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Séisme au Maroc : Un momentum pour retrouver nos marques

Séisme au Maroc : Un momentum pour retrouver nos marques
Hubert Seillan.

Alors qu’un séisme d’une rare violence vient de toucher le Maroc, nous devons l’admettre, la France et le Maroc ne partagent plus le pain comme pendant plus d’un siècle. Ce pain, qui était façonné par d’innombrables communautés d’idées, avait permis aux deux nations de s’exprimer bien souvent d’une seule voix, sur les sujets d’importance. Ce patrimoine culturel s’est rétréci. Leurs relations sont plutôt tendues, l’écoute fait défaut et les attitudes de chacun, dans son rapport à l’autre et au monde, sont de plus en plus individuelles.
Les actions mécaniques du contexte mondial, politique, économique et social favorisent les nationalismes égoïstes plus que les solidarités. Pourtant, la France et le Maroc sont étroitement réunis dans une communauté culturelle, économique et sociale très ancienne et généreuse.

>>Lire aussi : La visite du président Macron au Maroc, "ni à l'ordre du jour, ni programmée" (source gouvernementale)

Pourquoi cette communauté a-t-elle perdu de sa vigueur ?

Les facteurs sont de trois ordres : le corpus identitaire de chacun des deux pays, les liens qui les unissent et le monde extérieur. Nos sociétés de l’instant perdent régulièrement de vue les marques du temps. Ainsi, la substance des événements et des actes antérieurs est souvent méconnue. Mais lorsque les fondations et les constituants de cette communauté sont éclairés par la preuve des faits et des actes, on constate alors l’existence d’une formidable unité entre les deux peuples. C’est ce que vient de révéler le séisme de Marrakech.
Le mot communauté est fort. Il demande de faire la balance entre ce qui est commun à un groupe ou plus exactement à tous ceux qui le constituent, et ce que sont ses différences, du moins sur les sujets qui importent. Il nous apprend alors que la voix de l’un peut aussi devenir la voix de tous ou du moins comme ici, la voix des deux. Certains pourront dire qu’il s’agit d’un idéal fondé sur la foi, d’une utopie. Mais rappelons que sans idéal, le but disparaît et les décisions s’éparpillent et s’affaiblissent dans des objectifs particuliers.

Cette catastrophe a-t-elle produit un élan de rassemblement ?

Du côté du peuple français, il ne fait aucun doute que l’amitié sincère des Français à l’égard de leurs frères marocains s’est manifestée dans toute sa splendeur et sous toutes ses formes. Leur réflexe fut immédiat, ferme et clair. La catastrophe a donné naissance à une émotion considérable et à des sentiments très profonds de solidarité. Dans le malheur des Marocains, les Français semblent retrouver l’esprit de camaraderie du sang partagé en 14-18 et en 39-45, l’amitié liée au temps qui passe et à un très grand partage culturel.
Ce long passé a frappé leur cœur et leur a fait comprendre que leur futur se profile derrière eux. La douleur partagée ravive les mémoires, rassemble, pacifie, et est parfois une source de civilisation. Les plus petites différences fragmentaires, ces brisures, ces ruptures sociales, ces conflits, trop souvent mis en exergue par les médias et les analyses sociales, semblent balayés par l’événement.

Ce momentum est-il perçu du côté de l’Hexagone ?

Un fait saute aux yeux en dominant tous les autres. En s’adressant directement aux Marocains, sur la plateforme X (ex-Twitter), sans respecter les us et coutumes diplomatiques internationaux, en insistant sur l’existence de polémiques, le Président de la République a affiché un mépris insolent pour l’ensemble des institutions du Royaume qui ne saurait être sans conséquences pour les Français.
Qu’on n’attende cependant pas une réponse officielle du Maroc. La rue a reçu très, très mal cette harangue. L’unité du pays est entière quand il s’agit de sa souveraineté. La politique actuelle de la France non seulement à l’égard du Maroc, mais de l’Afrique, se révèle chaque jour plus incompréhensible.
 

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