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Entretien avec M. Anatoli Zlenko, ministre ukrainien des Affaires étrangères

Pays d'Europe centrale, l'Ukraine est relativement peu connue du grand public marocain. Certains la connaissent cependant à travers des événements ou des lieux qui sont entrés dans l'histoire universelle comme la Conférence de Yalta, du nom de la ville où

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L'Ukraine - 603.700 km2 et 50 millions d'âmes dont une importante communauté musulmane d'environ 300.000 personnes - est un pays qui ne manque pas d'atouts et de potentialités tant naturels qu'humains. C'est là, à titre d'exemple, qu'a été fabriquée la fusée porteuse « Zénith « qui a mis récemment en orbite le premier satellite marocain.
Ayant longtemps vécue à l'ombre de la Russie sous l'ancien régime soviétique, l'Ukraine a pu retrouver son identité et son indépendance, le 24 août 1991 au lendemain de l'effondrement de l'ex-URSS et de la chute du mur de Berlin. Un événement que le Maroc fut l'un des premiers pays à saluer en reconnaissant la souveraineté du nouvel Etat en établissant des relations diplomatique avec lui. Désireux d'approfondir davantage ces relations en leur donnant un contenu concret et en mettant à contribution les potentialités - au demeurant considérables mais peu exploitées à ce jour - dans les domaines les plus divers, le gouvernement de Kiev a dépêché au début de cette semaine son ministre des Affaires étrangères ainsi qu'une importante délégation d'hommes d'affaires au Maroc en vue d'explorer les opportunités et les voies et moyens de hisser la coopération économique au niveau des relations d'amitié qui unissent les deux pays et des aspirations de leurs peuples.
C'est la première fois qu'un ministre ukrainien des Affaires étrangères effectue une visite au Maroc. Pouvez-vous nous dresser le bilan de votre séjour ?
C'est effectivement la première fois que je me rends au Maroc et je peux dire que le bilan principal tient au fait que nous avons pu établir des contacts, notamment avec mon homologue, M. Mohamed Benaïssa et le Premier ministre, M. Youssoufi, auprès desquels j'ai trouvé une compréhension totale et parfaite des positions et analyses de notre pays concernant un certain nombre de questions internationales telles la lutte contre le terrorisme, la situation au Proche-Orient...
En deuxième lieu, nous avons trouvé ici un marché très important et des perspectives prometteuses pour les produits ukrainiens. Nous avons ainsi pu mettre en place les instruments nécessaires à la promotion et l'intensification de la coopération économique entre nos deux pays. Nous sommes convenus, dans ce sens, de créer une commission intergouvernementale pour la coopération économique, scientifique et culturelle. Troisièmement, nos hommes d'affaires ont eu l'occasion de soumettre d'importantes propositions d'échanges dans divers domaines dont, à titre d'exemple, ceux de la construction et des grands travaux y compris la construction de complexes 114ifs et autres infrastructures, la coopération entre nos deux systèmes bancaires, la pêche maritime, si possible, la création éventuelle de sociétés mixtes dans ce domaine (de la pêche) dans le respect absolu des règles du jeu. Nous avons également abordé la possibilité d'une coopération plus poussée entre la compagnie ukrainienne Antarctica et l'Office marocain des phosphates, ce dernier devant désormais exporter dix millions de tonnes de phosphates vers l'Ukraine durant les cinq prochaines années. Nous avons par ailleurs soumis à la partie marocaine de multiples et différentes autres propositions touchant des domaines très variés tels, par exemple, la gestion de l'eau, l'irrigation, etc. Toutes propositions qui ont d'ailleurs trouvé un écho favorable et permis, ainsi, d'envisager des rencontres périodiques au niveau des experts des deux pays, en vue d'en approfondir l'examen et de trouver le moyen de les mettre en œuvre.
D'autre part et afin d'asseoir notre coopération sur des bases juridiques solides, nous avons procédé, aujourd'hui même (NDLR : lundi 24 décembre), à la signature de deux accords portant sur les échanges commerciaux d'une part et, d'autre part, sur la garantie des investissements dans nos deux pays.
Pouvez-vous nous donner une idée sur la teneur du message du Président de la République d'Ukraine à S.M. le Roi et que vous avez remis aujourd'hui à M. Benaïssa ?
Je peux dire que notre Président, M. Léonid Koutchma, procède, dans cette lettre, à une évaluation de nos relations durant ces dix dernières années (NDLR : c'est-à-dire depuis l'indépendance de l'Ukraine vis-à-vis de l'ex-Union Soviétique), avance des propositions pour l'intensification de la coopération bilatérale. Le message contient aussi une invitation à S.M. le Roi, à effectuer une visite d'Etat en Ukraine, l'an prochain.
