L’industrie du capital-investissement au Maroc pourra espérer un nouveau décollage à partir de cette année. Le projet d’amendement de la loi n° 41.05 régissant les Organismes de placement collectif en capital (OPCC), adopté en mars dernier en Conseil de gouvernement, devra entrer en vigueur d’ici la fin de l’année. «Ce projet de texte est actuellement en examen au Parlement. Je suis convaincue que ce nouvel amendement de la loi sur les OPCC marquera un nouveau point d’inflexion dans le développement du capital-investissement régulé dans le Royaume.
Ce projet de texte vise principalement à accroître l’attractivité du cadre légal régissant les OPCC et renforcer le rôle du capital-investissement régulé dans le financement de l’économie», souligne Nezha Hayat, directrice générale de l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC), lors de l’ouverture de la dixième Conférence annuelle du capital-investissement, organisée par l’Association marocaine des investisseurs en capital (AMIC) le 31 mai à Casablanca. Selon Hayat, le principal apport de ce nouveau cadre juridique est l’introduction des OPCC à règles de fonctionnement allégées ou OPCC-RFA, réservés à une nouvelle catégorie d’investisseurs : les investisseurs professionnels. Cette réforme, poursuit la patronne de l’AMMC, permettra la mobilisation de nouveaux fonds en faveur du financement alternatif des entreprises marocaines. Les OPCC-RFA auront également la possibilité d’octroyer des prêts. D’autres dispositions visant à clarifier et à assouplir les conditions d’agrément ainsi que le mode de fonctionnement des OPCC ont été introduites dans cette réforme. Celle-ci prévoit également des dispositions relatives à la modification de la procédure d’octroi de l’agrément, ainsi que de nouvelles dispositions portant sur l’amélioration du fonctionnement des organismes de placement, notamment en ce qui concerne la clarification du processus de dissolution et de liquidation de ces organismes, la fixation des délais d’agrément de ces structures et de leurs sociétés gestionnaires ainsi que l’élargissement des cas de retrait d’agrément des sociétés gérées par l’AMMC. Rappelons que cette réforme a été appuyée par le Programme conjoint pour le développement des marchés financiers (J-CAP), créé par la Banque mondiale et la Société financière internationale en 2017 pour soutenir le développement des marchés de capitaux dans certains pays cibles. Au Maroc, ce programme a été lancé en 2019 et couvre notamment les secteurs prioritaires que sont le financement des infrastructures, des PME et du logement.
Fluidifier le circuit d’approbation des demandes d’agréments des OPCC
Et ce n’est pas tout. Dès la publication de la nouvelle loi au Bulletin officiel, le régulateur du marché des capitaux projette l’élaboration, cette année, d’une circulaire dédiée à l’activité de gestion des OPCC. Selon Nezha Hayat, «cette circulaire qui ne pourra être homologuée qu’après publication de la loi sur les OPCC, va prévoir, d’une part, une meilleure gestion des moyens des sociétés de gestion des OPCC en les adaptant à la nature et à la taille de l’activité exercée et, d’autre part, le renforcement de la protection des investisseurs en introduisant des mesures relatives aux dispositifs de gestion des risques ainsi que de prévention et gestion des conflits d’intérêts». Par ailleurs, assure Hayat, conformément à ses actions prioritaires et afin de fluidifier le circuit d’approbation des demandes d’agréments des OPCC, l’AMMC mettra à la disposition des sociétés de gestion d’OPCC dès cette année, de modèles types de règlement de gestion de ces organismes.
Ces derniers, qui ont été partagés avec l’AMIC pour un dernier avis, seront adaptés aux dispositions de la nouvelle loi sur les OPCC dès sa publication. «L’utilisation de ces modèles types par les sociétés de gestion des OPCC va permettre un gain de temps très important dans le processus d’agrément des nouveaux fonds», fait valoir la DG de l’AMMC qui formule le souhait qu’une nouvelle dynamique de développement du capital investissement soit enclenchée à partir de cette année. «Je peux affirmer que le nouveau cadre réglementaire offrira un environnement propice au développement du capital-investissement afin que ce dernier puisse contribuer au financement des entreprises», promet Hayat. Aujourd’hui, estime-t-elle, cette contribution demeure «très limitée» au Maroc. La preuve, en 2021, les montants investis par les fonds de capital-investissement ne représentaient que 0,08% du PIB. Chez les voisins européens, ce ratio est en moyenne de 0,74% avec des niveaux nettement supérieurs dans des pays comme le Royaume-Uni (1,43%) et la Norvège (1,55%).
