Réalisé par le Haut-commissariat au Plan (HCP), en partenariat avec l’Organisation internationale du travail (OIT), le Compte satellite de l’emploi (CSE) fournit une base de données harmonisée et systématique sur la demande du travail mobilisée par les unités de production et un cadre cohérent pour intégrer et présenter les variables du marché du travail en relation avec les données et les agrégats fournis par le cadre central des comptes nationaux, a souligné le Haut-Commissaire au Plan, Ahmed Lahlimi Alami, lors d’une conférence de presse dédiée à la présentation du CSE.
"Les résultats du CSE, ne font que refléter l'image de notre structure productive, et mettent en exergue le rôle majeur que joue toujours le secteur de l'agriculture dans la détermination de la croissance et de l'emploi en contribuant à hauteur de 12% à la valeur ajoutée totale tout en employant 39,7% de l'emploi total. L'emploi dans ce secteur, qui ne s'améliore et ne se modernise que très faiblement, reste peu rémunéré et peu qualifié et majoritairement informel en représentant d’ailleurs 97% de l'emploi dans ce secteur", souligne M. Lahlimi.
L’évolution de l'emploi dans le secteur de l’agriculture caractérisée par la réduction continue du nombre de personnes employées est devenue de plus en plus récurrente sous fond des conditions climatiques difficiles que connaît le Maroc." La libération de ce surplus de main-d’œuvre a été traduite par une prolifération du secteur des services qui représente 41,3% de l'emploi total, et qui restent, en dehors de certaines activités modernes, dominés par les petits métiers dans le commerce et l’artisanat", note le responsable.
Le taux de féminisation de l'emploi peine à repartir
De même, il en ressort que le taux de féminisation de l'emploi qui atteint seulement 29,7% au niveau national demeure encore loin de la parité. Ce taux risque de baisser encore avec les mutations de l'emploi agricole. En effet, la faible qualification des femmes actuellement en emploi et la concentration d'une grande partie du travail féminin dans les aides familiales du secteur de l'agriculture augmentent le risque d'inactivité avec la libération du surplus de main-d'œuvre agricole, note M. Lahlimi. Et d'ajouter, "c’est ainsi que les résultats du CSE donnent une nouvelle illustration de la précarité de l’emploi féminin qui est sous représenté dans les emplois à forte qualification en termes qualitatif et quantitatif, où la proportion des femmes occupant des postes de cadres et de techniciennes ne dépasse pas 15% de la population féminine occupée, tandis que 71% sont des manœuvres".
Ces réallocations de l'emploi entre secteurs à faible productivité ne favorisent pas une transformation des structures de production de l’économie nationale et contribuent à une stagnation de productivité et à la faiblesse de la croissance économique tout en permettant un environnement favorable au développement d'une sphère informelle qui imprègne l'ensemble des branches d’activité. Cette sphère s'étend sur l’ensemble des activités à travers l'expansion du travail informel qui représente une part de 67,6% de l’emploi total.
Les employés informels travaillent en moyenne annuelle 145 heures de plus que leurs homologues du formel
La prédominance du travail informel entraîne d’importantes disparités en termes de durée de travail, de rémunération et de productivité. Les employés informels travaillent en moyenne annuelle 145 heures de plus que leurs homologues formels, tout en recevant une rémunération moyenne cinq fois inférieure. De plus, en termes de productivité apparente du travail, celle des employés formels demeure 3,7 fois supérieure à celle des employés informels.
La rémunération moyenne par salarié dans l'agriculture inférieure par rapport à l'industrie et les services
En conséquence de cette distribution de l’emploi et de ces écarts de productivité, la distribution des salaires par secteur devient de plus en plus dispersée. La rémunération moyenne par salarié dans l'agriculture est inférieure de 60% de celle de l’industrie et de 73% de celle des services, note M. Lahlimi.
L'évolution des salaires en relation avec la productivité révèle le ralentissement de la croissance de la productivité, qui a évolué de 1,9% entre 2014 et 2019, sans qu'elle soit accompagnée d'une amélioration des salaires moyens réels, qui se sont au contraire détériorés d'environ 0,88%, et qui aura des implications importante sur la demande agrégée, principale moteur de la croissance durant ces vingt dernières années, via la détérioration du pouvoir d’achat et l’importance de la part des revenus salariaux dans le total des revenus des ménages. "Cette évolution différée de la productivité et de salaire est plus marquée dans le secteur primaire, de l'industrie et de transport où la productivité a augmenté de 4,4%, 1,1% et 0,2% respectivement, comparativement à une baisse du salaire moyen réel de 1,7%, 0,5% et 2,1% respectivement. Tandis que dans les quelques services « à forte valeur ajoutée », le salaire moyen et la productivité se sont détériorés, toutefois, avec une baisse plus importante du salaire réel moyen que celle de la productivité", souligne le haut commissaire au plan. .
Pour une industrie productive et étroitement intégrée à l’économie domestique
«Pour tirer profit du dividende démographique, il faudra réussir les transformations structurelles de l’économie nationale à travers le renforcement d’une industrie moyennement productive et étroitement intégrée à l’économie domestique. Il est également nécessaire de créer un environnement propice à l’amélioration de la compétitivité et l’expansion des petites et moyennes entreprises formelle. Cela nous permettra non seulement de réduire la taille de l’économie informelle, mais de valoriser le travail, d’intensifier les qualifications par le «learning by doing», mais aussi de promouvoir une allocation optimale de l’emploi», explique M. Lahlimi. Autrement, cette manne démographique pourrait se transformer en un fardeau qui pèserait lourdement sur les équilibres sociaux, si l’on ne parvenait pas à accroître la productivité et générer une croissance intensive en emploi, prévient le même responsable.
Élaboré à partir de sources statistiques sur l’emploi, des enquêtes sur les structures auprès des entreprises et de sources administratives réalisées entre 2014 et 2019, le «compte satellite de l’emploi» permet d’affiner la mesure de la productivité et de donner de nouveaux éclairages sur la demande de travail et la rémunération salariale, en relation avec la valeur ajoutée et les structures productives.
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