Globalement donc, je suis très satisfait de cette visite et des résultats des entretiens que j'ai eus avec les responsables marocains, qu'il s'agisse du Premier ministre, des présidents des Chambres du Parlement, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération ou encore des dirigeants de la CGEM et du GPBM (Groupement professionnel des banques du Maroc).
Le Maroc et l'Ukraine entretiennent des relations politiques que l'on pourrait qualifier d'amicales et correctes. Les deux pays partagent en outre des affinités certaines et des vues quasi-identiques sur nombre de questions régionales et internationales. Leurs échanges économiques et commerciaux restent en revanche très faibles puisqu'ils n'ont pas excédé les 120 millions US $ en 2000. Que préconisez-vous pour y remédier ?
Au risque de me répéter, je soutiens que nos deux pays ont des ressources et des potentialités considérables et beaucoup de choses à mettre en commun. L'un des premiers objectifs de notre visite était de nouer le contact et d'explorer les opportunités de coopération entre nos deux pays. C'est maintenant chose faite. Nous avons ensuite jeté les bases d'une concertation plus étroite et plus régulière en vue justement de dynamiser cette coopération. Nous avons également apporté moult propositions concrètes et avons clairement exposé les divers domaines où notre coopération peut le mieux s'exprimer et où notre pays occupe une bonne place à l'échelle internationale. Je pense notamment, ici, aux secteurs de la construction de machines-outils, les constructions navales, l'agriculture, l'industrie en général, l'avionique, la chimie, l'exploration géologique, l'exploitation des mines, etc. Pour vous permettre de vous faire une idée des immenses possibilités qui s'offrent à nos deux pays, je me permettrai de citer quelques chiffres : les échanges de l'Ukraine avec la Russie par exemple, s'élèvent à quelque onze milliards US $. Ils sont d'environ 2,4 milliards avec l'Allemagne, de 1,2 milliard avec l'Italie, etc. Notre pays dégage ainsi un solde commercial positif annuel de plus de 700 millions de dollars.
Avec le Maroc, nous allons désormais concentrer notre attention et nos efforts sur l'amélioration de nos échanges commerciaux et l'intensification de notre coopération en général et je suis, personnellement, très optimiste quant aux perspectives d'avenir, car il existe une réelle volonté de part et d'autre, d'aller de l'avant et de consolider nos liens.
Dans ce but précisément, nous avons d'ores et déjà, proposé l'installation d'une maison du commerce à Casablanca (NDLR : une sorte de Chambre de commerce et d'industrie, dotée d'un espace d'exposition permanente de produits ukrainiens) ; nous envisageons également de renforcer la cellule économique de notre ambassade à Rabat...
Les hommes d'affaires qui m'ont accompagné sont également très satisfaits de leurs contacts avec leurs homologues marocains.
Partant des valeurs partagées de paix, de tolérance et de respect de la dignité humaine, comment pensez-vous que Kiev et Rabat peuvent contribuer, de concert, à mieux asseoir ces valeurs et les faire progresser dans un monde toujours sous le choc des événements du 11 septembre dernier ?
Votre pays, comme le mien, adhèrent à toutes ces valeurs et les défendent du mieux qu'ils peuvent. Pour ce faire, nous adoptons une même démarche à différents niveaux, que ce soit à l'ONU, au Conseil de sécurité ou autres. Nous condamnons et luttons vigoureusement contre le terrorisme mais nous refusons, tout aussi énergiquement, tout amalgame entre ce dernier et l'Islam ou les pays islamiques. Nous avons tous les deux la même foi et la même volonté de faire prévaloir les valeurs de paix, de liberté, de démocratie et de sécurité pour tous.
Comment évaluez-vous le rôle de S.M. le Roi au Proche-Orient ?
Je crois que c'est un rôle très positif. Je pense que votre pays est bien placé pour jouer un rôle constructif de médiateur et que les initiatives de S.M. le Roi sur ce registre sont de nature à baliser la voie pour un règlement juste, équitable et durable de la crise qui secoue cette partie du monde.
Nous soutenons donc cette position et ces initiatives et œuvrons, de notre côté à renforcer les chances de paix, de sécurité et de cohabitation entre tous les peuples de la région. Je voudrais rappeler, à ce propos, l'ouverture tout récemment de l'ambassade de Palestine à Kiev en présence de M. Nabyl Chaât.
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