En matière d'aménagement paysager urbain dans les villes marocaines, il y a de quoi s'inquiéter. L'invasion des villes par des palmiers, au détriment des arbres, suscite de fortes préoccupations.
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Les écologistes déplorent une plantation de palmiers «anarchique, intense et irresponsable»
«La plantation de palmiers, notamment de la variété Washingtonia, a été standardisée au Maroc et cela est grave», déplore Salima Belemkaddem, présidente de l'association «Maroc Environnement 2050». Cette ingénieure paysagiste, forte de 20 ans d'expérience, s'est engagée dans la voie du militantisme environnemental pour, comme elle le dit, «arrêter le massacre». «Le Maroc est classé numéro 2 en termes de biodiversité dans le bassin méditerranéen. Nous avons sept étages bioclimatiques, et donc sept régions bioclimatiques, chacune avec ses propres arbres et son propre couvert forestier», indique la présidente de «Maroc Environnement 2050» dans une déclaration au «Matin». «Comment peut-on venir et planter de manière anarchique, intense et irresponsable un seul végétal, le palmier ?» s'interroge-t-elle. Un végétal qui, de surcroît, «nous vient de très loin, du désert d'Arizona, et n’a rien à voir avec nos essences et couverts forestiers et végétaux spontanés».
L'association «Maroc Environnement 2050» appelle à planter des arbres
«Un arbre, c'est merveilleux, c'est magique même !» affirme Mme Belemkaddem. «C'est fou ce qu'un arbre peut apporter : ombre, fraîcheur, fixation des poussières, fixation des particules ultrafines dues à la pollution, le tout sans parler de l'apport majeur en termes de création d'oxygène et de séquestration de CO2, ainsi que la stimulation de l'effet de saisonnalité», explique l'ingénieure paysagiste. Et même pour ceux qui avancent que les palmiers sont préférables aux arbres sous prétexte du déficit en eau, Mme Belemkaddem récuse cette argumentation. «80% du territoire marocain est soumis aux climats semi-arides, arides et désertiques, et seulement 20% au climat humide. C'est pourquoi nous devons planter davantage d'arbres. Les arbres contribuent considérablement à la conservation de l'eau, en particulier dans les zones urbaines. Leur système racinaire réduit l'érosion des sols et retient l'eau de pluie, ce qui atténue le risque d'inondation. En revanche, le système racinaire des palmiers est moins développé et leur capacité à retenir l'eau est moindre». Et puis bien sûr il y la biodiversité ! «Où les oiseaux vont-ils se cacher, nicher ? Il en va de même pour les insectes, qui sont le fondement de la biodiversité».
Plantation de palmiers : Un lobby à l'origine de cette situation ?
Selon la présidente de «Maroc Environnement 2050», il y a certainement un lobby de palmiers qui pousse à cet envahissement des villes marocaines par cette espèce de végétaux. Cette plantation massive de palmiers obéit avant tout à une logique de gain financier. «Un palmier de type Washingtonia d’un mètre coûte environ 500 dirhams, soit plus que ce que peut coûter un arbre de cinq ans avec tous ses bienfaits. Un palmier de huit mètres se vend 10.000 dirhams, plus cher qu'un arbre de dix ans», nous explique Mme Belemkaddem. Mais pour elle, «le gros du travail doit être fait ailleurs». «Se lancer et tenter de faire front face à un lobby ne se fait aucunement, et ce partout dans le monde. C'est plutôt auprès des élus qu'il faut agir», souligne-t-elle. Et à cet égard, «Maroc Environnement 2050» fait preuve de beaucoup d'activité. «Pas moins de 25 correspondances ont été envoyées aux présidents de communes, et certains commencent à réagir positivement, comme c'est le cas du président de la commune de Chichaoua».
Appel à la mise en place d'un plan paysager pour chaque ville
Devant pareille situation, le ministère de l'Intérieur se doit d'intervenir et de diffuser une circulaire en direction de tous les présidents de commune afin d'arrêter la plantation de palmiers et de procéder à un reboisement systématique de leurs collectivités. «Un reboisement massif mais paysager», précise l'ingénieure paysagiste, soutenant que «toute ville doit être soumise à un plan paysager qui prend en compte ses particularités». Un plan paysager qui tient compte, notamment, des droits de l'Homme de la troisième génération (droit à la paix, droit au développement, droit à l’environnement et droit au respect du patrimoine commun de l’humanité, des articles 31, 90 et 91 de la Constitution marocaine, de la loi organique 113-14 relative aux communes, notamment ses articles relatifs aux prérogatives des conseils communaux en matière de gestion et de protection de l'environnement, de la loi-cadre 12-99 portant Charte nationale de l'environnement et du développement durable ou encore des objectifs du Conseil supérieur de l'eau et du climat, sans oublier les conventions internationales ratifiées par le Royaume.