Améliorer la participation du capital investissement au développement économique
Pour la directrice générale de l’AMMC, le défi pour l’ensemble de l’écosystème du capital investissement consistera à améliorer la participation de ce dernier au développement économique du pays, et ce en opérant une augmentation significative de la taille de cette industrie. En plus de la nouvelle loi et du projet de circulaire, l’AMMC planche sur l’édition de fast-tracks afin d’accompagner et orienter les sociétés de gestion afin qu’elles puissent répondre aux critères des cahiers des charges des différents appels à manifestation d’intérêt du Fonds Mohammed VI pour l’investissement.
De même, l’AMMC prévoit de poursuivre cette année l’accompagnement de la profession dans la dissémination des bonnes pratiques et ce en utilisant les dispositifs doctrinaux établis par le régulateur. Des guides et recommandations seront ainsi mis en place en partenariat avec l’AMIC et porteront entre autres sur l’encadrement des modalités de valorisation des actifs à leurs sorties des Fonds et la fin de vie des OPCC. Autre action attendue cette année, conformément aux engagements qui ont été pris pour aligner le marché des capitaux sur les Objectifs de développement durable (ODD), l’AMMC prévoit la publication cette année d’un guide thématique relatif à l’intégration des critères ESG dans la gestion des OPCC. «J’espère que cette année sera celle du lancement effectif des sous-fonds du Fonds Mohammed VI pour l’investissement qui devraient constituer une opportunité à saisir par l’industrie du capital investissement en vue de son développement». L’AMMC s’engage à mettre toutes les diligences nécessaires pour accompagner les sous-fonds régulés qui découleront du Fonds Mohammed VI pour l’investissement.
Fonds Mohammed VI : Un produit de dette subordonnée en gestation
Le Fonds Mohammed VI envisage de compléter le cadre de son intervention en structurant un nouveau produit de dette subordonnée assimilable au capital ou quasi capital. «Ce produit sera proposé aux entreprises marocaines de manière jumelée avec un crédit bancaire, sur une durée plus longue que celle de la dette senior, et ce dans le but d’inciter les entreprises à réaliser leurs projets d’investissement et dépasser la contrainte d’apport des fonds propres exigés par le système bancaire», explique Mohammed Benchaâboun, directeur général du Fonds, lors de son intervention à la conférence. Selon le responsable, ce produit présente un certain nombre d’avantages pour les entreprises.
D’abord, il permettra de renforcer les fonds propres et, de ce fait, faire levier sur la dette classique. Ensuite, il présente un caractère qui n’est pas dilutif puisqu’il ne constituera pas d’entrée dans le capital. Enfin, il dispose de modalités souples pour sa mise en place avec l’appui du système bancaire permettant ainsi de massifier la démarche auprès de l’entreprise. Le succès de ce produit passera par la mobilisation de l’ensemble des acteurs de la place à savoir le marché bancaire qui sera chargé de la distribution de ces prêts subordonnés, les investisseurs institutionnels qui seront aux côtés des Fonds dans le cadre du véhicule qui sera préparé à cet effet et les sociétés de gestion qui seront chargées de la gestion de ces fonds.Investissement en capital régulé : un actif sous gestion de 2,3 milliards de DH en 2022
L’écosystème du capital-investissement régulé au Maroc compte aujourd’hui 13 sociétés de gestion et 11 fonds d’investissement, dont 7 OPCC destinés au financement des PME et des startups. À fin 2022, l’actif net total géré par les sociétés de gestion des OPCC a atteint 2,3 milliards de DH, en hausse de 65% sur un an. Durant le même exercice, trois OPCC ont levé 634 millions de DH de capitaux, soit plus de la moitié des montants levés par l’industrie du capital-investissement dans son ensemble. Les levées cumulées aux OPCC-OPCR depuis leur démarrage s’élèvent à plus de 4,2 milliards de DH dont 1,8 milliard (40%) sur les deux derniers exercices. Selon les données de l’AMIC, après une forte baisse de la part des investisseurs marocains entre la première et la troisième génération de fonds (de 73% entre 2000 et 2005 à 34% entre 2012 et 2016), une hausse marquée des investisseurs marocains a été constatée ces dernières années (46% entre 2017 et 2022). En cumul, les capitaux étrangers représentent 54% des levées de fonds réalisées.
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