la concurrence semble bridé au Maroc. En dépit de hauts niveaux d’investissements principalement financés par des fonds publics, le secteur privé reste relativement étroit et ne se développe pas de façon significative et rapide. La densité de nouvelles entreprises par rapport à la population totale est certes plus élevée que dans d’autres pays de la région, mais faible au regard de nombreux pays émergents.

Un secteur privé peu dynamique au Maroc

Ce manque de dynamisme du secteur privé entrave, selon l’analyse, la transformation structurelle de l’économie nationale et les gains de productivité qui y sont généralement associés et, in fine, la croissance et la création d’emplois décents. Une des raisons de l’écart entre l’investissement, le développement du secteur privé et la croissance réside en partie, d’après le diagnostic de la BM, dans le manque d’ouverture des marchés qui s’explique par des règles du jeu souvent socialement «inéquitables» et économiquement «inefficaces». Bien que certains secteurs aient été libéralisés (par exemple la téléphonie mobile), ces progrès ne peuvent «masquer le manque de concurrence réelle» entre les opérateurs dans de nombreux autres secteurs. De même, souligne la BM, les ententes sur les prix entre les opérateurs subsistent encore au sein de nombreux secteurs. Les experts de la Banque rappellent, par exemple, qu’en 2013, le Conseil de la concurrence identifiait dans le secteur des produits laitiers une entente tacite sur les prix entre les opérateurs du marché et dénonçait un niveau élevé de concentration.

Autre exemple cité par la BM : le secteur du haut débit, fixe et mobile. Ce dernier qui constitue le principal potentiel de développement du secteur des TIC dans les prochaines années, manque de concurrence et souffre d’une régulation que la BM juge «incomplète» et «inefficace» ainsi que du «manque» d’investissements dans les infrastructures. Enfin, l’ouverture mal préparée de certains secteurs n’a pas produit les effets escomptés et s’est parfois opérée au détriment des opérateurs locaux. Ainsi, l’ouverture à la concurrence des transports routiers et maritimes entre 2003 et 2006 n’a pas eu l’impact attendu sur la compétitivité et s’est soldée par une incapacité des acteurs marocains à faire face à la concurrence internationale.

Pourtant, le développement de logisticiens performants proposant une offre fiable et compétitive pourrait impacter de manière significative la réduction des coûts d’exportations et d’importations du Royaume, et améliorerait sa compétitivité sur les marchés internationaux. La mise en œuvre de la stratégie maritime adoptée en 2016 pourrait à cet égard favoriser le développement de services maritimes plus performants et compétitifs. Le cadre réglementaire de la concurrence a été rénové, mais sa mise en œuvre est suspendue depuis 2014 à la nomination effective des membres du nouveau Conseil de la concurrence. Depuis 2009, ce Conseil a joué un rôle actif dans l’évaluation des niveaux de concurrence et l’identification des concentrations et des ententes illicites. L’Institution a fait preuve d’une autonomie qui lui a permis de rendre une quarantaine d’avis et une quinzaine d’études objectives sur l’état des marchés. Il a ainsi activement participé à la vulgarisation et à l’essaimage de la culture de la concurrence au sein des différentes composantes de la société marocaine.

Climat des affaires : la bureaucratie a la peau dure au Maroc, estime la Banque mondiale

Le climat des affaires au Maroc demeure contraignant en dépit des progrès enregistrés, estime la BM. Depuis 15 ans, le Maroc a opéré d’importants changements concernant son environnement des affaires et ses politiques publiques avec l’objectif de moderniser son économie et d’encourager l’efficience et l’innovation. Cette volonté de réforme s’est notamment traduite par l’adoption de nombreuses stratégies sectorielles, des réformes de l’environnement des affaires, la signature d’accords de libre-échange, la modernisation de la gouvernance des grandes entreprises publiques transformées en sociétés de droit privé et le lancement de grands projets structurants en partenariat avec des investisseurs étrangers. Ces transformations se sont également traduites par des évolutions au sein du secteur privé, avec la réforme de la CGEM, qui s’implique activement dans la résolution des problématiques liées aux PME et aux TPE, et l’émergence de nouveaux entrepreneurs désireux de s’impliquer dans les problématiques d’intérêt public.

Le Comité national de l’environnement des affaires (CNEA), présidé par le Chef du gouvernement, a notamment permis de rassembler les acteurs publics et privés dans une dynamique commune de réformes. Les efforts consacrés par le Maroc pour améliorer le climat des affaires ont été reconnus dans de nombreux classements internationaux, tels que celui du «Global Competitiveness Report» du Forum économique mondial ou celui du «Doing Business» de la BM. Dans ce dernier, le Maroc a progressé de la 129e à la 68e place entre 2010 et 2016 grâce notamment aux réformes concernant la création d’entreprises. Toutefois, le climat des affaires reste encore perçu par la plupart des acteurs comme trop imprévisible et bureaucratique, et n’inspire pas le degré de confiance dont les opérateurs économiques ont besoin pour investir à moyen ou à long terme. Les experts de la Banque assurent, par ailleurs, que l’importance des contraintes liées à la lourdeur, à la lenteur, à la complexité et à l’opacité des procédures et formalités administratives est régulièrement confirmée par les enquêtes auprès des entreprises.

Les contraintes les plus fréquemment évoquées par le secteur formel sont la corruption, la concurrence du secteur informel, le faible niveau d’instruction de la main-d'œuvre et un accès difficile au financement.

