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La divergence entre politiques budgétaire et monétaire affecte la lutte contre l’inflation (Mohammed Chiguer)

La montée galopante de l’inflation et les mesures mises en place pour la freiner doivent relancer le débat sur l’importance de la convergence entre la politique budgétaire développée par le gouvernement et celle monétaire gérée par la Banque centrale. Invité de l’émission «l’Info en Face», l’analyste économique et ancien directeur des études à la Caisse de dépôt et de gestion, Mohammed Chiguer, explique la corrélation entre les deux politiques et leur impact sur les efforts de lutte contre la hausse des prix.

La divergence entre politiques budgétaire et monétaire affecte la lutte contre l’inflation (Mohammed Chiguer)
Mohammed Chiguer

Dans un contexte mondiale incertain engendré par la crise économique consécutive à la Covid, le phénomène de l’inflation paraît comme une équation inextricable, difficile à analyser à cause de l’enchevêtrement de plusieurs éléments. D’un côté, le monde connaît une transition écologique imposée par les changements climatiques qui accentue la crise économique et, de l’autre, on assiste à une reconfiguration de la géopolitique mondiale marquée par l’émergence de nouvelles puissances économiques qui tiennent à établir de nouvelles règles du jeu au niveau international. Ces transformations majeures qui impactent inéluctablement l’économie donnent des éléments pour comprendre les causes sous-jacentes de l’inflation sur le plan mondial.

À l’instar des autres pays dans le monde, le Maroc subit les conséquences de ces changements, et en particulier la vague inflationniste. Mais qu’a-t-il fait pour lutter contre cela, et les mesures prises étaient-elles suffisantes ? Pour l’analyste économique et ancien directeur des études à la Caisse de dépôt et de gestion, Mohammed Chiguer, les initiatives prises par le gouvernement pour lutter contre la hausse des prix, bien qu’elles soient importantes, n’ont pas eu l’effet escompté, «à cause de la nature structurelle de l’économie qu’il faudra avoir le courage d’analyser». Selon lui, l’économie marocaine, qui est de nature composite, est tiraillée entre le formel, l’informel et «les activités souterraines», ce qui ne donne pas une idée réelle sur le potentiel économique du pays. De plus, ajoute le même analyste, l’Exécutif dispose d’une marge de manœuvre limitée, du fait qu’il ne dispose pas d’un réel pouvoir sur la politique monétaire et de crédit pour mener des politiques publiques de manière efficiente.

Politique budgétaire du gouvernement Vs politique monétaire de Bank Al Maghrib

En effet, la rigueur des règles monétaires exigeant le maintien du déficit public à hauteur de 3% et la dette publique à hauteur de 60% du PIB fait que le gouvernement ne dispose pas d’une grande latitude, car il est tenu de maintenir les équilibres macro-économiques. «Mais à un moment donné, il est nécessaire de faire un choix entre cet équilibre et la paix sociale, il y va de la stabilité du pays», estime M. Chiguer. Pour cet économiste, la forte montée de l’inflation et l’inefficacité des mesures mises en place pour la freiner doivent relancer le débat sur l’importance du renforcement de convergence entre la politique budgétaire développée par le gouvernement et la politique monétaire de la Banque centrale, qui reste indépendante vis à vis du gouvernement, mais pas à l’égard des institutions financières internationales, ce qui laisse planer, selon M. Chiguer, plusieurs questions sur l’objectivité de ses décisions. «Aujourd’hui, il faut avoir le courage de reconnaître que l’on se trouve face à deux politiques, budgétaire et monétaire, contradictoires. L’inflation a pointé du nez en mars 2022. Elle ne concernait à l’époque que les produits importés, notamment les hydrocarbures et le blé. Le gouvernement n’avait malheureusement pas pris de mesures pour la freiner, alors que c’était le moment idoine pour intervenir, mais la Banque centrale n’a pas pris de mesure non plus. Elle s’est contentée d’observer, puis elle a décidé d’augmenter son taux directeur, alors que la situation n’avait pas changé, sauf qu’il fallait s’aligner sur la politique monétaire internationale. Aujourd’hui et au moment où le gouvernement a annoncé sa décision de maintenir le cap et de poursuivre les investissements, la Banque centrale procède à une augmentation pour la troisième fois successive, à 3%, de son taux directeur, alors que l’inflation s’est avérée structurelle et non monétaire», précise M. Chiguer, en insistant sur la nécessité d’engager un débat sur la politique monétaire adoptée au Maroc et le rôle et l’indépendance des Banques centrales.

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Comment juguler la hausse des prix des hydrocarbures

La fixation d’un seuil relatif aux prix des hydrocarbures pourrait être une solution envisageable pour maîtriser la hausse des prix, estime M. Chiguer. En effet, l’idée serait de trouver un consensus entre le gouvernement et les distributeurs autour d’un seuil de prix au-delà duquel l’État s’engage à annuler les taxes relatives à ces produits et les distributeurs acceptent de réduire leur marge de bénéfice. Ainsi, le gouvernement n’aura pas à recourir au plafonnement du prix qui le pousserait à la compensation et creuserait encore davantage le déficit budgétaire. Une solution qui pourrait avoir un grand effet sur les prix des produits de première nécessité et contribuer à freiner l’inflation.

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