Les migrants ruraux au Maroc sont plus actifs que l’ensemble de la population rurale. En effet, le taux net d’activité des hommes migrants est de 84,2 % contre 78,8 % pour les hommes ruraux non migrants. De même, celui des femmes migrantes est de 17,8 % contre 11,4 % pour les femmes rurales non migrantes. Le constat est du Haut-Commissariat au plan (HCP) consenti dans sa dernière édition des « Brefs du Plan ». L’analyse indique que la structure par âge de chacune de ces catégories de la population expliquerait, en partie, les écarts de taux d’activité entre les migrants et les « restés sur place », étant donné que la pyramide des âges des premiers est plus jeune. Autre constat : les hommes migrants sont légèrement moins exposés au chômage que les ruraux, le taux de chômage s’élevant à 7,8 et 8,3% respectivement. En revanche, les femmes migrantes connaissent le même taux de chômage que les femmes rurales (26,5% contre 26,2%). La répartition des migrants ruraux selon le type d’activité révèle que la majorité des hommes sont soit des actifs occupés, à raison de 61,1 %, soit des étudiants, 22 %. Par contre, les femmes sont pour la plupart des femmes au foyer, à raison de 58,1%, ou des étudiantes (15,9%). Cette situation peut s’expliquer, en partie, par ce qui a motivé la migration : l’emploi pour les hommes et le regroupement familial pour les femmes.
Les plus instruits quittent en premier la campagne
Un peu moins du tiers (30,8 %) des migrants ruraux sont analphabètes, un taux moindre que celui de l’ensemble de la population rurale (47,5%). Les femmes issues de l’exode rural sont, en proportion, plus marquées par l’inaptitude à lire et à écrire que les hommes (39,2% versus 19,8%). La population migrante se caractérise également par un niveau d’éducation significativement plus élevé que celui de la population rurale. Environ 5,8% des migrants disposent du niveau supérieur (contre 1,5% des ruraux), le quart (25,1%) a un niveau secondaire collégial et qualifiant (contre 13,7% en milieu rural) et 31,4% ont un niveau primaire (contre 30,1% en milieu rural). Selon l’analyse du HCP, ce résultat suggère que la scolarisation est un facteur favorisant l’exode rural dans la mesure où, d’une part, les ruraux scolarisés sont plus disposés à quitter les campagnes pour poursuivre leur éducation ou chercher du travail et, d’autre part, il est plus facile de scolariser les enfants en milieu urbain plus qu’en milieu rural. Notons que quatre régions du Royaume attirent près de 6 migrants sur 10. Naturellement, Casablanca-Settat tient la corde avec 16,3% de l’exode rural, suivie de Fès-Meknès (13,9%), Tanger-Tétouan-Al Hoceima (13,2%) et de Souss-Massa (12,8%). Les bassins migratoires les plus importants sont essentiellement la région Marrakech-Safi, le plus grand pourvoyeur de l’exode rural national avec 17 %, la région Fès-Meknès (14,6%), Tanger-Tétouan-Al Hoceïma (11,6%) et Souss-Massa (11%), soit au total 54,3%.
Exode rural : la féminisation s’accentue
Depuis les années 90, le HCP constate que la composition par sexe des migrants ruraux connaît d’importantes mutations dans le sens d’une féminisation accrue. En effet, la femme rurale participe à la migration à plusieurs titres. D’abord de sa propre initiative dans le cadre d’une migration autonome ou à la recherche de conditions de vie meilleures, ensuite comme accompagnatrice de l’homme en tant que conjointe ou membre de la famille, ou encore comme responsable du ménage. La féminisation accrue des flux migratoires ruraux, par l’ampleur qu’elle a acquise, les changements qu’elle traduit et les mutations qui l’accompagnent quant au statut et à la condition de la femme marocaine, entraîne une relative modernisation des comportements démographiques de celle-ci. En témoigne l’utilisation accrue des moyens de contraception, le recul de l’âge d’entrée en union et leur corolaire : la baisse de la fécondité rurale. Ce caractère féminin de l’exode rural est confirmé par les données relatives à la migration entre 2009 et 2014. La population migrante rurale compte plus de femmes que d’hommes, avec un taux de féminisation qui s’élève à 55,5%. Selon l’analyse, l’âge est un facteur-clé dans toute migration, dans la mesure où celle-ci sélectionne essentiellement des jeunes. C’est ce que confirment également les données du Recensement générale de la population en 2014. Les migrants ruraux vers les villes sont majoritairement jeunes : un peu moins de la moitié (41,3%) ont entre 15 et 29 ans, alors qu’ils constituent 26,8 % de la population rurale. En revanche, 10,2% des migrants ruraux ont plus de 50 ans, alors qu’ils sont 17,7% de la population rurale. Ainsi, le milieu rural est privé d’une partie de sa population la plus entreprenante, d’un « capital humain pour son développement » si les moyens lui sont disponibles. Fait remarquable, le statut matrimonial des migrants se caractérise par la prédominance du mariage : 67 % sont mariés contre 60% des ruraux ; 27,3% sont célibataires (contre 33,2%) et 5,6% sont divorcées ou veuves (contre 6,8%).
Croissance démographique des villes : la contribution de l’exode rural en baisse
L’effectif total des personnes qui ont quitté les communes rurales pour s’installer dans les villes entre 2009 et 2014 s’élève à 760.000 personnes, soit un flux moyen de 152.000 migrants par an. Cet exode rural représente près de 20,7% de l’ensemble de la population migrante interne et 1,1% de la population rurale du Maroc en 2014. La contribution de l’exode rural à la croissance démographique des villes est en baisse. Estimée approximativement à 43 % entre 1971 et 1982, 40% entre 1982 et 1994 et 35% entre 1994 et 2004, cette contribution s’établit à 33% sur la période 2004-2014. La baisse du poids de l’exode rural dans l’accroissement démographique urbain peut être expliquée par la rétention relative exercée par la campagne sur ses populations grâce aux efforts de développement du monde rural, notamment dans les domaines de l’électrification, de l’alimentation en eau potable, de la construction d’écoles et du désenclavement par le développement du réseau routier. En outre, le développement des moyens de communication et de transport et la diffusion de l’information véhiculée par les médias (télévision par satellite, radio, téléphone, etc.) sont devenus, également, des facteurs importants de rétention des ruraux dans les campagnes, agissant à l’inverse de l’attractivité séculaire des villes. Ceci étant, le milieu urbain continue de gagner de plus en plus d’espace aux dépens du milieu rural à travers la multiplication du nombre des villes et des centres urbains et du fait de l’extension de leurs périmètres.
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