Pour les TPE et PME, ces barrières peuvent se révéler insurmontables. La corruption est liée en partie aux procédures longues, complexes et opaques pour obtenir les autorisations commerciales et industrielles au niveau local, notamment en raison d’un cadre légal ou réglementaire peu lisible et qui donne souvent aux administrations un pouvoir d’interprétation discrétionnaire. Elle est également liée aux abus des contrôles fiscaux. Autre contrainte et pas des moindres : l’accès au foncier industriel qui reste difficile malgré le lancement de plusieurs plateformes industrielles intégrées (P2i). Des barrières non tarifaires obsolètes compromettent l’accès à des intrants internationaux pour un coût raisonnable et entravent le développement de certaines industries locales.

À cela s’ajoutent l’absence de transparence et la complexité dans les procédures d’attribution des subventions et d’autres formes de soutien public qui en font un système relativement peu efficient régulièrement confirmés, d’ailleurs, par les baromètres de la CGEM qui indiquent que les dirigeants d’entreprises ont une vision plutôt négative du climat des affaires. Au total, ces nombreuses distorsions de marché ont d’importants effets négatifs sur la productivité du Maroc. Sur la base des enquêtes auprès des entreprises de la BM, il est estimé que les distorsions de marché dans le secteur manufacturier pourraient expliquer un «déficit» de productivité totale des facteurs de l’ordre de 56% par rapport à certains pays plus avancés affichant moins de distorsions. En d’autres termes, réduire une partie de ce déficit au cours des 25 prochaines années pourrait accélérer de façon significative la croissance annuelle du secteur manufacturier et du PIB total du Maroc.

Stratégies sectorielles : des résultats en deçà des objectifs escomptés

Le diagnostic de la BM pointe les stratégies sectorielles dont les résultats sont jugés mitigés. Dans les années 2000, le Maroc avait lancé une série de stratégies sectorielles pour corriger les défaillances systémiques ou les dysfonctionnements de plusieurs secteurs et encourager des projets d’investissements. Dans ce contexte, l’État avait participé à la création de «distorsions positives» pour encourager la réalisation d’investissements, notamment à travers des incitations fiscales et financières, des facilités d’accès au foncier et aux financements en plus de procédures administratives simplifiées combinées à des investissements dédiés en matière d’infrastructures.

Ces stratégies ont touché tous les secteurs : le Plan Azur et Vision 2020 pour le tourisme, le Plan Maroc vert pour l’agriculture et l’agrobusiness, le Plan Halieutis 2020 pour l’industrie de la pêche, Maroc Export Plus pour les exportations, le Plan émergence (2005) pour l’industrie, suivi du Pacte national pour l’émergence industrielle (2009-2015) et du nouveau Plan d’accélération industrielle (PAI 2014-2020). Toutefois, à ce jour, ces stratégies n’ont pas conduit au changement structurel de l’économie marocaine escompté. Malgré des succès industriels incontestables (automobile, aéronautique, agrobusiness), l’impact de ces feuilles de routes sectorielles reste mitigé au regard de leurs ambitions systémiques et des difficultés auxquelles la majorité des entreprises continuent de se heurter. En particulier, le Plan Emergence (2009-2015) qui visait à créer 400.000 emplois à l’horizon de 2015 n’a pas eu les effets escomptés.

Le programme initial de mise à niveau n’a eu que des effets limités sur l’efficacité technique des entreprises bénéficiaires. Les initiatives publiques lancées à travers la réalisation des plateformes industrielles intégrées (P2I) n’ont permis de répondre que partiellement à la problématique d’accès au foncier en adéquation avec les besoins de l’entreprise, en raison notamment des choix de localisation et des prix pratiqués. En témoigne le fait que certaines de ces P2I ont attiré moins de dix entreprises. Une des raisons principales de ce revers est qu’une stratégie d’industrialisation ne peut pas se résumer à des politiques de soutien sectoriel, même bien coordonnées. Mais celle-ci doit également s’appuyer sur des politiques transversales à même de créer un environnement fertile pour tous les acteurs, y compris pour ceux qui n’existent pas encore et ne peuvent donc pas se faire entendre.

Dans ce cadre, les objectifs du nouveau PAI (2014-2020) semblent eux aussi très ambitieux. Ils consistent à augmenter la part de la valeur ajoutée manufacturière de 14% du PIB en 2014 à 23% en 2020 et à créer 500.000 emplois nets dans le processus. Or la réalisation de ces objectifs suppose que la croissance du secteur manufacturier, qui a historiquement oscillé autour de 2,5% par an, puisse accélérer et se maintenir à hauteur de 15% par année pendant 6 ans. Ce qui serait une performance sans précédent dans l’histoire économique récente des nations. Au cours des 3 premières années du plan (2014-2016), force est de constater que la croissance du secteur manufacturier est restée dans sa tendance historique tout comme la faible création nette d’emplois industriels. À la fin de 2016, 43 écosystèmes ont été lancés dans 12 secteurs industriels et près de 167.000 emplois ont été annoncés dans le cadre de conventions d’investissement.

De nouvelles mesures de soutien et d’incitation à l’investissement ont également été annoncées, y compris l’exemption d’impôt sur les sociétés pendant 5 ans pour les industries en création, le développement d’au moins une zone franche par région, l’octroi du statut de zone franche aux grandes industries exportatrices, l’obtention du statut d’exportateur indirect pour les sous-traitants, et la mise en place d’appuis renforcés aux régions les moins favorisées. Ces nouvelles incitations, en l’absence de ciblage et de par le suivi administratif qu’elles impliquent, risquent de créer des effets d’aubaine et d’encourager des activités qui ne répondent pas nécessairement aux avantages comparatifs de l’économie marocaine.

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