Le Matin : Quelle lecture faites-vous des séries drama marocaines proposées durant ce mois du Ramadan ?
Le réalisateur Alâa Akaaboune fait sortir le meilleur de son équipe. Mais il semble que la production d'une deuxième saison n'était pas programmée. Elle est venue suite au succès de la première. Il y a eu des décalages dans la ligne dramatique de la série. On a dû tisser à la hâte de nouvelles trajectoires pour les personnages. Ceci a fait perdre la crédibilité dramatique de la série. Si on compare le même personnage dans les première et deuxième saisons, on remarque que c'est comme si on est face à une nouvelle personnalité. Il faut créer une histoire du personnage de façon à introduire progressivement tout changement dans son développement.
À titre d'exemple, la benjamine de la famille Maâtaoui a changé de l'extrême à l'extrême. Cheikha aussi ne se comporte plus d'une manière suggérant qu'elle vient d'un milieu populaire différent. Pareil pour son mari revenant de l'étrange. S'agissant de la série «Mal Al dounia» diffusée sur «MBC5», ses univers sont paradoxaux et étrangers aux espaces marocains. Ses personnages sont caricaturaux et n'ont rien à voir avec des personnages de chair et de sang. Il semble que ses créateurs étaient fascinés par des films et séries occidentaux et n'ont pas pu les marocaniser. La série est dispersée et son réalisateur essaie d'imiter l'atmosphère des films de mafia et de gangs. Le résultat est caricatural et faible, et même les acteurs apparaissent dans la série perdus comme s'ils n'ont pas trouvé des personnages bien écrits à personnifier.
Quelle comparaison peut-on faire entre les séries arabes (égyptiennes, syriennes...) et marocaines ?On ne peut pas faire une comparaison pareille. Il y a une nette différence entre les séries marocaines et leurs homologues égyptiennes et syriennes. La fiction égyptienne vient en première position suivie de celle syrienne. La force de ces deux dramas arabes est dans l'évolution des scénarios écrits avec professionnalisme. Par ailleurs, ils bénéficient d'une évolution technique avec l'avènement de jeunes réalisateurs qui ont une vision artistique et intellectuelle à forte valeur ajoutée. En contrepartie, le drama marocain est encore pauvre sur le niveau des idées. Les sujets traités restent limités sans s'ouvrir sur des thématiques osées comme les feuilletons égyptiens et syriens. Le scénario reste le talon d'Achille du drama marocain. On voit des séries avec des défauts dans la narration et de la faiblesse dans la construction et le développement des personnages. On remarque également des évènements sans logique dramatique ou structure narrative cohérente.Que pensez-vous des séries humoristiques programmées ce Ramadan ?Je n'exclus que Hassan El Fad et Hanane Al Fadili, qui travaillent souvent sur une comédie intelligente et de la parodie. Pour le reste, ce n'est que médiocrité. Il paraît que les chaînes de télévision marocaines et les sociétés de production n’ont pas une réelle volonté d’améliorer le goût général malgré l’énorme quantité de critiques sur les réseaux sociaux ciblant cette insipidité qui bombarde le téléspectateur marocain au moment de la rupture du jeûne. En l’absence de bons textes, même les plus talentueux ne peuvent pas donner une comédie respectable.Est-ce qu'on peut dire qu'on a une crise du scénario, un problème dans les castings ou bien c'est la réalisation qui fait défaut ?Certes, il y a une crise du scénario dans les dramas télévisés marocains, mais c'est une crise fabriquée, car elle n'est pas due au manque de scénaristes compétents. Des sociétés de production préfèrent traiter avec des personnes qui n'ont pas de compétence ou d’expérience dans l'écriture de scénario afin de minimiser les coûts. Concernant la réalisation, nous avons de bons réalisateurs, et la plupart d'entre eux travaillent même dans le cinéma et y donnent mieux que ce qu'ils font dans les fictions télévisées. Ceci indique que les problèmes des dramas télévisés sont structurels et non liés aux compétences.Que pensez-vous du fait qu'on voit toujours les mêmes visages dans différents films et séries ?
Les acteurs et actrices ne sont pas responsables de cette répétition qu’on remarque pendant le mois du Ramadan en particulier. Ils travaillent toute l'année et n’ont pas forcément une idée sur les plannings de diffusion. Les responsables sont les chaînes de télévision qui diffusent ces œuvres en partenariat avec les annonceurs. Selon certaines fuites, les chaînes de télévision montrent d’abord les œuvres filmées aux sociétés de publicité. Ces dernières choisissent les productions à programmer tout au long du mois de ramadan selon les visages qui apparaissent dans leurs pubs. C'est ainsi qu'on se retrouve avec les mêmes acteurs et actrices partout.Quelles séries aimez-vous regarder pendant ce Ramadan ?
Je regarde régulièrement la série marocaine «Kayna Dorof», tout en suivant le reste des productions nationales afin de forger une opinion correcte et complète sur le drama marocain. Concernant le drama arabe, j'ai suivi la série «El Harsha El Sab'a», qui comprenait 15 épisodes. Je regarde aussi la série de Mona Zaki tout en suivant de manière sporadique d'autres séries arabes.Lire aussi : Ramadan : quels sont les programmes à suivre sur Télé Maroc ?
