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Héritage, mariage des mineurs, avortement... les libertés fondamentales vues par un collectif d'intellectuels

Un collectif composé de personnalités marocaines de profils complémentaires vient de publier le résultat d’un travail entamé l’année dernière sur les libertés fondamentales au Maroc. Héritage, mariage des mineurs, garde des enfants... le collectif propose des pistes de travail avec des révisions de textes de la Moudawana.

Héritage, mariage des mineurs, avortement... les libertés fondamentales vues par un collectif d'intellectuels

«Les Libertés fondamentales au Maroc : Propositions de réformes» est l'intitulé d'un ouvrage rédigé par un groupe d'auteurs de travail pluridisciplinaire, qui vient d'être édité en arabe et traduit en français par les Éditions Le Fennec. Ce collectif, constitué dès le printemps 2022, réunit huit citoyens et citoyennes de profils complémentaires : Asma Lamrabet, Yasmina Baddou, Monique Elgrichi, Khadija El Amrani, Driss Benhima, Chafik Chraïbi, Mohamed Gaïzi et Jalil Benabbés-Taarji.

Les auteurs de cet ouvrage appellent au renforcement des libertés fondamentales au Maroc et, notamment, à une nouvelle réforme de la Moudawana et aux adaptations nécessaires, 19 ans après sa précédente réforme. C'est sur la base de ce constat que les auteurs ont estimé opportun et nécessaire d'engager une réflexion de fond, pour capitaliser pleinement sur les acquis de la Moudawana et renforcer, remodeler et rehausser notre arsenal juridique en la matière.

«L’idée fondatrice est de croire que le principal levier vers toute amélioration des conditions de la vie matérielle et immatérielle d’une société et d’une nation sont des citoyens et citoyennes marocains démocrates, libres, éclairés et dotés d’une conscience critique et rationnelle capable de produire des richesses et des idées innovantes», indiquent les auteurs en préambule.

Ils notent, par ailleurs, qu’ils ont tenu à consulter des Oulémas marocains pour recueillir leurs avis sur les questions traitées comme l’héritage, le testament, le divorce, le mariage des mineurs… Ces derniers les ont confortés dans leur démarche en indiquant que les questions soulevées sont une étape importante pour la réforme et doivent être sujettes à discussion et à révision. «Les efforts doivent être intensifiés afin de trouver des solutions en passant, s’il y a lieu, par la création d’une cellule de concertation afin d’élaborer une pensée réfléchie, sereine et pragmatique qui transcende les différents imaginaires», indiquent les Oulémas. Le collectif propose dans cet ouvrage des pistes de travail et de réforme organisées en quatre chapitres : la Constitution, la Moudawana, le Code pénal et le Code de la nationalité.

En ce qui concerne la Constitution, le collectif propose l’amendement de l’article 3 qui stipule que la religion de la majorité des Marocains est l’Islam, dont le garant est Amir Al Mouminine qui garantit à toutes et à tous le libre exercice des religions, de cultes et la liberté de conscience. Le collectif considère, en effet, que la liberté de culte, de conscience et de religion, non traitée dans la Constitution de 2011, fait partie des libertés fondamentales individuelles universelles.
 

Héritage : pour plus d’équité homme-femme

Dans un contexte social différent, où la femme devient un acteur actif, le collectif estime logique de réformer les lois sur l’héritage pour aller vers plus d’équilibre homme-femme. Conscient de la complexité de ce point, le collectif avoue l’avoir traité avec prudence et s’être contenté de traiter certains points «minutieusement choisis qui, une fois adoptés, marqueront une avancée incontestable vers une meilleure équité dans l’héritage». Il s’agit notamment du testament, «Taâssib» (héritage par agnat) ou encore l’héritage des femmes étrangères.

Héritage : pour plus d’équité homme-femme

L’autre sujet fondamental traité par ce collectif est celui du mariage des mineurs. Théoriquement interdit depuis 2004, la loi est souvent violée ou contournée. Des milliers de filles se trouvent donc mariées avant l’âge de 18 ans. La Moudawana prévoit, en effet, des cas exceptionnels pour l’octroi d’une autorisation par le juge pour marier des garçons ou des filles avant la majorité. «Lorsque le juge donne son accord, sa décision est irrévocable et l’épouse mineure n’a droit à aucun recours», notent les auteurs. Ces dérogations légales accordées s’avèrent être beaucoup plus fréquentes et donc le problème reste posé. Pour le collectif, il faut abolir ces dérogations exceptionnelles qui deviennent la règle en adoptant un nouvel article de la Moudawana qui donne le droit à la mineure mariée contre sa volonté, une fois arrivée à l’âge adulte, d’attaquer en justice celui qui l’a obligée à se marier, que ce soit le père, la mère ou autre.

Garde des enfants après le divorce, les deux parents doivent avoir les mêmes droits

«C’est parce que les enfants se retrouvent automatiquement privés de l’un ou l’autre de leurs parents, avec un droit de visite qui ne dépasse pas un jour par semaine, qu’il faut d’une part donner la possibilité dans le cadre de la procédure légale de divorce de mettre en place une garde partagée, applicable tant à la mère, qu’au père et, d’autre part, étendre le droit de visite à plus qu’un jour par semaine lorsque le choix s’est porté sur la garde exclusive de la mère», indique le collectif. Les auteurs proposent dans ce sens la possibilité pour le père de réclamer dans le cadre de la procédure de divorce la garde alternée afin de permettre à l’enfant de jouir de la présence de ses parents dans son éducation, nonobstant leur divorce et leur remariage après leur divorce, à condition que l’enfant ait atteint l’âge de 4 ans.
Le collectif propose également l’abrogation de l’article 174, qui stipule que le mariage de la femme qui assure la garde, autre que la mère, entraîne la déchéance de la garde, sauf si son époux est un parent de l’enfant avec lequel il a un empêchement à mariage ou s’il est son représentant légal, ou si elle est la représentante légale de l’enfant.

Avortement : l'âge du fœtus à prendre en considération

L'avortement au Maroc est puni par la loi d'une peine de prison ferme. Il n'est autorisé que si la vie ou la santé de la femme enceinte est en danger. Pourtant, rapporte le collectif, entre 500 et 800 interruptions de grossesse sont pratiquées illégalement tous les jours et en secret pour la majorité. Pour le collectif, il y a une nuance à faire par rapport à l'âge du fœtus. Les signataires demandent ainsi que l’avortement médical de grossesse ne soit pas puni quand il est pratiqué sur un embryon qui n’a pas dépassé 12 semaines et quand il vise à sauver la vie ou la santé physique ou mentale de la mère et qu’il est ouvertement pratiqué par un médecin ou un chirurgien.

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